SARKOZY, ENFANT DE 68, À L’INSU DE SON PLEIN GRÉ

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MAI 68

A LaTéléLibre, on aime bien Jean-Marcel Bouguereau, un grand journaliste, rédacteur en chef au Nouvel Obs. C’est lui qui reçoit le courrier des lecteurs et qui en publie une sélection. Vous pouvez le retrouver dans le journal papier et dans la version électronique pour un édito quotidien, qu’il écrit pour La République des Pyrénées. Jean Marcel a vécu 68 de l’intérieur, à la Sorbonne. Voici son dernier texte, que nous publions volontiers.

 

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Sarkozy, enfant de 68, à l’insu de son plein gré

On ne peut pas y couper. Alors, autant se débarrasser dès aujourd’hui de ce quarantième anniversaire, sans attendre l’overdose que va provoquer le torrent commémoratif. Pourtant quand, comme moi, on a vécu ces évènements en première ligne, on ne peut que redouter la momification, la starification de quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Le discours des « vieux cons » qui n’y voient que la crise d’acné d’une jeunesse bourgeoise, prompte – scandale suprême – à changer, à tirer des leçons des bêtises que nous disions. Et Dieu sait que nous en avons dit ! Et puis, tout aussi dévastateur, le discours des anciens combattants, juste capable de dire « j’y étais », mais impuissants à rendre compte de l’essentiel : le plaisir indicible qu’ont pris tous les acteurs de ce mois de rêve, le sentiment de toute-puissance qui a forgé cette génération, lui a donné une assurance que, non sans raison, lui reprochent les générations suivantes.

Alors, pourquoi ce déferlement commémoratif ? Sans faire une fixation, il faut dire que la faute en incombe un peu à Nicolas Sarkozy, lorsqu’il a décidé qu’il fallait « liquider Mai 68 ». Pourquoi ? Parce qu’il y a toujours eu en France une haine de Mai, multiforme, de droite mais aussi de gauche. Haine classique des politiciens patentés pour les amateurs intempestifs que nous étions. Haine des staliniens reconvertis pour ce mouvement qui annonçait le refus de tous les totalitarismes. Haine des spécialistes de la prise du Palais d’Hiver pour cette étrange révolution qui ne voulait pas prendre le pouvoir. Et puis tous les autres, pas moins nombreux, qui oublient de dire combien ils ont eu peur, oui, peur. Haine de Mai de tous ceux qui ont paniqué : ministres couards qui ne pensaient qu’à plier bagage, patrons autoritaires et contremaîtres tyranniques qui crurent non sans raison leur pouvoir contesté et qui comprenaient qu’après Mai plus rien ne serait vraiment comme avant.

Mai 68 ce fut aussi ce que beaucoup de gens détestent : l’imprévu, la foule, la grève, la gaieté, la gentillesse, la griserie du pouvoir chez ceux qui n’en avaient jamais eu. Et puis le principal, les conquêtes sociales, le syndicat dans l’entreprise, la rupture avec le modèle autoritaire de toute une société, le mouvement des femmes, tout ce qui fait qu’aujourd’hui, un Président divorcé, Nicolas Sarkozy est un enfant paradoxal de Mai 68 qui, comme l’a rappelé Daniel Cohn-Bendit peut, à l’Elysée, « jouir sans entraves ». A l’insu de son plein gré…

Jean-Marcel Bouguereau

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Les commentaires (25)

  1. tant mieux si c’est un  » torrent » je crains que ce ne soit qu’ une « pissote » folklorique.

  2. Hé bin voilà, Gaebus ; tu as finis par les trouver, les images de « Carla nue » ; depuis le temps que tu les cherchais, n’ en dormant plus, ne pouvant te coucher sur le ventre sous risque de te réveiller collé aux draps …

    Je trouve que le procédé qui consiste à diffuser ces images est abject ; ça fait penser aux attaques fascistes sur la sexualité de leurs opposants, et en général de ceux qu’ ils haïssent.

