LES FLEURS DU MAL VERSION RAFFARIN

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Quand Jean-Pierre Raffarin et Reuters font de la poésie et de l’explication de texte, cela aboutit à une dépêche comme nous en recevons peu. L’ancien Premier ministre a affirmé hier soir sur France 2 que « François Bayrou, je le connais bien. C’est quelqu’un qui a un projet sympathique, mais c’est un peu l’Albatros de Baudelaire. Il a une très grande aile à droite, il veut avoir une très grande aile à gauche. Mais, à force d’avoir de très grandes ailes, il ne peut plus s’envoler. » Il est des talents littéraires que l’on ignore. Pour ceux qui ne connaissent pas ce classique de la littérature française, l’agence de presse Reuters a expliqué ses propos dans un texte au lyrisme éblouissant :

« Dans L’Albatros, qui fait partie du recueil « Les Fleurs du Mal », Charles Baudelaire évoque les Albatros, « vastes oiseaux des mers », handicapés par « leurs grandes ailes blanches » une fois au sol. L’albatros, « prince des nuées », est « exilé sur le sol au milieu des huées » et « ses ailes de géant l’empêchent de voler », écrit le poète. » On attend avec impatience la prochaine sortie de Nicolas Sarkozy citant Albert Camus, auteur duquel il se réclame. Et bien entendu la dépêche qui en suivra.

Nicolas Condom

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Les commentaires (10)

  1. Alors là Nicolas Sarkozy et Albert Camus, je rigole. L’un a vastement exploré l’âme humaine et le sentiment de culpabilité dans « La chute » ou « L’Etranger », et l’autre pour le coup, est étranger à tout sentiment de culpabilité.

    Quant à Raffarin, les hirondelles aussi ne peuvent pas toucher le sol à cause de l’envergure de leurs ailes. Donc, elles s’envolent toujours de HAUT. Pour ne pas pouvoir décoller il faudrait toucher le sol.

  2. Le pire dans tout ça c’est que l’AFP n’est même pas capable de citer Baudelaire correctement, puisque le dernier vers est « ses ailes de géant l’empêchent de marcher » et non pas « de voler » ce qui n’aurait aucun sens.

    D’autant que la comparaison à l’Albatros de Baudelaire loin d’être péjorative -comme semble le penser de concert l’AFP et Jean-Pierre Raffarin- est bien plutôt louangeuse. L’Albatros est un oiseau majestueux en vol auquel le poète se compare, mais qui au sol devient maladroit et provoque les quolibets des marins. C’est en fait un incompris.

    Ici Jean-Pierre Raffarin ne vaut donc guère mieux que ces marins qui se moquent de la maladresse de l’oiseau-roi et Bayrou demeure le prince incompris. Ou comment manquer sa cible en voulant faire étal de sa culture (imparfaite?)…

  3. Merci de votre ajout Cécile, je connais le poème mais l’erreur ne m’a pas sautée aux yeux. Quoiqu’il en soit, j’espère que vous aurez perçu le comique de cette dépêche Reuters qui m’a fait particulièrement rire.

  4. A vrai dire il y a une erreur dans mon propre commentaire qui pointe du doigt l’AFP, quand il s’agit de Reuters.

  5. Baudelaire, dans la poésie l’Albatros, imaginait en faits, les Poètes qui malgré leur force lyrique ne pouvaient guère s’envoler au mieux comme Albatros…
    Les nuées sont espérées mais inaccessibles… Ce poème est d’ailleurs très très beau et en tant qu’amateur de poésie, je ne peux supporter que ce perroquet du Poitou abîme une si belle oeuvre !

    Raffarin a la culture de la moquette de salon, il a du voir un article sur un hebdo trainant chez son Psychiatre et s’en est inspiré pour faire une plaisanterie à deux balles pour faire rire ses amis de la toréfaction politicienne….
    Je ne vois même pas ce que Sarkozy puisse trouver d’utile en ce lèche-bottes !

    J’aime beaucoup votre site, très original….

  6. Oui, encore une Raffarinade

    Quant au fait que l’auteur de la dépêche se moque de Raffarin sans être capable de citer Baudelaire, c’est se couvrir d’un sublime ridicule digne de Bourdin :D

  7. Le pauvre Raffarin a oublié de citer la phrase principale qui correspond à Bayrou: « Qui hante la tempête et se rit de l’archer; »

    Donc voici tout le poème que j’ai toujours adoré, aimant la mer:

    L’Albatros
    Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
    Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
    Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
    Le navire glissant sur les gouffres amers.

    A peine les ont-ils déposés sur les planches,
    Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
    Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
    Comme des avirons traîner à coté d’eux.

    Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
    Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid!
    L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
    L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait!

    Le Poête est semblable au prince des nuées
    Qui hante la tempête et se rit de l’archer;
    Exilé sur le sol au milieu des huées,
    Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

    Charles Baudelaire (Les fleurs du mal)

  8. A force de chercher des allégories tirées d’ici et là pour expliquer leur raisonnment les politiques ont souvent tendance à s’écraser comme des petites fiantes d’albatros sur les rochers de notre indifference…