Libye : Sarko Pétri de Bonnes Contradictions
Publié le | par La Rédac'
Faut-il vendre des armes à Kadhafi ? En 2004, l’embargo sur les armes qui pèse sur la Libye est levé quand le dictateur africain accepte de ratifier « le protocole additionnel de non-prolifération nucléaire. » Ce protocole autorise les inspections surprise des experts de l’AIEA (Agence Internationale de l’énergie Atomique).
« Embargo tacite »
Depuis 2004 les négociations sont discrètes et n’aboutissent pas : les puissances occidentales sont réticentes à traiter avec le seul chef d’Etat soupçonné d’avoir commandité des attentats terroristes (l’attentat contre un Boeing 747 de la Panam et un autre contre un avion français DC10 d’UTA en 1989). En mai 2006, Tony Blair, alors Premier ministre britannique signe un accord « ouvrant la voie » à des ventes d’armes, des missiles anti-aériens, mais l’acte n’est pas encore finalisé.
Il y avait donc un embargo tacite jusqu’au mois de juillet 2007 : la France passe à l’acte et signe un contrat de vente d’armes à hauteur de 296 millions d’euros. Des missiles antichars Milan de la filiale d’EADS, MBDA et des systèmes de communication. C’est donc le premier contrat de vente d’armes conclu depuis la levée de l’embargo. La signature arrive au moment de la libération des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien. Exploit que s’attribue Nicolas Sarkozy avec l’aide de sa femme : coïncidence troublante. Y aurait-il eu un échange « infirmières contre armes »? C’est ce qu’en tous cas avance le fils du Colonel Kadhafi, Saïm Al-Islam Kadhafi dans une interview au Monde. Selon lui, cette libération a été négociée avec en contre-partie une décision de justice britannique plus favorable à un Libyen, emprisonné à vie pour sa participation dans l’attentat du Boeing 747, et contre ce contrat de vente d’armes avec la France.
Pour répondre à la polémique, Nicolas Sarkozy a organisé dimanche après-midi une conférence de presse informelle pendant ses vacances. Selon lui, « il n’y a plus d’embargo, tacite ou implicite », la Libye est une pays qui « prend le chemin de la normalisation ». Histoire de démentir tout échange entre les otages et les marchés d’armes : « Ce contrat, ça fait dix-huit mois qu’on en discute, la transparence, elle était totale ». Ce n’est donc pas lui, mais le tandem Chirac-de Villepin qui est à l’origine de ces négociations. Mais en même temps il se vante d’avoir permis aux entreprises françaises de s’installer en Libye. « Qu’est-ce qu’on va me reprocher ? De trouver des contrats ? De faire travailler des entreprises françaises ?». Le président de la République se disculpe et s’autocongratule, presque dans la même phrase.
Par ailleurs, cette vente d’armes pose naturellement d’autres questions. Fournir des missiles à la Libye : quelles conséquences pour l’équilibre régional ?
Benoît Muracciole, responsable de la campagne « Contrôlez les Armes » pour Amnesty International, joint par LaTéléLibre, dénonce une « politique compartimentée » de la France et de l’Europe : d’un côté, on négocie pour une paix au Moyen-Orient, de l’autre, on arme la région au profit des industries d’armement : La France vend à la Libye, quand les Etats-Unis annoncent le mois dernier de nouvelles aides militaires à Israël et que la Russie et l’Iran se rapprochent pour d’éventuels contrats. Selon Benoît Muracciole, ces contradictions démontrent l’absence de « vraie volonté de politique de résolution des conflits »
Pendant la guerre du Liban de l’année dernière, on a découvert que le Hezbollah utilisait des armes qui avaient été vendues à l’Iran par le Royaume-Uni : C’est de la ré-exportation. Est-ce que l’on pourrait craindre de retrouver des armes vendues à la Libye dans des conflits africains, comme le Soudan ? Benoît Muracciole s’inquiète : la Libye a déjà laissé transiter sur son territoire des armes utilisées dans des conflits africains. Amnesty International est donc préoccupée, d’autant plus que le gouvernement du colonel Kadhafi n’a pas annoncé ce qu’il allait faire de ce nouveau matériel.
La question n’est plus : « faut-il vendre des armes à Kadhafi ? », mais pourquoi vendre des armes à Kadhafi alors que celui-ci refuse toujours de reconnaître l’existence d’Israël ? Etrange paradoxe : d’un côté, on aide Israël à libérer les soldats retenus en otage, de l’autre, on arme un pays ennemi des Israéliens.
Au nom des Droits de l’Homme, Nicolas Sarkozy s’est ému du sort des infirmières bulgares et du médecin palestinien. Mais il accepte d’armer un pays qui pratique, selon Amnesty International, la torture et emprisonne les opposants politiques. Une autre contradiction, mais notre Président est un spécialiste.
Marie Drollon
Les commentaires (2)
Pire encore, le contrat pour la construction d’un site nucléaire »pacifique » pour dessaler l’eau de mer ! de qui se moque -t-on quand on peut faire çela très bien avec l’énergie solaire sans risquer d’armer un (ancien ?.) état terroriste.. Mais à nos gouvernants cela ne crée pas de soucis particuliers; l’important c’est la com et le bizness.
__la Libye a déjà laissé transiter sur son territoire des armes utilisées dans des conflits africains. __
C’est pire que cela.
Kadhafi a armé le RUF du Libéria et destabiliser la Sierra-Leonne toute proche.
Sans parler des contacts du colonel avec l’Ira il y a une petite décennie.