    Carla Bruni est une très belle femme et ceux qui se branlent non pas sur son beau cul mais sur le fait de s’ imaginer la salir par ces procédés ne sont même pas dignes d’ être ses éventuels morpions.

    Tant mieux si la première dame de France soit ce canon, et que la terre entière en bave devant son écran ; c peut être la seule « première dame » du monde à être aussi belle -voire belle tout court. Foin de Bernadette ici ; ou de Ségolène …

    On est plus à l’ époque d’ avant 68 ; l’ époque de tante Yvonne ! … ENJOY NOW !

    -«Mais elle avait pas qu’ à poser à poil ! »
    -«C’ est son métier, espèce de spermatozoïde égaré ds un kleenex ! »

  3. Mai 68 était un flash qui à ionisé l’air, cet air du temps s’est progressivement refroidit mais le souffle du tonerre nous a-t-il déjà atteint? Fusse cette brise rosâtre de 81-83? Etait-ce cet écho déformé et libéral de 1984-2007 qui s’enfle en ultraliberalisme ?

    @ Gaebus: Et quoi de plus normal pour celui qui se prévalait d’un pilotage manuel de maverick (sauce vendue sans garantie contractuelle) que de se marier à une diva kleenexotrope? Va poster ça sur le site de pélerin magazine, ici ça n’étonne ni ne choque personne je crois.

  4. Sarkozy est un enfant de 68, ça saute aux yeux !
    Ben oui, les idées humanistes, le sens de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, l’amour de son prochain, l’honnêteté intellectuelle, morale, financière et politique, le refus du paternalisme et de l’autoritarisme, la générosité, la douceur de vivre, la solidarité, la spiritualité fleurie, non intrigante, sincère, la sensibilité …
    Vraiment tout ! J’adhère !

  5. L’enfant de 68 est plûtot un enfant de la bourgeoisie et son modèle date du XIXème siècle.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Adolphe_Thiers
    Nous sommes aujourd’hui dans le XXIème, mais sachant que l’Histoire ne se répète pas, n’oublions pas que la bourgeoisie bien française regrette la belle époque, s’il n’y avait pas les emprunts russes dont nous n’avons jamais rien gagné.
    Et les affaires nous font penser au temps de « Napoléon le petit » avec le banquier Laffitte, précurseur de Georges Pompidou, (directeur de la banque Rothschild) ?

  6. Nicolas Sarkozy est, qu’il le veuille ou non un enfant de 68. Tout simplement parce qu’il avait 13 ans pendants les événements, et a donc vécu son adolescence, puis plus tard sa vie de jeune adulte dans la période qui à découlée desdits événements.
    1968 marque une période quasi mondiale pendant laquelle les masses se sont pris à rêver, à espérer en un monde meilleur. Certains ont mis en application ces rêves et de nombreux changements de société ont eut lieu, portés par ceux-ci.
    Nier que le Président ne soit pas issu de cet élan serait mensonge puisqu’il a bénéficié des apports de cette « révolution », autant dans son éducation que dans sa vie de tous les jours.
    Bon, maintenant il veut « liquider Mai 68 »… Il considère que ces événements, à mon sens essentiels dans notre histoire, n’ont fait qu’apporter ruine et désolation à notre beau pays.
    Mais il rêve debout notre Président !
    Ne sait-il pas qu’une fois les portes de la liberté ouvertes, celles-ci ne se referment plus ?
    Mai 68 a apporté une libération de la société, des mœurs et de la vie en général. Cette libération va à l’encontre d’une autre, celle de l’économie mondiale. Car, évidement ce sont ces avancées sociales qui empêchent, selon lui, notre pays d’avoir sa « vraie » place dans ce monde.
    Je dis que Mr Sarkozy est un crétin qui sait où est son cœur, uniquement parce qu’il se trouve juste sous son portefeuille.

