JUSTICE

Villiers-le-Bel : le procès des présumés caillasseurs s’ouvre demain

Un an et demi après les émeutes de Villiers-le-Bel, l’ambiance reste électrique dans la petite ville du Val d’Oise, alors que le premier des cinq procès relatifs à ce dossier doit s’ouvrir demain au tribunal correctionnel de Pontoise. La tension est latente et, depuis début mai, les affrontements entre jeunes et policiers se multiplient.

Ce premier procès, qui se tiendra les jeudi 2 et vendredi 3 juillet, concernera les « faits de violence en réunion », en d’autres termes les actes de caillassages des véhicules de pompiers et de policiers, intervenus dans les jours suivant le drame. Il verra comparaître en correctionnelle une dizaine de prévenus.

Rappel des faits

Du 25 au 27 novembre 2007, Villiers-le-Bel est le théâtre de violentes échauffourées entre jeunes du quartier et policiers, suite à la mort de deux adolescents de 15 et 16 ans, Moushin et Lakhamy, percutés par un véhicule des forces de l’ordre, alors qu’ils circulent sur une moto. Face à ce qu’ils considèrent comme une bavure, les jeunes laissent éclater leur colère, qui s’étend à cinq autres villes voisines du Val d’Oise, à Sarcelle, Garges-Lès-Gonesse, Cergy, Ermont et Goussainville. Les différents projectiles et cocktails Molotov des jeunes le disputent aux tirs de flashballs et aux lacrymogènes des CRS, dans une atmosphère quasi dantesque. 63 véhicules et 5 bâtiments incendiés – dont la bibliothèque de Bellevue, deux écoles, une agence du Trésor Public, un garage et un supermarché. Les télés du monde entier montre une France en flamme. 119 blessés dont 5 graves parmi les policiers… Le bilan officiel des affrontements est lourd. Mais du côté des jeunes, le nombre de blessés reste inconnu.
De nombreuses incohérences dans la version officielle
Les quatre autres dossiers qui doivent être jugés dans cette affaire sont toujours en instruction à ce jour : l’incendie de la bibliothèque et de l’école maternelle ; l’agression du commissaire de police de Sarcelles Jean-François Hilly ; la collision entre la voiture de police et la moto, qui a provoqué la mort des deux adolescents ; et enfin les tirs par armes à feu sur les forces de police, pour lesquels 5 personnes se trouvent en préventive depuis plus d’un an et demi.
Pour autant, peu de jeunes portent espoir dans la justice, estimant que la version officielle de la police a été manipulée. Et une condamnation des 10 présumés caillasseurs ne feraient qu’envenimer une situation déjà explosive.

De nombreuses zones d’ombre entourent ce dossier

En cause notamment, les circonstances exactes de l’accident, dont la version officielle aurait été manipulée. Selon Maître Mignard, l’avocat des familles des victimes, une expertise judiciaire aurait démontré que les policiers ne roulaient pas à 40-50 km/h, comme ils l’avaient affirmé, mais à 64 km/h. Et de nombreux témoignages ainsi que le relevé des points d’impact effectué par le détective privé Roger-Marc Moreau et par Albert Boccara, habitant de Villiers-le-Bel alors membre de la communauté d’agglomération, laissent à penser que la police aurait fourni une version des faits biaisée.
Mais les incohérences ne s’arrêtent pas là. Alors que cinq personnes se trouvent actuellement en préventive pour avoir présumément tiré par arme à feu sur les forces de police, Albert Boccara crie à la manipulation. « Ces personnes ont été dénoncées contre rémunération, s’insurge-t-il, alors même que les services de police du Val d’Oise avaient affirmé, lors d’une réunion de crise tenue à Cergy-Pontoise le 3 décembre 2007, avoir identifié physiquement les auteurs présumés des coups de feus. Le signalement – deux hommes âgés de 30 à 35 ans, de type européen et plutôt athlétiques – ne correspond absolument pas au profil des personnes interpellées. On a ici affaire à de jeunes blacks et beurs, parfaitement intégrés, et qui font figure de boucs émissaires faute d’avoir trouvé les véritables coupables. C’est scandaleux ! ». Ces individus seraient par ailleurs maintenus en détention malgré l’avis contraire de la juge aux libertés, qui a estimé que le dossier était vide. A suivre, donc…

Emmanuelle Bourget