TÉHÉRAN: DROITS DE L'HOMME FERMÉS

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DICTATURE

Les droits de l’homme à Téhéran ? Fermés jusqu’à nouvel ordre !

Des policiers iraniens ont posé des scellés dans les locaux du Centre des défenseurs des droits de l’homme (CDDH) à Téhéran. L’ONG a été crée en 2002 par le prix Nobel de la paix, Shirin Ebadi. Elle défend gratuitement, et malgré les risques, des prisonniers politiques.


Près de 300 invités étaient réunis dans les locaux du CDDH
pour la remise d’un prix à un militant des droits de l’homme. Interdite en 2007, l’organisation continuait néanmoins son activité.
La police a fait irruption lors de la cérémonie, dimanche 21 décembre 2008 pour fermer cette association accusée de se livrer à « des activités illégales » (selon l’agence de presse Mehr).

ebadiShirin Ebadi avait reçu le prix Nobel de la paix en 2003 pour son action en faveur de la démocratie. C’est la première femme musulmane et iranienne à recevoir cette récompense. En 2002, elle fonde, avec d’autres magistrats, l’association des défenseurs  des droits de l’Homme en Iran. Constitué de bénévoles, le CDDH défend gracieusement les prisonniers politiques.  Le CDDH a dors et déjà indiqué qu’il
portera plainte.

Karim Lahidji est un proche de Shirin Ebani, il est président de la Ligue de défense des droits de l’homme en Iran (LDDHI). Cet avocat en exil à Paris, joint par LaTéléLibre, il avoue son inquiétude la Prix Nobel de la Paix.

Marie Périssé : En quoi cette association est primordiale pour la défense des droits
de l’homme ?

Karim Lahidji : Aujourd’hui, cette association est la seule voie de recours en absence de barreau indépendant du régime. Les avocats de l’organisation défendent des personnes depuis des années malgré les risques qu’ils encourent. La profession d’avocat n’est pas reconnue. Si on défend une personne qui est considérée comme un espion du régime, on peut être considéré comme son complice. De nombreuses personnes de l’association ont fait de la prison, Shirin Ebani a également séjournée derrière les barreaux. Moi-même qui me bats pour les droits de l’homme depuis 40 ans, j’en ai payé le prix, j’ai dû quitter le pays pour sauver ma tête.

Comment Shirin Ebani arrive-t-elle à trouver la force de continuer son combat ?

Nous sommes tous dans le même cas. C’est un peu comme si nous étions «piqués par le virus » de la défense de la dignité humaine, cela tient de notre profession. En tant qu’avocat, nous ne pouvons rester
indifférents à la situation. Je vais vous donner un exemple, Shirin Ebani est féministe jusqu’au bout des ongles. Des idées qui lui font oublier parfois son statut de magistrat. L’année dernière, des femmes
courageuses ont mené une campagne en faveur des droits égaux en Iran. Il faut savoir que dans mon pays, la parité, c’est un peu comme l’apartheid. Elles ont donc fait signer une pétition dans des lieux
publics. Pas de manifestation, pas de regroupement, juste une pétition. Quarante de ces femmes ont été arrêtées et traduites devant les tribunaux. Certaines ont écopé de 2 à 6 ans de prison, d’autres de
coups de fouets. Comment voulez-vous rester indifférent à de tels actes ? Il faut que la communauté internationale sache le sort qui est réservé aux opposants au régime iranien !

Qu’est-ce qui a déclenché cette fermeture ?

Depuis l’ouverture du Centre, un dossier pour réclamer le statut associatif a été déposé auprès du ministère de l’intérieur. Mais son examen a pris des années d’attente et de multiples reports. Les
associations sont libres sauf si elles touchent aux intérêts du régime… Donc l’association fonctionne dans cette attente. Entre temps, Shirin Ebani a obtenu le prix Nobel de la paix, avec l’argent qu’elle a reçu, elle a acheté l’immeuble qui abrite aujourd’hui le Centre, reconnu internationalement. Depuis plusieurs mois, elle subit des pressions, du chantage pour qu’elle ferme son bâtiment. Mais elle n’a pas cédé. Le 18 décembre 2008, le Secrétaire Général de l’ONU a rendu un rapport sur la situation des droits de l’homme en Iran, il a cité, entre autres personnes, Shirin Ebani. Je crois que pour les autorités,
ça été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Une dizaine de policiers en civil ont fait irruption dans les locaux dimanche et ont posé des scellés. Il n’y a pas eu d’arrestations.

Et maintenant, que va-t-il se passer pour Shirin Ebadi et le Centre ?

Même en absence de juridiction, nous porterons plainte, même en absence de locaux, les avocats continueront d’exercer directement depuis leur cabinet. Nous avons saisis des instances internationales.
Shirin Ebadi n’en est pas à sa première tentative d’intimidation et continue son combat entourée des avocats du Centre. J’avoue, je suis inquiet, elle pourrait à nouveau, se faire arrêter, mais en Iran,
c’est le prix à payer.

Propos recueillis par Marie Périssé

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Les commentaires (6)

  1. Si au moins ils fermaient pour inventaire, mais j’ai plutôt peur de la liquidation judiciaire.

    L’Iran ne restera toutefois pas au bord de la route trés longtemps, c’est une nation moderne et riche de sa culture et de ses différences; son « khomeynisme » est probablement une crise d’identité crispée face à l’assaut de la culture et de la politique occidentale.

    Quand « notre » occident aura enfin abandonné ses manières brutales et expansionnistes l’Iran comptera encore de très courageux défenseurs des droits de l’homme universels, musulmans et iraniens. Alors le mollah sera nu.

  2. Comme quoi il n’ y a pas que la femme qui est enfermée, en Iran.

    ( Faudrait aussi que les mecs comme Ahmadinedjad f … le camp. -mais qu’ il ne vienne pas se réfugier en Amérique du Sud, ce serai d’ un goût douteux.)
    _

    J’ avais trouvé un blog de dissidents iraniens, mais j’ arrive pas à remettre la main dessus.

  3. Y’a bien les Mudjahidins du peuple, Bourreau, mais, après avoir disposé d’une petite armée stationnée dans l’Irak de Saddam que sont ils devenus, je l’ignore. Leurs sites laissent seulement voir un culte de la personnalité à une pasionnaria dynastique qui doit dispenser de bons dollards fraichement décaissés du Trésor U.S pour la révolution (prolétarienne). Peu d’avenir à mon avis de ce côté là, sauf celui de servir d’auxiliaire au renseignement U.S. Dommage.

  4. Merci pour le lien , Aslan …et revoilou Bourreau qui émerge sur l’ Iran !

    Une chose m’inquiète : j’ai l’impression qu’on s’habitue à voir les droits humains bafoués, chez nous comme ailleurs et que maintenant, s’il n’y a pas mort, torture ou emprisonnement, on minimise inconsciemment …

    Je veux croire à ton analyse, Aslan ( je ne connais pas ce pays), mais cette affaire de fermeture est un évident symbole quand même!

  5. Mob, t’as raison, c’est sûr. Difficile et pourtant il faut bien hiérarchiser.Tiens je me demande si l’Iran à signé la déclaration universelle des droits de l’homme? Surement que oui, en fait on assiste au maintien de l’étage autoritaire du régime par le jésuitisme.