[Bonus Vox Pop] Le Chantage des Indépendantistes Écossais

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L’indépendantiste Alyn Smith est clair. Si Londres refuse de laisser la livre sterling à l’Ecosse en cas de « Oui » au referendum, le nouveau pays ne paira pas la dette. Un chantage qui semble séduire les Écossais: cette semaine un sondage prédisait pour la première fois la vistoire des séparatistes.

Alyn Smith, eurodéputé et membre du Parti nationaliste écossais répond aux questions de John Paul Lepers sur le référendum d’autodétermination qui se tiendra le 18 septembre prochain. Interview (en version longue) de Vox Pop diffusée le 14 septembre 2014 sur ARTE. Vox Pop, le magazine d’investigation européen, c’est tous les dimanches à 20h10 sur ARTE et tous les jours sur arte.tv/voxpop.

Extrait

– Si la livre anglaise n’est pas à nous, alors la dette anglaise non plus. Alors, si on ne partage pas la monnaie, alors on ne partage plus la dette.
– C’est du chantage?
– Tout à fait!

 

A Glasgow, ma ville d’origine, l’espérance de vie des hommes est plus faible que dans la bande de Gaza.

 

 

Script (partiel) de l’interview

John Paul Lepers : Pourquoi voulez-vous que l’Ecosse devienne le 29ème pays d’Europe ? c’est bien ce que vous voulez ?

Alyn Smith : L’Ecosse est un pays pro-européen. Pour nous c’est clair, nous votons pour des partis pro-européens. Nous sommes contre la mentalité anglaise, celle de Westminster qui est euro sceptique, revancharde et un peu hostile. En tant qu’état indépendant, nous voulons continuer à faire partie de l’Union européenne. Actuellement, nous autorisons David Cameron à parler pour nous!…Il ne doit pas pour mon pays.

En Ecosse, vous êtes le roi du pétrole, mais ça va durer encore 40/50 ans, et après ?

Le pétrole est un bonus. Le pétrole n’est pas la base de notre économie. Notre économie est solide même sans pétrole… Mais nous avons du pétrole. Et c’est un bon problème pour nous. La Norvège par exemple a réussi à créer un fond pour les générations futures, pour que les fluctuations des prix du pétrole fragilisent moins l’économie. Nous ferons la même chose. Le pétrole est un plus pour l’économie écossaise, ce n’est pas sa base.

Donc vous serez riches, vous serez autonomes ? [oh oui] Vous êtes sûr ? [absolument] parce que les gens ont peur de cela.

Bien sûr. On ne peut pas douter de la santé de l’économie Ecossaise. Mais l’Etat dont nous faisons partie actuellement… le Royaume Uni…  c’est terrible… Le Royaume Uni est en train de devenir la société la plus inégalitaire du monde développé. A Glasgow, ma ville d’origine, l’espérance de vie des hommes est plus faible que dans la bande de Gaza.Pour un pays riche, c’est un vrai problème, c’est honteux. Le statu quo ne marche pas. Westminster a eu plus de 300 ans pour faire ses preuves. Maintenant nous allons essayer tous seuls.

Votre monnaie actuelle, c’est la livre. Est-ce que vous  allez garder la livre si le oui l’emporte, ou bien passerez-vous à l’euro ?

L’heure n’est pas à l’euro. Les marchés de devises sont trop agités, il y aurait trop de problèmes. Donc nous allons faire un arrangement  avec la banque d’Angleterre qui interviendra aussi bien en Ecosse qu’au Royaume Uni, pour maintenir une zone monétaire unique. Avec de la bonne volonté et du bon sens, cela coulera de source : ce système va minimiser les taux de change et beaucoup d’autres questions. Nous pensons que c’est la meilleure solution pour tout le monde.

Mais le ministre de l’économie, M. Osbourne, a dit : “ils n’auront pas la livre”

Il n’a rien à dire.

Enfin, il peut decider, car de toutes façons la livre ne vous appartiendra pas, elle sera anglaise. Vous perdrez votre indépendance monétaire, pour ce qui est de la devise.

Soyons logiques : si le la livre anglaise n’est pas à nous, alors la dette anglaise non plus. Alors, si on ne partage pas la monnaie, alors on ne partage plus la dette.

Donc vous négociez la dette de…

Exactement. C’est une négociation.

Ça va être un gros problème

Çe sera une grosse négociation

En français on appelle ça du chantage.

Tout à fait.

