En Coup de Vent, un Tour à la Soufflerie Eiffel

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A l’occasion de l’événement Paris Face Cachée organisé ce week-end par la Mairie de Paris, le Laboratoire Aérodynamique Eiffel ouvrait ses portes à une poignée de visiteurs. Cette soufflerie créée par le génie de Gustave Eiffel modélise le vent depuis près d’un siècle. Une visite placée sous le signe du dieu Zéphyr.

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Une machine à couper le souffle

« Ça va souffler ! Au moins c’est crédible » commente une femme avec malice alors qu’une bourrasque emporte le billet d’une petite fille venue avec son père. Le ton est donné. Le vent sera au rendez-vous cet après-midi. Ca tombe bien parce que nous nous préparons à entrer dans le temple des courants d’air : la soufflerie Eiffel. Construite en 1909 sur le Champ de Mars, détruite puis rebâtie dans un hangar à Auteuil en 1912, l’invention de Gustave Eiffel permet de recréer les mouvements de l’air. Grâce à elle, l’ingénieur peut tester sur des maquettes la résistance au vent des ponts, tours et autres bâtiments. La soufflerie offre aussi la possibilité de faire des recherches sur les hélices, la voilure des avions et de définir les lois de l’aérodynamisme. De nombreux pilotes évitent ainsi de perdre la vie à une époque où l’aviation est encore balbutiante. La machine souffle jusqu’à 100 km/h sur deux mètres de diamètre. En partie faite de bois, elle se compose d’un ventilateur, d’une veine d’essai où sont placés les modèles miniatures et d’une bouche d’aspiration. Le système est si simple et ingénieux qu’il est copié partout. D’ailleurs, un siècle plus tard, aucune pièce n’a changé et il fonctionne toujours.

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L’antre de la soufflerie d’Eiffel

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Le vent se lève

Lorsque notre guide met la soufflerie en marche la température de la pièce perd brusquement dix degrés. Ca commence par une petite brise caressante sur les joues. Quelques rires fusent. A mesure que le vent s’intensifie, il devient de plus en plus difficile d’y voir clair. Les cheveux des uns finissent dans les yeux des autres. Alors que les enfants s’agitent, les adultes s’agrippent à leurs portables et à leurs appareils photos de peur qu’ils ne s’échappent et ne soient broyer par les pales du ventilo géant. Bientôt c’est une véritable rafale glacée qui s’abat sur nous. Les bonnets glissent, les écharpes s’envolent, les vêtements plaquent au corps. Un sentiment de danger éminent s’empare du public. Les amoureux s’enlacent comme s’ils craignaient que leur moitié disparaisse. On finit par nous crier de sortir de la zone venteuse. Le vent souffle à 80 km/h. Seul le conservateur du musée reste dans la tempête et lutte contre l’air. Il tente de marcher dans la direction opposée au vent mais chaque pas le ramène en arrière. Cette espèce de moon walk involontaire fait sourire la foule qui lui lance des regards ébahis. Finalement dans le soulagement général, l’expérience se termine.

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Mise en marche de la soufflerie. Vent de 80 km/h (DR)

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Résister à l’ouragan immobilier

Que cette soufflerie existe encore est un exploit en soi. Surtout quand on sait qu’à Auteuil le prix du mètre carré avoisine les 10 000 euros. Pourtant, le laboratoire Eiffel a tenu bon malgré les divers projets visant à le balayer. En 1984, le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) qui possède la soufflerie envisage de la détruire pour construire un immeuble. Martin Peter, ancien directeur du laboratoire, se bat pour que les murs soient inscrits à l’inventaire des monuments historiques. Quelques années plus tard, un nouveau projet prévoit cette fois-ci de garder les murs mais de remplacer la soufflerie par un parking. En réaction, la totalité du laboratoire est classé en 1985.

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La soufflerie fait des essais sur la résistance de l’air depuis 1909 (DR)

100 après, toujours dans le vent

Au delà de son caractère patrimonial, la soufflerie Eiffel doit sa longévité à sa capacité de renouvellement et d’innovation. A l’image de Gustave Eiffel qui avait sauvé la Tour Eiffel de la destruction en lui trouvant diverses fonctions scientifiques, notamment celle d’antenne radio ; la société Aérodynamique Eiffel a su rendre la soufflerie indispensable. Loin de se limiter aux avions et bâtiments, le laboratoire travaille sur les voitures de course, les sous-marins ou encore les skieurs de l’équipe de France. Il réalise aussi des études sur la dispersion des polluants ou la ventilation. La soufflerie répond donc à une demande industrielle très ciblée qui nécessite un ancrage dans le réel et pas seulement des simulations numériques. Sa rentabilité et son utilité sont les raisons de sa permanence. Les jours de la soufflerie étant saufs, Martin Peter a pu la quitter la conscience tranquille. « Maintenant je peux souffler », déclare-t-il avec un sourire.

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Maquettes de voitures de course soufflées au laboratoire Eiffel

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Texte et photos :

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Daxia Rojas

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