Cheminots en Grève : Pourquoi ça Déraille ?

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Politique d’austérité, baisse des dépenses publiques, réductions des charges patronales…le virage à droite pris par François Hollande, fait grincer des dents les syndicalistes et militants de gauche. Après une dizaine de jours de grève des cheminots, la réforme ferroviaire continue de diviser. Gouvernement, salariés et députés ne roulent plus sur les mêmes rails. Décryptage.

Avec le mécontentement des taxis, la grève des cheminots, ou encore la grogne des intermittents du spectacle, ces dernières semaines, un climat d’insatisfaction règne dans les rues françaises. Mais l’un des mouvements de contestation les plus retentissants de ces derniers mois est sans nul doute celui des employés de la SNCF. Emmenés par la CGT et Sud Rail, ils ont manifesté leur colère contre la réforme ferroviaire que souhaite le gouvernement. Trafic restreint, suppressions de trains, usagers en galère…le réseau ferré français a tourné au ralenti pendant plusieurs jours consécutifs donnant la grève la plus longue des cheminots depuis 2010.

Mais la réforme ferroviaire quésaco ?

Le projet de loi propose de réunifier la famille cheminote : SNCF et RFF, séparés en 1997. La première est responsable de l’exploitation commerciale du réseau ferré, tandis que la seconde assure le développement et l’entretien des rails. S’ils s’associent, ils auront plus de poids donc plus de pouvoir, c’est la logique du gouvernement. Avec cette mesure, Hollande souhaite, sur le long terme, résorber la dette considérable accumulée par le secteur ferroviaire et préparer la privatisation de la SNCF avec l’ouverture de celle-ci à la concurrence prévue en 2019. Dans le fond, cette loi séduit politiques et salariés puisque tous sont pour la réunification des deux entreprises. Mais une partie des cheminots n’en veut pas.

Que reprochent-t-ils au texte de loi ?

En réunissant RFF et la SNCF, le gouvernement va créer non pas un unique groupe mais trois puisqu’il prévoit de constituer deux établissements publics à caractère industriel (Epic) qu’il nommera « SNCF Réseau » (ex RFF) et « SNCF Mobilités » (exploitant ferroviaire). Ces deux organisations seront regroupées sous la direction d’un troisième établissement : la SNCF.

C’est ce point qui fâche les cheminots. Ils redoutent les complications qu’entraineront une telle organisation trop complexe pour selon eux être efficace, comme en témoigne le cheminot Sylvain Bouart, dans un article publié sur Rue 89 : « On passe de deux lignes hiérarchiques à trois en nous expliquant que tout sera plus simple. À part multiplier les postes d’encadrement et les heures de réunions entre tout ce petit monde, quelle utilité ? (…) Multiplier le nombre de décideurs, c’est toujours diviser le nombre de décisions prises et déresponsabiliser tout le monde. »

Mais ce n’est pas le seul point à l’origine de la grogne. La réforme prévoit aussi la négociation d’une nouvelle convention collective qui concernera tous les travailleurs du rail. Une idée jugée plutôt bonne puisqu’elle permettrait d’aligner tous les salariés (du public et du privé), en parallèle à la réunification, sur les mêmes conditions de travail. Mais l’idée de risquer de perdre leurs acquis sociaux en repartant de zéro, fait craindre le pire aux cheminots. « Le seul début d’accord déjà négocié est un accord de branche qui dit déjà que l’on ne travaille pas assez de dimanche par an, que 52 repos doubles, c’est bien trop, que 9h entre deux journées de service, ce serait bien suffisant, que des journées de 11 ou 12h (qui sont aujourd’hui une exception) pourraient devenir la norme. », s’offusque toujours Sylvain Bouart sur son blog perso.

Mardi dernier, peu avant le début des discussions autour du projet de loi à l’Assemblée Nationale, Gilbert Garrel, le secrétaire général de la CGT Cheminot, dénonçait une réforme « ni faite pour réunifier la famille cheminot, ni faite pour traiter les questions cruciales » qui concernent l’entreprise publique.

Du côté des politiques, plusieurs voix dissonantes

Majorité et opposition sont tout autant divisés sur le projet de loi. La gauche même si elle tente ces derniers jours d’afficher une unité sur cette réforme, fait face à une contestation du texte de loi de la part de quelques députés notamment situés dans l’aile gauche du Parti. À l’Assemblée nationale certains politiques du Parti Socialiste ont du mal à cacher leur malaise face à la question de la grève des cheminots.

Du côté de l’opposition, la position reste floue. Le nouveau secrétaire général de l’UMP, Luc Chatel, interrogé sur RTL, a déclaré souhaiter le retrait pur et simple de la réforme en déclarant qu’il s’agissait, selon lui, d’une « mauvaise réforme », qui « ne prépare pas l’arrivée de la concurrence ». D’autres, comme Hervé Mariton, député UMP, demande à ce que le texte passe « dans les moins mauvaises conditions possibles et en essayant de faire en sorte que le gouvernement s’en sorte ». avant de revenir sur sa décision et voter contre la réforme.

Cet après-midi, la réforme sera soumise à un vote solennel à l’Assemblée Nationale, avant un examen au Sénat. Si elle est adoptée, elle pourra être effective à partir de janvier 2015. Quelques amendements ont déjà été adoptés pour rassurer les cheminots grévistes. Parmi eux, un sur le renforcement de l’organisation du futur groupe SNCF et un autre qui garantit aux cheminots de conserver un seul employeur avec une unique fiche de paie.

La grève, qui est aujourd’hui à son quatorzième jour, malgré une très faible participation des cheminots (moins de 5% de grévistes), a causé, à ce jour, près de 160 millions d’euros de pertes à la SNCF. Un nouveau rassemblement sera organisé, cet après-midi à Paris, par la CGT, FO et Sud Rail. La mobilisation continue.

Texte : Sala Sall
Images et montage : David Nouguès

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