  7. Notre président à du mal digérer ses années à Nanterre où faire du droit et militer à droite n’est pas trés bien perçu, je suppose que les mollusques fumeurs de shit et joueurs de flutieau (c’etait avant l’invention démoniaque du Djembé) devaient se taper toutes les gourdasses calipiges et que ça lui est resté en travers de la gorge. Quand il passe en costard à deux plaques au bras de Carla assez prés d’un ex-beatnik (genre qui serait journaliste maintenant), il doit avoir comme un goût de revanche dans la bouche.

    Aprés son bac « B » comme « branleur » (j’ai le même), Nanterre puis sciences-po par dessus la jambe il lui a fallut faire enfin quelque chose d’un peu sérieux. Le parcours est réussi, quant au sérieux le moins qu’on puisse dire est qu’il se discute.

    Il doit être bon pour lui de penser qu’il aurait eu le même s’il avait commençé à bosser à 16 ans dans le nord pas de calais. Si jamais il y pense. On nous permettera de douter des deux.

    Ceci étant dit les discours sur mai 68 sont de Guéant si je ne me trompe et sont issu d’un vrai choix de positionnement politique

  8. Mai 68 , c’est comme la guerre de 14-18 . tout le monde en parle, mais personne ne sait exactement ce qui s’est passé. l’ambiance, l’allégresse , les pavés …Un de ces jours on aura le Ponticelli de mai 68; on l’entourera de vénération, on lui fera de grandes funérailles, et basta ! enfin tranquilles! !

  9. Bien vu Aslan ! Toute sa vie semble être dédiée à une revanche sur sa jeunesse mal digérée . Et il entraîne 60 millions de personnes dans son sillage !
    A quoi ça tient la politique !

    Lucifer, je pense que mai 68 s’est surtout déroulé à Paris et dans quelques grandes villes, quelques entreprises et universités .
    L’important n’est pas vraiment de savoir ce qui s’est passé mais ce que la société y a gagné . Et encore ! Mieux vaut se focaliser sur ce que la société a maintenant à perdre avec les guignols qui nous
    gouvernent !

  10. Ce fameux mai a touché une grande partie de la France. 9 millions de grévistes…c’était pas que Paris où il y avait à cette époque une poignée d’étudiants par rapport à aujourd’hui!. je crois que même les « vieux  » de 80 et plus sont des enfants de ce mai .Eux mesurent bien le virage dans leur propre vie . Avant, après . certains s’en réjouissent , d’autres le regrettent.

  11. En 68, j’avais 13 ans (comme Sarko, comme quoi on peut l’avoir vécu au même age sans avoir été traumatisé !) et je vivais en province.
    On allait distribuer des patates et autres denrées aux grévistes tous les matins avec mon père.
    J’étais collégien et on faisait des piquets de grève pour empêcher les cours de se dérouler.
    J’ai aussi manifesté, c’était rigolo les slogans :
     » Il était un, premier ministre
    Il était un, premier ministre
    Qui n’avait ja ja ja mais travaillé
    Qui n’avait ja ja ja mais travaillé
    Ohé ohé
    Ohé ohé Pompidou
    Pompidou navigue sur nos sous
    Ohé ohé Pompidou
    Pompidou navigue sur nos sous » (sur l’air de « il était un petit navire »).

  12. Oh ! les jeunes!
    Scusez mais moi j’avais 17 ans en 68 et croyez moi, comme prise de conscience politique…le baptême du feu !!

    J’ai appris les rouages de la politique en très peu de temps quand ceux qui ont suivi le mouvement étudiant en prenant le train en marche..nous ont lâché dès qu’ on a commencé à pousser plus loin les bornes de nos désirs ( non à la société de consommation, vive la liberté sexuelle, notre corps nous appartient… participer sans rentrer dans le rang des partis et des syndicats…le pouvoir, on s’en fout…c’est la conscience des gens qu’on veut éveiller…)

    68, c’est la poésie sur les murs..les slogans magnifiques, la bouche fleurie de philosophie directe…
    Et aussi, une belle utopie que je suis tellement heureuse d’avoir vécu ».. en province, n’en déplaise aux parisiens…l’imagination et l’ardeur étaient aussi au pouvoir !!!

