UN JOURNALISTE LICENCIÉ À CAUSE D'UNE INTERVIEW?

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MÉDIAS

Richard Labévière choisit Internet comme moyen de défense. Journaliste de Radio France International (RFI), il a été licencié le 12 août dernier et le fait savoir.

Ce spécialiste du Proche-Orient dénonce avec véhémence dans une vidéo mise en ligne le 20 août l’attitude de la direction de RFI. Il l’accuse d’ « orwellisation » de la presse. Une attaque en règle dans un quasi-désert médiatique en pleine période estivale. Avant de publier la vidéo qu’il a posté sur I, nous avons voulu joindre toutes les parties. Pas facile.

Son dernier coup journalistique lui aurait fait perdre son poste. Richard Labévière, éditorialiste chevronné souvent considéré comme pro-arabe, a été licencié « pour faute grave » après huit années de service. Dans une vidéo visible sur internet, sans contradicteur, Richard Labévière explique les raisons de son éviction. « J’ai été licencié par le direction de RFI […] pour avoir réalisé une interview du président syrien Bachar el-Assad le 8 juillet dernier pour RFI et TV5 Monde, filiale de l’audiovisuel extérieur de la France, faisant partie de la même entité […] », précise-t-il.

« Licencié à cause… d’une interview »?
Ancien rédacteur en chef de RFI, Richard Labévière dirigeait « géopolitique », une émission hebdomadaire de débat sur cette même radio. A ce titre, il a obtenu un entretien du président syrien pour préparer le lancement de l’Union pour la Méditerranée qui s’est tenue à Paris à la mi-juillet. Obtenir un entretien exclusif avec le très controversé Bachar el-Assad est un bon coup pour un journaliste. L’interview, réalisée à Damas, a d’abord été diffusée sur TV5 Monde le 09 juillet 2008 et le 12 juillet dans l’émission « géopolitique » sur RFI.
Nous avons visionné l’entretien télévisé qui dure une vingtaine de minutes. Pas grand chose à en dire, sinon que le journaliste n’est pas très mordant face à quelqu’un qui est considéré par certains comme un dictateur à l’origine de nombreux crimes : une interview qu’on peut qualifier de classique, voire convenue. Mais d’habitude en France, on ne vire pas les journalistes quand ils réalisent une interview un poil complaisante. Selon le journaliste, la direction a prétexté un différend sur les conditions d’exclusivité de cette interview pour le licencier. « Elle (l’interview) se transforme en sanction pour faute grave, sur un dossier totalement vide, […] pour essayer de faussement justifier ce licenciement », prévient-il.
Quelle est donc la vraie raison de son départ ? Richard Labévière, cigare à la main, toujours dans son interview, va droit au but. Il parle « d’une suite de harcèlements professionnels » exercés par la direction de RFI depuis quatre ans. « […] J’ai été relevé de l’éditorial international en 2005 à la demande de l’ambassadeur d’Israël en France Nissim Zvili qui a demandé ma tête […] », précise-t-il. Une information démentie par l’ambassade d’Israël en France qui nous a répondu par mail: « l’accusation de Monsieur Richard Labévière est sans aucun fondement. […] En ce qui concerne l’intervention de l’ancien ambassadeur d’Israël en France, M. Nissim ZVILI auprès de la direction de RFI, celle-ci n’a jamais eu lieu ». C’est donc parole contre parole.

« Une orwellisation des médias »
Le journaliste évoque également « plusieurs menaces verbales et physiques » et annonce le dépôt d’une « plainte pour menaces de mort » sur son lieu de travail, « après avoir reçu des menaces vraisemblablement du Betar avec des complicités internes à RFI». L’accusation est forte. Le Betar est un mouvement de jeunesse proche de l’extrême droite israélienne.
Paranoïaque, Richard Labévière ? Pour lui, la direction de RFI tente d’«intimider des journalistes qui sortent du discours officiel pro-israélien » qu’elle chercherait à imposer. La nomination de Christine Ockrent et d’Alain de Pouzilhac à la tête de l’Audiovisuel Extérieur de la France (qui regroupe France 24, RFI et TV5 Monde) ne serait qu’une coïncidence. Il parle encore d’une « mise au pas des médias publics pour imposer une lecture conservatrice sur les questions proche-orientales ».

