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[Plantes Interdites #4] Hilda, en Guerre

Publié le | par

Hilda est en guerre contre l’industrialisation des médicaments au Brésil. Dans sa ville populaire de Barra Mansa, dans l’Etat de Rio de Janeiro, elle lutte pour que les savoirs traditionnels autour des plantes médicinales ne disparaissent pas, et qu’ainsi, les médicaments à base de plantes soient accessibles à tous.

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Les grands laboratoires pharmaceutiques ont peu à peu confisqué l’usage des plantes médicinales partout dans le monde. Désormais, en France et au Brésil, des politiques de santé réglementent fermement leur commercialisation. En 1941 Pétain supprimait la profession d’herboriste. Alors que les savoirs populaires étaient en train de disparaître, des amoureux des herbes se battent aujourd’hui pour redonner la liberté aux plantes interdites. Les sœurs Viénot sont parties à la rencontre de ces sorcières et sorciers bienveillants qui en France comme au Brésil ne veulent pas laisser notre santé dans les mains des laboratoires.

 

Transformer les plantes en médicaments, interdit ?

Des femmes entre 35 et 70 ans, un homme et un enfant découpent attentivement, effeuillent avec soin et mélangent énergiquement les remèdes en devenir, sous le regard ferme et exigent d’Hilda, qui coordonne toutes ces petites mains, afin que la « magie » du « fabuleux potentiel moléculaire des plantes médicinales » opère.

Nous sommes dans la cuisine de l’association Fitovida, « notre laboratoire ! », rectifie Hilda. C’est ici que les époques se mêlent dans l’acte de transformer les plantes en médicaments. Une manière artisanale de les fabriquer, qui nous replonge dans le temps où, au Brésil, les connaissances sur les plantes médicinales étaient vivantes et les savoir-faire partagés par tous.

Des connaissances qui tendent à être étouffées par l’arrivée massive des médicaments de synthèse et qui se traduisent dans Le Code Pénal ainsi : « qui exerce une médecine populaire, prescrit des substances, utilise des gestes et des mots pour faire des diagnostiques et prodiguer des soins, peut être considéré comme guérisseur ou charlatan ». Et puni de ce fait.

 

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Une volonté politique unique

Mais à partir du début des années 2000, le potentiel économique du secteur des plantes médicinales est vite remarqué (25% des médicaments dans le monde proviennent de la forêt amazonienne, et la demande en phytothérapie est croissante partout). Également, la conscience de l’importance de protéger la biodiversité, et ainsi les ressources naturelles médicamenteuses, émerge, ainsi que le désir de retrouver et de conserver ses racines, sa culture (les savoir-faire traditionnels autour des plantes médicinales donc).

 

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Ces trois prises de conscience provoquent un mouvement politique. En 2006, la Politique Nationale des Plantes Médicinales et phytothérapies est créée, nourrie par le travail du Noyau de Gestion de la Biodiversité et Santé (NGBS) de l’Institut des Technologies Pharmaceutiques (Farmanguinhos), de la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz), institution phare dans le développement et la production de médicaments stratégiques pour la santé brésilienne. Une politique de santé volontariste qui a comme objectif d’intégrer les plantes médicinales au système de santé unique (SUS), dans un soucis de contrer le charlatanisme, de préserver la biodiversité et la culture traditionnelle brésilienne, de développer l’industrie phytothérapeutique nationale afin d’être compétitif au niveau international, ainsi que de rendre accessible au plus grand nombre les médicaments à base de plantes. « Rapprocher l’usage scientifique et l’usage traditionnel » devient la ligne directrice, afin de « crédibiliser la filière en même temps que d’éviter le charlatanisme », explique Glauco Kruse Villas Boas, coordinateur du NGBS. « Le but est de valoriser les connaissances populaires pour penser un système intégratif », insiste-t-il.

 

Des militants dans le vent

Et c’est sur ce terrain là que s’immisce Hilda, qui, avec le réseau national Raiz auquel appartient Fitovida, profite des ces prises de conscience-là pour mettre dans le courant, de plus en plus massif, le travail qu’abat son association depuis 21 ans maintenant.

Fabrication, divulgation des connaissances et vente des produits fabriqués à très bas coût (au prix coutant, l’association étant à but non lucratif et fonctionnant exclusivement grâce aux bénévoles).

Mais si l’association vend des produits à base de plantes médicinales, elle ne vend pas de « médicament », car la loi l’interdit.

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Contourner le problème des brevets

Alors Hilda chercher à contourner la règle, et à éviter un combat frontal impossible face à des industries pharmaceutiques puissantes qui, surfant également sur cette vague de conscience, s’accaparent les plantes médicinales par le biais des brevets sur des « innovations » fabriquées pourtant à partir de connaissances médicales traditionnelles.

Une pratique récente au Brésil, puisque, dès 1945, le pays revendiquant dans sa Constitution le « droit à la santé » exclue des brevets les produits pharmaceutiques, puis étend cette exclusion en 1971 aux procédés pharmaceutiques. Il faudra attendre 1996 seulement pour que le pays se plie aux règles de l’OMC, qui consistent à respecter les accords sur la propriété intellectuelle.

Hilda et le réseau, qui n’ont pas les moyens de partir en guerre sur ce terrain là, ont opté pour une tactique lexicale afin de continuer à prodiguer des soins sans le dire : ils ne vendent pas de « médicament » mais des « produits culturels à base de plantes médicinales », et rentrent ainsi dans la loi dont une des lignes directrices est de « promouvoir et reconnaître les pratiques populaires de l’usage des plantes médicinales et des remèdes maisons ». Si c’est pour préserver la Culture, alors les « produits » de Fitovida sont légaux.

 

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La prochaine étape : déposer des brevets sur leurs produits phares, « pour ne pas se faire voler les recettes », explique Hilda, pour que les industries ne puissent pas apporter gratuitement de modification (souvent très légère, concernant notamment le mode de production industrielle) au savoir traditionnel.

En brevetant le « Xarope », le sirop fabriqué avec des plantes locales et qui fait la fierté d’Hilda, l’association pourrait alors avoir des droits, si il venait à une industrie pharmaceutique l’idée de s’intéresser à ce produit réputé jusqu’à l’autre bout de la ville.

 

Chloé Viénot
Flore Viénot

 

Des Liens

Voir les 4 reportages de la série Plantes Interdites

L’Encyclopédie du développement durable sur la Politique Nationale des Plantes Médicinales et phytothérapies au Brésil

Pour comprendre le système des brevets sur les plantes médicinales et médecines traditionnelles :
Un blog pédagogique de l’université Paris Ouest
Le site de recherche Cairn.info

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Les commentaires (2)

  1. Merci beaucoup, pour votre travail de recherche, et à votre tour de transmission. Je me demandais, est ce possible de les traduire en portugais pour les envoyer à des amies brésiliennes?
    Bravo toujours!

    Marie.