CHASSE EN CÉVENNES (3/3)

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Un reportage poétique et personnel, en 3 parties, de notre ami et correspondant des Cévennes, Philippe Maréchal

(3/3)

(Pour voir le 1/3, le 2/3)

La déflagration déchira mon paradis en deux. Luc n’avait pas sourcillé, moi j’en avais tressailli jusqu’aux doigts de pieds planqués dans les godasses. C’était la guerre des hommes contre les sangliers. La grosse baffe d’Obélix  s’était chargée de plomb. Avant de nous revenir par l’écho, le coup était sans doute parti d’un peu en dessous de la crête. Quelqu’un siffla. On entendit également un groupe d’hommes parler. –C’est bon Luc, on redescend, cria quelqu’un… Luc désarma son fusil. Et nous quittâmes notre poste comme repassant à l’envers la bande, dans notre cheminement inverse. De jour, c’était plus impressionnant et j’allais moins vite. Je prenais le temps de quelques images, complétant celles du visage de Luc posté. Quand je le regardais, je me revoyais au temps de mon enfance, avec mon cousin, nos dieux étaient nos oncles et nos grands parents, eux mêmes chasseurs et pêcheurs. Les exploits d’Hippolyte notre oncle, nous étaient comptés le soir, « Tio Polyte », n’avait pas tiré que des lièvres, il fut résistant à son heure, et lui, son réveil était à l’heure, la grande fierté de la famille. Et nous allions cousin des champs et moi cousin de la ville,  aux vacances, ramper dans les bois et les prairies, les mains lavées dans la soupe de poireaux, progressant sous le vent, jusqu’à tirer à la carabine à plomb, dans le vide, longtemps et c’est heureux, après l’envol…
Un sanglier avait donc été tiré. Il était plus de dix heures et cela suffisait pour ce jour d’ouverture. A la chaleur, qui à présent rendait l’exercice difficile, s’ajoutait le manque d’entraînement des chiens qui fatiguaient très vite. Il en est ainsi des premiers jours de chasse me dit Luc, après, c’est plus sportif et il n’est pas rare d’avoir à ramener plusieurs sangliers qu’il faut tirer centimètre par centimètre dans les dénivelés où à cet l’instant je peinais à progresser sans glisser. Merci les chiens, moi aussi je manquais d’entraînement. Nous repassâmes devant une clède endormie depuis la révolution et dont Luc connaissait toute l’histoire comme il semblait connaître chaque centimètre carré de ce pays qu’il a toujours parcouru, depuis son enfance dans les traces de son père. Dan le pick-up japonais, fatigué et ravi d’être assis je ne prêtais plus attention au ravin en bord de chemin… Nous retrouvâmes les autres au point de rendez-vous du matin sur la départementale,  tâché d’un peu de sang, un marcassin gisait sur le plateau d’une camionnette. Eh oui, c’est la chasse, y’a du sang, y’a de la mort. Assis quelques heures plus tôt, je contemplais une bonne grosse araignée rousse, chargée d’œufs, et qui se tenait immobile, la silhouette découpée dans la lumière du soleil, au milieu de sa toile, étonnée comme moi certainement de ma proximité et à l’affût, elle aussi, tout comme nous autres, avec autour d’elle, quelques mouches emmaillotées à bouloter au prochain déjeuner. Tout le monde se remit en route après que quelques cyclotouristes stoppés pour l’occasion dans leur ascension, eurent le temps de dévisager le sanglier mort. Nous entrâmes telle une bande, dans une ferme où les 16 gaillards installèrent dans une pièce une  baignoire et un billot, tandis que celui dont l’habileté semblait désigner naturellement pour la tâche, aiguisait sans sourciller les lames de ses couteaux. Trempée dans l’eau bouillante et débarrassée de ses poils, la bête était sur le dos, grotesque et les quatre pattes en l’air, alors que les bouteilles commençaient à se vider dans les verres qui s’entrechoquaient sur une table à quelques mètres. L’homme, s’affairait, découpant avec précision et agilité. La tête fut décollée en un tour de main. Ce qui était encore une bête de soixante-dix kilos à l’entrée dans cette remise, en moins d’une heure, était devenue 16 parts de viande à répartir entre les chasseurs. A chaque pièce de bois numérotée, posée sur un morceau de viande, correspondait une bille également marquée d’un numéro, et tous plongeaient la main les uns après les autres dans un sac où elles étaient rangées et ils se pliaient ainsi au tirage au sort leur attribuant le morceau qu’ils emporteraient. Dans les bruits de vaisselle, des conversations en couleurs et aux accents cévenols, contournant le jet d’eau emportant les dernières traces de sang sur le sol, le tireur, de ce premier sanglier abattu, ce jour d’ouverture, vint m’offrir le foie…- A la poêle, avec de l’ail et du persil c’est très bon me dit-il.  

Philippe Maréchal, habitant de Valleraugue, dans les Cévennes, a réalisé de nombreux reportages vidéo, très remarqués et appréciés, pendant le campagne de l’élection présidentielle.

Valleraugue, village pro-Ségo

Du pain, de la sueur et la campagne

La campagne vue par Françoise, 87 ans (Notre préféré!)

Parfum de fioul dans les Cévennes

Au tabac-presse de Valleraugue

La campagne vue de la campagne Cévenole

À REVOIR, DE PETITES PERLES DE REPORTAGE!!!

Philippe Maréchal est actuellement en panne de logiciel de montage. Si jamais quelqu’un de compétent en la matière, proche des Cévennes, pouvait lui venir en aide, n’hésitez pas à le contacter…

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Les commentaires (1)

  1. Salut à toi Philippe
    Vivement les images après ton stage parisien !
    A un de ces jours dans la cour de l’école de Valleraugue ou ailleurs