    Alors c’est pas un petit coq qui , avec ses 13 ans en 68, militait déjà avec les fafs …
    qui va nous confisquer nos plus beaux souvenirs de solidarité et de créativité collective…
    Non Mai !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

  13. Ben moi en 68, j’avais un an. Selon la légende familiale, les grèves et les manifs eurent comme conséquence directe… mon sevrage ! La pénurie de lait en poudre fit que je passais aux soupes de légumes avant la date prévue. A l’époque nous habitions Lorient et à mon grand regret je n’ai plus personne à qui demander plus de renseignements sur cette époque de changement… Je m’aperçois que je ne sais pas ce qu’ont fait, dis ou pensés mes parents à cette époque…
    Ce que je sais par contre, c’est que mon éducation est directement issue des événements. On peut dire que je suis un enfant de 68, à défaut de mes copains (Edou, Mobensim) qui en furent les acteurs.
    Je parle de mon éducation scolaire et sociale, parce qu’à la maison c’était « marche à droite et ferme ta gueule ! ». D’ailleurs en 81, je me rappelle que nous avons fais un cours passage à Genève pour ouvrir un compte… (Faudrait peut-être que je me renseigne sur ce qu’il est devenu ce compte…)

  14. Oui, renseigne-toi, Gwendal, parce qu’en Suisse il y a plein de comptes non revendiqués, et les banquiers suisses ne se bousculent pas pour rechercher les éventuels héritiers !

  15. Si y faut j’ai plein de pognon en Suisse et je le sais même pas!
    Mais bon, à l’époque, mes parents pensaient voir débarquer les chars russes sur les Champs Elysée… j’imagine qu’avec le temps ils ont compris qu’il n’en n’était rien…

  16. On choisit ses copains mais rarement sa famille.
    Renaud

    C’est peut-être le fait de passer très tôt à la soupe aux légumes qui t’a rendu écolo ! Merci papa, môman :)

  17. L’héritage de 68 ?
    En 69 : référendum et limogeage de De Gaulle. On a fait une de ces teuf !
    70, je m’inscrivais à la LCR puis passais rapidement à L.O (lutte ouvrière). J’ai encore un exemplaire du petit livre rouge de Mao. Pour les non-initiés, cet ouvrage de couverture rouge fait à peu près 7 x 12 cm (facile à cacher dans sa poche) et comporte 500 pages en papier très fin. Le contenu : des maximes, des petites instructions, le tout d’une naïveté à ch… du genre « lavez-vous les mains avant d’aller manger ». (à peine exagéré)
    71, à force de battre le pavé, mon drapeau a fini par se salir et est passé du rouge au noir. Mais j’y ai gagné en pureté…

    Depuis, rien de mes idées n’a changé. Il parait que je suis un adolescent attardé !
    « Je suis c…, mais p…n j’aime ça ! »
    Coluche

  18. C’est peut-être surtout ça 68 ! Une certaine idée de la liberté, profondément ancrée .
    On comprend que ça ne plaise pas à tout le monde …

  19. C’est ça Lucie…68 c’est la liberté qu’on tient dans une main bien ouverte à tous ceux qui en veulent…et un pavé dans l’autre pour ceux qui veulent la confisquer..

    On pourrait résumer comme ça…mais c’est tellement plus complexe !

    A chacun son 68, Gwendal, mais il semble que les légumes t’ont bien émancipé du lait maternel….

    Fin mai, j’ai laché le morceau pour venir assister mon grand-père mourant…ce vieux gaulliste que j’aimais tant et avec qui je me fritais dès qu’on parlait politique…avait sur son lit de mort le transistor contre l’oreille pour écouter la rumeur de la rue.
    Il m’a dit : « Retournes-y…tu vis une page d’ Histoire que tu ne reverras plus jamais.. »
    Je n’ai jamais oublié . Mais je n’y suis pas retournée.