Allers (pas si) simples…

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Samedi 19 novembre, au pied du Pullman Montparnasse, le gymnase Mouchotte est vide. Sur place pour vous décrire les conditions d’accueil des migrants par les mairies de Paris, nous tombons sur un lieu quasi désert. Encore surpeuplé une semaine plus tôt. Soudanais, Somaliens et Guinéens y séjournaient sur des lits de fortunes, dans l’attente qu’une destination leur soit trouvée. La veille, 50 d’entre eux ont pris la direction du centre de Charleville Mézières. Le ministère de l’intérieur gère directement la gestion des flux de populations. L’armée du Salut, en charge de lieux d’accueils à Paris et à travers la France, obéît. Il reste cependant un petit groupe d’homme en train de déjeuner. Pains au lait et café chaud dans un gobelet en plastique, ils sont assis autour de deux tables de cantines, biens seules dans la grande salle de sports. La peur de l’Italie, la déception suédoise, les tentes de Stalingrad, certains se livrent, dans un anglais approximatif, sur leurs parcours. En attendant la suite. Lundi ce sera le départ des derniers habitants éphémères de la rue du Commandant René Mouchotte. La destination, elle, est encore inconnue.

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Les mains de Mehdi

La Suède un Eldorado ? Non ! Parqués dans des centres, dépourvus de papiers, impossible de travailler, d’étudier. Mehdi et Ahbar y ont passé 4 ans. À 22 et 27 ans c’est long. Des perspectives d’avenir ? Aucune. Ce n’est pas ce qu’ils imaginaient de l’Europe en quittant leur pays. Seule solution, partir. Direction la France ! Les conditions d’accueils ne jouissent pas d’une réputation formidable, mais ils espèrent y trouver un emploi et qui sait… L’Angleterre n’est pas loin. Avant d’en arriver là, le voyage fût long.

Mehdi a 17 ans, nous sommes en 2011. La guerre des clans fait rage en Somalie, et malheureusement, son ethnie est en proie à de violentes attaques. Son père a eu le « tort » d’épouser une femme du groupe ennemi. L’intensification du conflit menace directement sa famille. Son oncle a déjà été assassiné. Son père a fuit vers l’Ethiopie. Il décide de le rejoindre. Là-bas, c’est sur le terrain de foot d’une petite ville, de l’autre côté de la frontière, qu’il fait la connaissance d’Ahbar.

Déjà sur place depuis quelques mois, il a quitté son pays natal avec son frère pour des raisons similaires. Mais c’est seul qu’il atteint la frontière Ethiopienne. Son cadet s’est noyé dans un torrent, et « ce n’était pas un accident ». Parti chercher de l’eau, il eu le malheur de croiser un clan rival… Mehdi et Ahbar vont se lier d’amitié, bien que 5 ans les séparent. Mais ils n’ont pas le même souhait. Mehdi va suivre son père qui négocie un départ vers la Suède. Ahbar veut retourner en Somalie, retrouver sa petite amie. Problème, elle ne fait pas partie de son ethnie. Cette barrière est infranchissable. Une opportunité s’offre pourtant à lui : le Djihad. Ce n’est qu’en s’engageant qu’il pourrait retrouver son pays. Il s’y refuse. Sa mère, restée en Somalie, décide de vendre la maison familiale et de rejoindre son fils. Avec l’argent ils achètent des billets d’avion vers la Suède.

Behdi et son père connaîtront plus de difficultés. La route du nord comporte souvent des escales. L’une des plus redouté par les migrants : l’Italie. Conditions d’accueils insalubres, maltraitances, rafles, racisme… Ils n’y connaîtront pas de violences, mais le passage transalpin a laissé une forte trace dans sa mémoire. « Nous étions entassés, comme des bêtes. Personne ne nous respecte là-bas… » Ils n’y restent que quelques jours. Direction la Suède, et ses camps d’accueils. En banlieue lointaine de Stockholm. Un matin, en descendant dans la cour, surprise ! Ahbar est là. Ils ne s’étaient pas vue depuis près d’un an. Ils resteront ensemble 4 longues années, à attendre. Quoi ? Ils ne le savent pas. Et puis un jour ils se décident, il faut partir, laisser leur famille, leurs amis. Mehdi, il lui reste quelques économies, il prendra l’avion. Ahbar, le train. Pourtant leur chemin va se croiser de nouveau.

