Lecteur vidéo

Faire un don

Faire un don

Envoyer l’article par mail
Télécharger le .torrent

Fichier indisponible pour l’instant

Qu’est-ce que le Torrent ?

Grâce à Bittorrent vous pouvez télécharger et partager la vidéo que vous êtes en train de visualiser.

Niqab ni Soumise ?

Publié le | par

Comment parler avec les Islamistes? Pas forcément les violents, juste ceux qui veulent revenir à ce qu’ils interprêtent comme la tradition musulmane. Les hommes qui portent la barbe et qui encouragent leurs soeurs à se voiler. Et puis les femmes, celles qui se couvrent entièrement avec le niqab. Flore Vienot a fait la démarche au dernier FSM de Tunis. Une caméra, un micro, un sourire et des questions simples. Et puis, Flore a raconté cette rencontre dans un passionnant article à lire sous la vidéo.

Cette année, le douzième forum social mondial est à Tunis, sur le campus Al Manar qui surplombe la ville. Un pas après l’autre, le visiteur se laisse porter par les banderoles, les slogans et les chansons qui transportent les révolutions du monde entier, les luttes des peuples et les libertés… Le visiteur flâne puis ose pénétrer la tente d’une revendication inconnue, puis il trace son chemin dans les méandres du campus… Il s’enfonce entre les bâtiments, entre les libertés aux multiples visages… aux visages voilés parfois. Là, en plein cœur du campus un groupe occupe le hall de la faculté scientifique depuis plusieurs semaines. Ensemble, femmes voilées intégralement et jeunes hommes à barbe réclament leur liberté bafouée, celle des femmes musulmanes surtout, de pouvoir porter le voile au sein de la faculté.

« – Salam, bonjour » J’ai osé m’approcher.

Il me répond par un sourire et s’avance vers moi. Elle m’adresse un regard bienveillant et s’approche.

« – Bonjour, bienvenue »

Ah… Je peux donc leur parler sans risquer d’être regardée avec mépris ?… Alors mot après mot, regard après regard, je plonge dans le monde qu’ils proposent, si loin de moi, et qui, je dois l’avouer, me fait peur. Ce tissu noir qui ondule au rythme des ces corps invisibles m’impressionne, ces barbes au regard que je veux voir dur me révolte déjà. Un flot d’idées menaçantes que j’associe en les voyant m’assaille. Elles pourraient être moi, je pourrais être elles. Pourquoi ce choix alors qu’elles pourraient être libres, comme bon nombre de femmes tunisiennes ? Victimes d’hommes tortionnaires c’est sûr, elles appellent à l’aide, il ne peut en être autrement.

« – j’ai choisi de porter le voile intégral il y a un an. Ma famille était contre, mais je me suis révoltée. Parce que je suis libre. »

Bouche bée, c’est beaucoup pour ma conception de la liberté qui crie silencieusement sa douleur sous le choc de la confrontation avec celle qui n’a de ressemblance que le nom. Comment la liberté peut-elle traverser les mailles de ce tissu, si épais…? Elle y parvient pourtant, mais ses ailes se sont prises aux coutures, et ce n’est qu’un mot sans substance que je reçois. Sans saveur. Je ne reconnais pas celle qui m’accompagne au quotidien, celle que je questionne, celle que je fais grandir chaque jour un peu plus…

« La vraie liberté de femme ce n’est pas de vivre de n’importe quelle manière, mais c’est avoir des principes et les défendre… »

celle qui s’extirpe des crochets des règles rigoristes…

« … la liberté des femmes c’est se contrôler soi-même, c’est vivre près de Dieu, c’est vivre l’amour religieux… »

celle qui d’un coup d’aile balaye les peurs…

« … la liberté c’est parler sans limite… enfin pas sans limite : la liberté ce n’est pas dire n’importe quoi !… »

celle qui m’allège et m’envole, sans prévenir, au delà des cadres…

« … et quand j’ai découvert tout ça j’ai décidé de porter le voile, et je me sens plus libre et plus fière »

celle qui me dénude du superflu…

 

Nous sommes toutes deux en quête de liberté, universelle je croyais…

Mais voilà que je découvre en son sein une idée qui m’est étrangère. Deux conceptions qui ne peuvent se nicher côte à côte dans un même mot. Et pourtant… La liberté, c’est alors peut être de pouvoir choisir sa propre conception ?

Passons. Tous au Forum Social Mondial en appellent à un monde juste et équitable. Comment peut elle crier son désir de justice à travers son voile noir qu’elle a choisi de porter? Elle le crie pourtant. Et ce sont ses yeux qui le crient, ces yeux noirs, ces yeux profonds, ses yeux rieurs, yeux chaleureux… Mais de quelle justice parlent ils ?