Un journaliste isolé
Jointe par téléphone, la direction de RFI nous a affirmé que cette affaire était « une décision disciplinaire interne » et a refusé tout autre commentaire.
De son côté, la rédaction est étrangement silencieuse. Pas de pétition de soutien, et les journalistes rechignent à s’exprimer. En insistant et sous couvert d’anonymat, ils parlent d’une histoire « trop complexe » pour prendre parti. Ils décrivent Richard Labévière comme un « personnage solitaire », voire un « journaliste peu objectif ». Seul Raphaël Reynes, le délégué syndical CFDT, soutient le journaliste licencié et a accepté de répondre aux questions de la TéléLibre. Selon lui, « ce licenciement révèle une volonté de nuire à Richard Labévière, un contentieux ancien avec la direction ». La CFDT soutient que la direction a évité toute explication « soit par incompétence, soit pour ne pas aborder le fond du dossier ».
Dans un entretien téléphonique le 27 août, Richard Labévière persiste et signe. A défaut de s’exprimer dans la presse française – selon lui, l’AFP et le Monde refusent de relayer un communiqué et une tribune – il s’est adressé directement aux médias arabes. « J’ai participé à une conférence de presse organisé par le syndicat de la presse au Liban le 26 août. J’ai répondu à plusieurs interviews notamment sur les chaînes de télévision al-Manar (proche du Hezbollah) et Future TV, qui appartient à la famille Hariri. J’ai répondu à plusieurs médias libanais, de la majorité, comme de l’opposition », raconte-il. Le journaliste réfute toute position de victime. « Je ne me pose pas en martyr. Mais je suis en colère donc je me défends. Je demande que la décision de la direction de RFI soit cassée et suspendue pour me réhabiliter professionnellement », ajoute-t-il. Un référé prudhommal doit être rendu le 22 septembre.

Kelly Pujar

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Les commentaires (20)

  1. SI un journaliste français faisait une conférence de presse depuis Tel-Aviv, je n’ose imaginer le type de commentaires que cela entrainerait !

  2. On y est!… et ça ne fait que commencer…
    A rapprocher de ce qui est arrivé à un journaliste de la 2, envoyé permanent à jérusalem, qui avait simplement couvert en toute objectivité la mort filmée d’un jeune enfant que le père tentait de protéger alors qui sont pris dans une fusillade entre militants palestiniens (il me semble) et armée israélienne. L’acharnement dont a été victime ce journaliste, résidant à jérusalem depuis près de 20 ans, qui a été traité d’antisémite, voire de nazi, alors qu’il est juif, est effarant (un excellent doc sur arte retrace cette affaire avec sérieux!).
    j’espère que le peuple juif va se réveiller et lutter activement contre cette extrême droite nationaliste qui n’a de cesse que de fabriquer plus et encore plus d’antisémites, car c’est à ce prix qu’ils peuvent un jour prendre le pouvoir…

  3. @ sam: c’est vrai, on est plus dans les années 30 (sans s)… dans les années 30 la presse n’appartenait pas à deux ou trois groupes…

  4. Accrochez vous aux branches et lisez-moi (en signature) cette interview d’Avraham Burg et vous découvrirez, en sus de la pensée d’un juif qui n’a plus peur, comment le plus anti-israëlien des juifs israëliens vota contre Sarkozy. Surpuissant.

  5. Grand merci Aslan pour ce lien et cet entretien hyper instructif… c’est long, mais c’est bien, en particulier pour le citoyen de la planète que je suis, non-juif, non-musulman, non-palestinien, et qui essaie juste de comprendre les tenants et les aboutissants.

  6. De rien cazo, ça me fait plaisir. Radical, le gars Burg…

    Avec Labévière c’est autre chose, je pense que le probléme n’est pas temps son analyse de la question Israëlienne que celle de la question Libanaise, car si la politique française se fout à 80% d’Israël et des Palestiniens elle n’a pas renoncé à mettre son gros nez au Liban.

  7. Bien sûr Aslan, mais ça aide à comprendre pas mal de choses… par contre, l’histoire de ce journaliste d’antenne 2, charles enderlin, et de l’affaire du petit mohammed, c’est tout à fait cohérent avec ce qui arrive à ce journaliste de rfi.
    de toute façon, tout ce qui ne plaît pas à naboléon, notre nanoprésident, n’aura bientôt plus accès à un seul media digne de ce nom.
    à moins qu’on se réveille…

  8. Se réveiller, se réveiller, se réveiller…j’y arrive pas Cazo. Le salopard à du mettre du Rohypnol dans mon verre et je n’ai aucune image claire de ce gars qui pourtant me baise (mal et contre mon gré).

  9. Ah bon, alors c’est le grand nettoyage dans les medias.

    De quoi il se plaint ce monsieur, il n’avait qu’a faire preuve d’un peu plus d’objectivite (Charte du Journaliste) et d’honnetete intellectuelle au lieu de tailler des pipes aux donneurs d’ordres du terrorisme international. Il lui reste qu’a travailler avec ses amis du moyen orient avec le Coran en main, il aura ainsi la connection divine…

  10. T’as raison, virons aussi toute la rédaction de TF1/LCI. C’est quoi ton idéal de journalisme, 20 minutes ou Direct Matin?

  11. Tout est là. La charte du journalisme.

    http://www.ancienscfj.com/legal1-la-charte-du-journaliste.html

    C’est un code de déontologie que ,s’il était bien appliqué, il n’y aurait bien peu d’affaires de ce genre. Et les journalistes peu scrupuleux qui foisonnent aujourd’hui eu égard à leur endoctrinement idéologique n’auraient pas beaucoup leur place dans un monde de l’information pourri et corrompu.

  12. Ok, trés bien. Je ne suis pas trés au fait des talents de M.Labévière mais, s’il est polémique, il est tout de même largement reconnu de ses pairs. Quelle faute a-t-il donc commis eu égard à cette charte?

  13. Pour lui î j’en ai pas besoin je parle couramment l’abruti, langue étrangére mais malheureusement trop utile.