Le gymnase Mouchotte

Le gymnase Mouchotte

Le vas et viens du métro aérien. La foule, des migrants venus du monde entier. Fuyant Irak, Syrie, Soudan, Somalie… Paris La Chapelle, octobre 2016. Il pleut, le ciel est gris. Les deux amis partagent un abri. « Jusqu’ici nous n’avions pas eu froid, en Suède, nous étions logé, mais la rue, c’est dur. Chez nous, nous ne vivions pas dans de telles conditions. » Ils ont étudié, leurs familles avaient un petit peu d’argent. La misère, la pauvreté, ils la voyaient, ils ne la vivaient pas directement. Puis, le 4 novembre dernier, le démantèlement.

Nous voilà tous les trois assis autour d’une table pliable, dans un gymnase à 100 mètre de la gare Montparnasse. La suite ? Des rendez-vous à la préfecture. Ils devront quitter Paris vers une petite ville de province, où un centre les accueillera. Cette perspective ne les réjouis pas. Eux, ce qu’ils veulent, c’est rester dans la capitale, y trouver du boulot, apprendre le français. Leur prochaine destination sera finalement l’est de la France, près de Metz. En espérant que la route puisse y prendre fin.

Florian Fomperie

Les procédures

Pour s’occuper de la gestion du flux de migrants, le gouvernement se repose sur plusieurs associations humanitaires comme La Croix Rouge, Aurore, Adoma ou au gymnase Mouchotte, L’Armée du Salut. Cette dernière prend en charge 600 réfugiés sur toute la France dont 300 à Paris. Elle est présente tout au long du parcours des migrants au sein de nos frontières.

Le CPH (centre premier hébergement) est généralement la première étape de tous migrants. Son premier contact avec l’administration française. Il peut être permanent et fixe, mais prend la plupart du temps la forme de gymnases ou de salles municipales temporaires. Objectif : sortir les populations de la rue et des squats.

Après, le CAO (centre d’accueil et d’observation) prend le relai. Les migrants y sont logés dans des conditions moins précaires le temps de régulariser, ou non leur situation. Chaque cas y est étudié. Il y a les réfugiés de guerres, prioritaires, et les autres. Pour eux, le voyage continue ! Dans des CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), jusqu’à la fin de la procédure, expulsion ou régularisation.

Interview Samuel Coppens, relations publiques Armée du salut

Plongé dans l’univers des réfugiés et des associations, Samuel Coppens, en charge des relations publiques de l’Armée du Salut, ne s’étonne pas des conditions d’accueils suédoises. « Tout comme le Danemark, La Suède tend à se refermer sur elle même. Un virage populiste et nationaliste à lieu dans ces pays. En n’offrant aucune perspective d’avenir aux migrants, ils espèrent diminuer le flux de nouveaux arrivants. » Les destinations sont sélectionnées par les réfugiés en grande partie selon l’image dont elles jouissent. Pays scandinaves = riches et tolérants. C’est cette image que tente d’endiguer les gouvernements.

De manière similaire, les pays du Sud et même la côte d’azure sont impactés par la désastreuse réputation italienne. « Lorsque que l’on propose aux migrants des lieux d’accueils à Marseille par exemple, où les conditions font parties des meilleurs de France, ils refusent presque systématiquement. » Mais de manière générale, les personnes présentes sur la capitale dans le camp de Stalingrad ont pour volonté de rester à Paris. « Ça fait plusieurs mois qu’ils sont là. S’ils désiraient rejoindre l’Angleterre ou un autre pays, ils seraient à Calais. » C’est tout le travail de Samuel Coppens et de ses équipes : convaincre les réfugiés que des opportunités peuvent se présenter à eux, même en province.

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