« – non, la femme et l’homme ne sont pas égaux, me dit elle. Et ils ne doivent pas l’être car ils ont des rôles spécifiques, ils sont complémentaires. La femme est le support de l’homme »

Puis elle ajoute, comme un coup de poignard : « Et la femme doit être protégée parce qu’elle est précieuse, comme un petit bonbon qu’il faut préserver. C’est pour ça qu’elle porte le voile »

Mais je n’ai pas le goût de fraise que je sache…

« – Il faut protéger la femme des désirs des hommes, ajoute le jeune homme.

– Ne faudrait il pas te protéger de celui des femmes ?

– Celui des hommes est bien plus puissant ! » répond il en riant

Bon. Passons. Mais pourquoi se protéger du désir ? Pourquoi se l’interdire ? N’est ce pas générer des frustrations que de l’étouffer sous le voile du niqab ?

« La vie est un test, Dieu nous teste. Et si nous obéissons ici, nous accéderons au Paradis ensuite, un lieu où des fleuves d’alcool couleront et des femmes nous attendront »

Je ne peux que rire en entendant cela… Zut, je ne peux plus m’arrêter… Alors il rit aussi. Ah… c’est bon de partager quelque chose…

« – C’est donc un paradis de débauche qui vous attend… ? Pourquoi ne pas vivre le paradis sur Terre ? Il est largement accessible…

– Non, on doit d’abord se tester sur Terre avant d’accéder au Paradis.

– Ah… Ok. Alors les femmes aussi auront des hommes là bas ?

– Oui bien sûr !

– Ah… ok ».

Bon.

« – Mais si je ne suis ni voilée, ni musulmane, j’ai le droit de vivre avec vous ?

– Oui, bien sûr, on accepte tout le monde, catholique, athées, protestants… tout le monde est libre de choisir, et de vivre ensemble.

– Dans un Etat laïque alors… ?

… »

Il arrive un moment où les mots sont de trop pour échanger. Il me faut digérer. Je vais m’asseoir là, silencieuse, pour un temps, parmi eux.

Quelle rencontre déroutante… elle a infiltré mes idées en déconstruction, s’est insinuée dans mes conceptions, pour les distordre. Je quitte le petit groupe en lutte, et mon esprit est en chantier.

L’extrémisme religieux existe, et il est porté par des hommes et des femmes qui doivent être écoutés, sans peur. Car si ils sont présents, c’est qu’ils expriment une réalité qu’on se doit d’accueillir sans condition pour débattre sans obstacle et faire s’évaporer la bêtise. Celle du religieux qui a pour seul objectif sur Terre d’accéder au droit de trouver des vierges au Paradis, celle d’un Bernard Lacombe qui « ne parle pas de foot avec les femmes » avec comme tout argument : « c’est ma vision des choses, qu’elles retournent à leurs casseroles ». Qui de la plus enchainée ? Celle couverte de la tête aux pieds pour se protéger des regards fous de désir, ou celle, perchée du haut de ses 15 centimètres de talons aiguille troquant ainsi sa faculté de se mouvoir contre l’obsession de séduire à tout prix… ?

Se focaliser jusqu’à l’overdose sur l’extrémisme religieux pour déplorer l’état du monde mène à l’impasse. Là, la peur nous prend et l’angoisse écrase nos facultés de discernement. L’effet y devient la cause, le symptôme la maladie à combattre. Mais le débat se situe bien au delà du religieux, car la bêtise est partout, séculière aussi. Et partout nous devons la dissoudre, en commençant par la nôtre. Religieusement, séculièrement.

 

Flore Viénot

 

Partager cet article

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Les commentaires (4)

  1. Ils n’acceptent que ceux et celles qui ont l’islam comme religion, pas tous mais ceux et celles qui se comportent comme eux. Rien d’autre. L’étiquette  » modérés  » n’existe pas. Ils refusent l’Etat, la démocratie et l’universalité des droits de l’homme. Ils considèrent la femme inférieure à l’homme.

  2. @Prolo,
    Flore est une journaliste qui cherche à comprendre le monde, et à ouvrir des portes fermées. Elle est allée à Tunis volontairement, sans être payée. Elle fait ce que peu de gens font: aller poser des questions à des hommes et des femmes qui acceptent de répondre. Que veut dire « bobo » dans votre esprit, précisément?
    John Paul Lepers

  3. Dans mon esprit, les bobos sont des gens qui se disent curieux et tolérants, mais qui en réalité ont un esprit étriqué plein d’idées reçues. Des personnes qui ont une étroite définition de la liberté et du féminisme. Des gens qui ont une aversion pour les religions, sûrement parce qu’elles sont aux antipodes de leur épicurisme.

    Je pense qu’un sujet comme celui-ci n’était pas à traiter comme Flore l’a fait. Il n’y a que deux interlocuteurs dont rappelons le, le français n’est pas la langue maternelle. Par ailleurs, j’ai trouvé son commentaire partial avec un point de vue tout à fait occidental. Pour moi, c’est tourner en ridicule des musulmans rigoristes, mais qui ne l’oublions pas, ont la Liberté de l’être du moment que c’est leur choix et qu’ils ne font pas de mal aux autres.

    Cordialement

    Ps: Je ne suis ni musulmane ni adepte d’aucune religion