Les Urgentistes Prient la Ministre de Sauver l’Hôtel Dieu

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A l’hôpital de l’Hôtel-Dieu s’est déclenché ce dimanche un mouvement de protestation contre l’annonce de la fermeture du service des urgences par la Ministre de la Santé Marisol Touraine. Les grévistes ont investit une salle et comptent tenir leur blocus jusqu’à l’obtention d’un rendez-vous avec la Ministre. J’ai décidé d’aller me promener dans ce vieux bâtiment, fondé en 651 avant Jésus-Christ, pour comprendre ce qu’il s’y trame.

Au Ministère de la Santé, on a plus envie d’accueillir les accidentés de la route dans un bâtiment classé de l’Ile de la Cité. Cette nouvelle est passée discrètement ce week-end. Une salle de l’Hôtel Dieu est occupée par des employés, des patients et des élus pour protester contre la fermeture annoncée par Marisol Touraine, du service des urgences de l’APHP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ).

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Très bon sens de la formule devant l’entrée des urgences

Après plusieurs coups de fil au service Presse de l’Hôtel Dieu, je me rends compte de deux choses. D’une, tout mes intermédiaires prennent un malin plaisir à me dire qu’il n’y a aucune forme de protestation au sein de l’hôpital, et de deux, je ferais mieux de me casser une jambe pour entrer en contact avec ces mystérieux occupants.

Enfourchant ma mobylette, je me rends sur place. Première surprise, les murs sont recouverts de banderoles à la calligraphie plus ou moins bien réussi, rappelant à l’observateur aiguisé le sens du lettrage d’une faculté en grève. Voici donc la réponse à ma première interrogation, les membres de l’administration se sont bien foutu de ma gueule.

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On est pas bien là ?

Une fois pénétré dans l’enceinte du bâtiment, je fais la rencontre de Nathalie et Evelyne, toutes deux membres de l’hôpital et, par le plus grand des hasards, du syndicat Sud Santé APHP. Notre discussion démarre dans un cadre proche du bucolique, aisément installé sur les vieux escaliers en pierre, sous les voutes d’un passage ombragé et face au délicieux jardin à la française, dans lequel ont été planté de nombreux drapeaux colorés.

 

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Ici, même les buissons à la française sont syndiqués.

 

« Le 4 aout, la directrice générale de l’APHP (Mireille Faugères) a commandé le déménagement des Urgences, nous avons alors formé un comité pour l’en empêcher, un comité d’accueil quoi ! » Nathalie.

 

« On a même su en interne que des instructions ont été donné aux pompiers de ne plus amener les blessés aux urgences de l’Hôtel Dieu, mais à la Salpêtrière ou à Saint-Anne. » Évelyne.

Posté, une heure plus tard, devant l’entrée des urgences j’ai l’occasion de constater que les camionnettes rouges n’ont pas cessé de décharger leur lot d’esquintés. Par contre aucun pompier ne me semble au courant de ces instructions internes. Mais qu’est-ce que ça représente comme volume ces urgences ? Sur le site internet de France 5, le Docteur Gérald Kierzek estime que l’Hotel-Dieu est le seul service d’urgences de 9 premiers arrondissement de Paris, « couvrant 400.000 habitants et 13 millions de touristes », très nombreux au centre de Paris.

Une question d’argent

Sur les marches, un homme d’un âge médian, d’une taille médiane et d’une colorimétrie oscillant entre le gris de ses cheveux et le Blue Jeans de sa veste m’accoste : « Je suis un habitant du quartier, je suis ici en soutien depuis le premier jour. Les urgences de l’Hôtel Dieu sont les seules au centre de Paris, leur fermeture représente une diminution de l’offre de soins pour les Parisiens comme pour les touristes ». Je ne pu m’empêcher, sur le coup, de me demander quelle valeur accorder à l’expression « habitant du quartier » lorsque l’on parle de l’Île de la Cité…

Revenant à Évelyne et Nathalie nous abordons les raisons pour lesquelles la Ministre cherche à fermer ces urgences.

« C’est une question d’argent, de restructuration. Pourtant de l’argent il y en a. La salle que l’on occupe a été refaite en 2012, c’est un service de Chirurgie Thoracique ». Évelyne

Je demande alors poliment à voir cette salle. Évelyne et moi nous levons, laissant là Nathalie et lui souhaitant de profiter des dernières bouffées d’une cigarette un jour de grève.

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Un tour du propriétaire avec Evelyne

Nous pénétrons alors dans un grand couloir, comme on peut les voir dans les séries télévisées en milieu hospitalier, à cette différence près que celui-ci n’accueille aucun malade. Une table pour déjeuner est installée au fond du couloir et toutes les chambres se sont transformées en dortoir de fortune. Depuis dimanche les protestataires se relient pour occuper l’endroit. Même si le lieu parait désert sur le coup, ce ne serait pas rendre justice au personnel de l’hôpital que d’oublier de préciser quelques chiffres. Guillaume Gaudoin, infirmier au service d’urgences, rappelle au Nouvel’obs qu’il accueille 200 patients par jour, sans compter les 150 reçu en medico-judiciaires et les 150 en ophtalmologie.

 

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Depuis dimanche, plus personne ne fait son lit

« On va rester ici jusqu’à avoir un entretient avec la Ministre » me dit Évelyne. Entreprise qui, pour être honnête, me parait un peu utopique quand on sait que Marisol Touraine a demandé un moratoire sur la question courant jusqu’à mai 2014. Date qui coïncide avec les élections municipales. Pas de vague avant le scrutin.

Faut pas tout donner au privé pour autant!

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Dans une des salles je rencontre Daniel, infirmier à la Pitié-Sapêtrière. Assis dans un fauteuil, Daniel fait un « sitting calme », profitant de la vue sur les tours de Notre-Dame. Je m’étonne de voir que seul les syndicats CGT et SUD sont présents sur cette action. Et Daniel de me répondre :  » Les menaces de fermeture de service en milieu hospitalier ne sont pas nouvelles. Peut-être que les autres syndicats se disent « C’est perdu d’avance ». Pourtant ca vaut encore le coup d’être là, de ne pas rester inactif devant une action qui concerne le social. Il y a un grand nombre de SDF, d’étudiants de rejetés qui sont concernés. On défend une symbolique publique, on va pas tout donner au privé ».

Un type en blouse blanche entre dans la pièce, serre la main de Daniel, m’adresse un signe de tête courtois et s’en retourne. « À la Salpète, on a des bâtiments classés sur lesquels on ne peut rien faire, c’est trop cher, ça nous restreint. Mais faut pas tout donner au privé pour autant ! « .

Quelles ont été les initiatives envisagées par le ministère ? Devant la vétusté de l’établissement, il a été question d’une reconversion en hôpital universitaire. Mais la rénovation pure et simple, et plus particulièrement celle des urgences, reste hors de budget et donc de propos.

Tout tourne donc autour des bâtiments. Trop vieux pour être complètement refaits, trop chers pour être restructurés et trop centraux pour être délocalisés. Situation complètement bloquée, l’Hotel-Dieu se retrouve dans l’imbroglio. Ces grévistes n’obtiendront probablement pas un rendez-vous avec Marisol Touraine. La Ministre est revenue très vite sur cette décision de fermer les urgences. Cette botte en touche ressemble à un dossier mis au tiroir, cadeau pour le suivant. Impossible de sembler lâcher la santé publique au début d’élection municipales qui s’annoncent compliquées pour la gauche au pouvoir.

 

À cette heure nous sommes toujours en attente de réponses de la part
du Ministère des affaires sociales et de la Santé.

 

Mickael Royer 

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