"VIS MA VIE EN FAUTEUIL ROULANT"

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LIBERTÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Votre ville est-elle accessible aux personnes handicapées ? C’est le test grandeur nature que l’association des paralysés de France (APF) propose du 6 au 12 octobre dans 400 villes hexagonales réparties dans 85 départements. La 2e édition de la campagne de sensibilisation « accéder7exister ! » mobilise cette année encore des milliers de bénévoles.

Ils vont installer environ 5000 silhouettes grandeur nature avec une couleur correspondant à l’accessibilité du lieu. Vert pour un accès facile, orange s’il existe un obstacle, et rouge si l’accès est impossible sans aide extérieur. Les média ont répondu présents… mais pas les politiques.

10h lundi matin. Le parcours du combattant au cœur du 14e arrondissement de Paris peut débuter. Didier, Alain et les autres circulent en fauteuil roulant. Ils sont tous bénévoles au sein de l’APF et ont une mission : vérifier l’accessibilité des administrations, cafés et commerces de proximité du quartier. Un geste anodin pour toute personne valide mais terriblement compliqué pour tout handicapé moteur.

Peu de bons points à distribuer

Pas de marches et des ascenseurs pour accéder au quai. Entrer dans la gare RER de Denfert-Rochereau n’est pas trop difficile. En revanche, acheter une baguette à la boulangerie située à 50 mètres de la gare s’avère impossible. Aussitôt Alain brandit sa silhouette rouge « Stop, ici je suis bloqué ». « C’est aberrant, la boulangerie près de chez moi a fait le nécessaire mais ici, je ne peux pas rentrer. C’est comme pour vogueo, la nouvelle navette fluviale de Paris. Elle n’est pas accessible. C’est le cas pour plusieurs lignes de bus. J’ai beaucoup de difficultés à me déplacer sans ma voiture. C’est une forme de discrimination », explique ce retraité des hôpitaux de Paris.

Quelques mètres plus loin, un bénévole s’apprête à placer une silhouette verte à l’entrée d’un fast-food mais se ravise. La pente à l’entrée est bien trop raide pour atteindre la porte. Didier, 58 ans, fonctionnaire à la direction des services fiscaux du ministère des Finances fulmine. « Notre liberté est limitée, parfois on accède au restaurant mais on n’a pas accès aux sanitaires. Les hommes peuvent se débrouiller avec une bouteille, avec les risques que ça comporte, mais pour les femmes, c’est plus dur », précise-t-il.

Une loi peu contraignante

Une situation que Jean-Marie Barbier, le président de l’APF, ne peut plus tolérer. Il craint que la « loi handicap » n’ait pas de réels effets sur le paysage urbain. « La loi handicap du 11 février 2005 pose l’obligation de rendre la cité accessible d’ici 2015. Ça nous donne 10 ans pour faire le travail. Or 3 exercices budgétaires sont déjà passés, un quatrième est en cours, il faut débloquer les sommes […], demande-t-il en rappelant qu’il reste 2278 jours pour atteindre cet objectif.

Or aucune amende ou sanction n’est prévue par la loi si un commerçant ou un médecin ne réalise pas les travaux nécessaires. Idem pour les mairies. Si, d’ici 2015, les bâtiments ne sont pas aux normes d’accessibilité, le seul recours des associations sera une action judiciaire.

Une extrémité que la mairie du 14e arrondissement souhaite prévenir. Marianne Auffret, adjointe au maire chargée des personnes en situation de handicap est présente « par hasard » à la manifestation. « La semaine prochaine nous organisons une marche exploratoire, dont le but est de signaler les points noirs sur la voirie. C’est bien que les associations nous interpellent, dit-elle à Jean-Marie Barbier. La prise de conscience est tardive. La difficulté est de lier des interlocuteurs : un service municipal chargé de la voirie avec celui des parcs et jardins, la voirie avec le commerce par exemple. Les personnes handicapées sont mal représentées dans les conseils d’administration des entreprises, dans les conseils municipaux. Tant qu’on n’est pas confronté au handicap, rien ne bouge », déplore-t-elle.

Un avis que partage le président de l’APF. Pour son numéro d’octobre, Faire Face, le journal de l’APF a invité des journalistes valides à passer une journée en fauteuil et à témoigner. « C’est bien que les journalistes soient là, mais il faudrait que les ministres fassent l’expérience », souligne Jean-Marie Barbier.

Rue Daguerre. Le parcours prend fin. Une boulangère interpellée par les bénévoles de l’APF, dont la boutique n’est pas accessible, promet rapidement « on va y réfléchir, on va regarder ça » tout en s’excusant « j’ai des clients». Rares sont les commerçants venus discuter avec les manifestants.

Kelly Pujar (texte et photos!)

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Les commentaires (2)

  1. Petit détail, vous allez me dire, mais je n’étais pas là du tout « par hasard ». J’ai dit à votre journaliste que le « hasard » voulait que j’organise une marche exploratoire la semaine suivante grosso modo au même endroit et avec un gars des APF (aussi) et une femme aveugle. Nous allons repasser sur lieux du crime d’une précédente marche exploratoire et faire un bilan des travaux faits/ pas faits depuis. En l’occurence, je serai en fauteuil (et je compte bien le faire tester à l’ingénieur voirie qui nous accompagnera. Et un autre « hasard » voulait que je bossât avec un autre gars des APF (présent à la manif à Denfert) avec qui j’organise un atelier d’usagers la semaine prochaine aussi, en vue d’élaborer les outils d’informations de la mairie à destination des personnes handicapées. Qui a besoin de quoi, en terme d’info de proximité?
    Enfin le « hasard » faisant bien les choses, je ne suis pas assez neuneu pour vous dire que je suis là « par hasard » à un happening des APF sur l’arrondissement où je suis élue en charge des personnes en situation de handicap;-)
    Merci en tout cas de tout coeur pour le relai de l’info sur ce sujet qui nous est cher!

  2. bonjour nous faisons des TPE pour le bac et ont n’aimeraient savoir si c’était possible d’avoir une silhouette grandeur nature? merci