HAITI : LA CATASTROPHE ETAIT ANNONCÉE MAIS IGNORÉE

Publié le | par

« Mieux vaut ne pas en parler, il ne faut pas paniquer » : c’est par ces mots qu’un responsable haïtien avait commenté en 2008 la menace sismique.

Le gigantesque tremblement de terre qui s’est produit mardi en Haiti, à une quinzaine de kilomètres de la capitale de Port-au-Prince, était redouté par l’ensemble des sismologues. La localisation de l’île l’a rend particulièrement vulnérable en raison de la proximité d’une importante faille tectonique.

En septembre 2008, dans une interview accordée au quotidien haitien Le Matin, Patrick Charles, 66 ans, ancien professeur à l’Institut Géologique de La Havane (Cuba), avait annoncé le désastre : « Toutes les conditions sont réunies pour qu’un séisme majeur se produise à Port-au-Prince. Les habitants de la capitale haïtienne doivent se préparer à ce scénario qui finira, tôt ou tard, par arriver ».

Outre l’imminence d’un tremblement de terre ravageur pour la capitale, l’universitaire avait porté la précision jusqu’à prévoir une magnitude de 7.2 sur l’échelle de Richter : mardi, les sismologues ont enregistré une magnitude de 7.0 à l’épicentre de la secousse tellurique.

Commentant la prévision du géologue, Dieuseul Anglade, directeur du Bureau des Mines et de l’Energie, avait alors ajouté que « durant deux siècles, aucun séisme majeur n’a été enregistré dans la capitale haïtienne. La quantité d’énergie accumulée entre les failles nous fait courir le risque d’un séisme de 7,2 d’amplitude sur l’échelle de Richter. Mieux vaut ne pas en parler, il ne faut pas paniquer. Mais ce serait une catastrophe ».

Quatre mois plus tot, des chercheurs, réunis à la Faculté des Sciences de l’UEH (Université d’Etat d’Haïti), avaient également prédit la tragédie : « Là où la terre a tremblé, elle tremblera encore ! ». Ils critiquaient en particulier l’absence de normes parasismiques dans la capitale.

Auparavant, en mars 2008, cinq scientifiques avaient rendu un rapport alarmant à l’occasion de la 18ème Conférence géologique des Caraïbes. Ils mettaient en garde contre les risques d’un violent tremblement de terre pour les territoires d’Haiti et de la République dominicaine, à la suite d’un première étude publiée en 2004 dans une revue américaine.

Le risque était avéré : malheureusement, les autorités locales ne semblaient avoir ni la volonté politique ni les moyens matériels de prendre au sérieux ces avertissements. Depuis la mise en garde de ces divers scientifiques, la capitale surpeuplée de Port-au-Prince n’a pas bénéficié d’un renforcement des habitations afin de protéger la population.

«Nous n’arrêtons pas d’alerter le gouvernement. Des lois existent, mais il ne les applique pas par peur des réactions de la population. Cette irresponsabilité est d’autant plus grave que nous sommes en zone à haut risque sismique. Port-au-Prince a déjà connu des tremblements de terre par le passé. Je n’ose même pas penser aux dégâts que ferait un séisme de magnitude forte avec l’explosion démographique actuelle», avait déploré en novembre 2008 Dieusel Anglade, le responsable du Bureau des Mines et de l’Energie.

Selon Jean-Max Bellerive, Premier ministre d’Haiti interrogé par CNN, le nombre de morts pourrait s’élever à des centaines de milliers de morts.

Hicham Hamza

Partager cet article

Les commentaires (6)

  1. Quant la démonstration du jeu d’échec met ses pions en avant au roi star pleurnichant quelques deniers à sa réquisition…

  2. Chaque fois que se produit une catastrophe naturelle, ex La Nouvelle Orléans sous GW Bush, tremblement de terre de l’Aquila sous Berlusconi, et maintenant Haiti on s’aperçoit que inefficacité des politiques qui n’ont pas écouté les experts…il en est de même pour le réchauffement climatique si on en juge par ce qui s’est passé à Copenhague. La faute aux gouvernants qui passent leur temps à flatter leurs électeurs et par derrière n’écoutent que leurs semblables mégalomanes, les PDGs incompétents et banquiers avides.
    Et l’existence de méga-concentrations urbaines dans des Capitales comme Port-Au-Prince avec des millions de personnes vivant entre 4 murs de béton-d’immeubles à plusieurs étages ne supportant pas les risque sismique- multiplie le nombre de victimes. (Risque de catastrophe aussi A Paris quand les réservoirs de Seine, Marne, Aube déborderont on reverra des inondations pires que celle de 1910 !).Il y a aussi une probabilité d’éruption catastrophique aussi pour la ville de Naples…
    Revenant à Haiti C’est dur à dire mais soyons sûr qu’avec le courage des rescapés-ceux dont on ne parle pas-ce pays s’en sortira seul, car il en a connu d’autres, tout comme les populations du littoral victimes du tsunami asiatique.

  3. Je crois que ce n’est de toutes façons pas à partir de 2008 qu’ils auraient dû, qu’ils auraient pu faire en sorte d’éviter un si lourd bilan. Mais c’est tout de même affligeant.

    Concernant les risques d’inondations centennales à Paris, « ils » s’y préparent… Les réserves de grands musées vont être délocalisées. Et c’est prévu pour… 2013.

  4. @ Trinita, dans le monde développé- à l’ exception du Japon et de la Californie, on a des décideurs dont l’horizon s’arrête à la prochaine élection, 2012 en France. Dans les pays riches comme l’Italie et à La Nouvelle Orléans on ferait mieux de donner l’exemple plutôt que de faire des discours médiatiques;- Là où règne le libéralisme avancé l’Etat est présent quand il faut aider les nantis- mais je ne suis pas sûr que ces pauvres rescapés sans logement après la catastrophe des années passées soient satisfaits de la situation actuelle dans leurs cités…
    Côté positif tout de même, en Europe il existe un laboratoire qui fait des essais de résistance de matériaux (structures d’immeubles et câbles), depuis combien de temps ?

  5. Je crois que nous ne sommes pas en désaccord, Kim…
    Je voulais dire que les dirigeants devaient savoir – j’imagine -qu’ils étaient dans une zone à risque. Alors, qu’on leur ait dit « attention » en 2008 ou en 1995 ne change pas grand chose à l’action engagée. Des spécialistes ont annoncé en 2008 une catastrophe avec certitude… D’autres avaient dû le faire bien avant.

  6. Bonjour
    Une catastrophe sismique, contrairement aux cyclones, n’est pas prévisible. On peut seulement estimer le RISQUE de seisme. Ce qui n’est pas très difficile concernant Haïti étant donné sa situation géologique. Il en est de même pour de très nombreuses autres parties du monde situées sur des failles et donc soumises au même risque sismique.
    Je pense par conséquent qu’il est dangeureux d’affirmer de manière aussi catégorique que « la catastrophe était annoncée ». Haïti est de toute façon une zone à risque de manière permanente. De part son statut, elle nécessite un plan de prévention comme il en existe en Martinique et en Guadeloupe par ex.
    Malheureusment ce sont les régions du monde les plus pauvres qui sont les plus vulnérables et sont les moins bien organisées face au risque. Par ex. le Japon est à ce titre moins vulnérable que Haïti.
    Je comprends que votre rôle soit d’alerter maisil me semble que nuancer un propos peut être aussi bénéfique pour la cause.
    Pour plus de précisions, un site didactique: http://www.prim.net