Combien d’autres pays selon vous pourraient entrer en l’Europe ? La Catalogne peut-être, il va peut-être y avoir un referendum.

C’est plus une question de démocratie qu’une question nationale. Nous n’avons rien à dire sur l’indépendance de la Catalogne, ni sur celle de la Flandre …

Mais vous parlez avec eux, n’est-ce pas?

Oui, bien sûr.

Et votre referendum est très important pour eux.

Oui, il est très intéressant pour eux, mais nous sommes un cas unique. Il est important de connaitre noter histoire. L’Ecosse a été fondée il y a plus de mille ans. Nous avons une longue histoire. L’Ecosse passé plus de temps libre que rattachée au Royaume Uni. Même les unionistes écossais les plus radicaux savent que nous sommes légitimes dans nos revendications. C’est une question de démocratie,  c’est aux électeurs de décider combien il y aura de pays en Europe.

J’aimerais revenir au mot “nationalism”, même si vous n’aimez pas que j’y revienne. Mitterrand a dit, le nationalisme, c’est la guerre. Les gens pensent que vous remettez ces questions sur le tapis.

C’est bien dommage. Et c’est faux. Le nationalisme en Ecosse signifie seulement que nous voulons être maîtres de nos décisions. Notre définition de la nationalité écossaise c’est : si vous vivez en Ecosse, vous êtes Ecossais. Un point c’est tout. Je n’emploie pas le mot « nationalisme » tel que le président Mitterrand l’employait. Il ne s’applique pas ainsi à mon pays. Et d’ailleurs le président Mitterrand lui-même était nationaliste quand il parlait des négociations européennes…

Il défendait la France plus qu’il n’était nationaliste. Il n’a pas employé ce mot.

Et ce n’est pas du nationalisme?

Il n’a pas employé ce mot.

Bien sûr, il ne l’a pas employé. Mais c’est la même chose.

Si vous perdez, les gens qui espéraient voir un nouveau pays seront frustrés.

Vous devez garder à l’esprit que les gouvernements écossais et anglais ont signé les accords d’Edimbourg  qui stipulent le respect mutuel et l’application du résultat d’un vote éventuel. Si le NON passe, je serai déçu, j’aurai le cœur brisé. Mais je ne serai pas violent, je reste un député de l’assemblée d’Ecosse et  je reste un serviteur du peuple écossais. Il faudra tirer les conclusions de ce vote, mais je suis confiant : le OUI l’emportera.

Ok ! Alyn Smith, je vais vous laisser dans ce cadre. Vous avez quelques secondes pour parler à la camera si vous avez quelque-chose à dire. C’est à vous.

Pour les Européens, le mot  « nationalisme » est souvent compliqué. Mais en Ecosse, cela veut simplement dire : nous voulons prendre nos propres décisions. Mon pays n’est pas meilleur ou pire qu’un autre. Je crois en la démocratie écossaise et en sa capacité à offrir le meilleur résultat pour l’Ecosse. Et je ne doute pas un seul instant que les Français continueront à apprécier notre whisky et c’est avec grand plaisir que nous continuerons à vous en envoyer !

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Les commentaires (3)

  1. Ah, va etre intéressant celui là.

    Faudrait etre fou sinon pour vouloir rejoindre l’euro maintenant :D

    Quand a l’europe, si elle explose on dirait que l’Écosse fera parti des pays avec lesquels on pourra envisager un futur commun :)

    Autre article intéressant sur le sujet

    http://www.regards.fr/web/thatcher-a-ete-un-carburant-du,7905

    Et visiblement oui le mot nationalisme n’est pas a prendre comme il est prit habituellement…
    C’est plutot de la souveraineté, mais elle doit etre populaire. ( m6r.fr hop :p)

    On a besoin de la même chose.

  2. Je ne comprends pas trop la démarche de JPL dans cette interview. Son interlocuteur répète à maintes reprises qu’il ne faut pas calquer nos représentations conceptuelles, fortement culturelles, du « nationalisme », et JPL fait comme s’il ne disait rien, continuant de vouloir appliquer le paradigme nationaliste français à l’Écosse. Il me semble pourtant que le discours est clair : il parle de redémocratisation locale. Le nationalisme français est ethniciste voire racialiste, basé sur l’exclusion, de forts symboles identitaires (hymne, figures historiques…). Aujourd’hui en Écosse, c’est clair : tu vis en Écosse, tu es Écossais. Allez dire ça au FN, au Vlaams Belang, à la Ligue du Nord, au FPÖ…