L’Écologie? Oui, mais si c’est Rentable!

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Le ministère de l’Écologie perd le secteur de l’Énergie au profit du ministère du Budget, et aussitôt le bonus écologique pour les automobiles devrait disparaître. Tout un symbole! Jonathan Bordessoule, jeune journaliste, arrivé à LaTéléLibre récemment, nous livre son enquête.

Nathalie Kosciusko Morizet, nouvelle ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement au sein du gouvernement François Fillon III  peut faire grise mine. L’Énergie, secteur industriel particulièrement polluant, redevient une simple affaire économique. Le ministre du Budget, François Baroin, reconduit dans ces fonctions, hérite du dossier. Coïncidence : il s’était déjà attaqué au bonus écologique le 9 novembre dernier à l’Assemblée Nationale. Cette mesure phare du Grenelle de l’environnement dérangeait par son succès… Le temps des belles promesses en faveur de l’environnement semble bel et bien révolu.

« Á l’échelle nationale, le niveau d’émission de CO2 des voitures neuves est passé de 148 grammes fin 2007 à 130,1 grammes début 2010 »

L’environnement, « ça commence à bien faire ». Cette phrase lancée par Nicolas Sarkozy au dernier salon de l’agriculture pouvait paraître cocasse, elle annonçait un changement de politique. Retour sur les faits : l’année de son investiture, le chef de l’État fait de la lutte environnementale son nouveau cheval de bataille. Fin 2007, son discours sur la présentation du Grenelle de l’environnement surprend même les « écolos ». Il souhaite notamment « que le Grenelle soit l’acte fondateur d’une nouvelle politique, d’un New Deal écologique en France, en Europe et dans le Monde ». Parmi les mesures vantées par notre président, le bonus-malus, qui prévoit une récompense financière pour les acquéreurs de véhicules neufs peu émetteurs en CO2 tout en pénalisant les amateurs d’engins polluants. Trois ans après, l’État déchante. Le « déficit » entre bonus et malus, qui s’élève actuellement à 500 millions d’euros, embarrasse Sarkozy. Le ministre du budget François Baroin annonce la semaine dernière une réévaluation à la baisse des primes accordées. Avec une mention spéciale au bonus GPL : cette prime récompensant l’achat de véhicules fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié sera tout simplement supprimée. Cette mesure interpelle. Car si les finances pestent contre le bonus écologique, l’environnement apprécie.

Le GPL : avancer pour mieux reculer…

Depuis l’instauration de ce bonus, aujourd’hui remis en cause, les chiffres parlent d’eux-même. Á l’échelle nationale, le niveau d’émission de CO2 des voitures neuves est passé de 148 grammes fin 2007 à 130,1 grammes début 2010. Une valeur inférieure à la moyenne de l’Union Européenne, qui s’élève à 141,6 grammes. Autre évolution notable, la vente de véhicules GPL a connu un bond spectaculaire ces deux dernières années. D’après le CFBP (Comité français du butane et du propane), ce type de véhicule, vendu à 2500 exemplaires en 2008, s’est écoulé à 60 800 exemplaires cette année (jusqu’à la fin octobre). Cette embellie devrait être mise à mal par la suppression du bonus GPL, initialement prévu jusqu’en 2012. Une perspective qui contrarie Sabine Gibier, responsable des relations extérieures du CFBP : « On est très inquiet. La connaissance du GPL n’est pas encore ancrée dans la mentalité des Français. Le début de compréhension de ce système s’est fait au début de l’année. On risque de perdre notre nouvelle visibilité ». Notre interlocutrice regrette également que l’État revienne sur certaines promesses : « Des mesures avec des échéances sont mises en places mais celles-ci ne sont pas respectées. C’est aberrant d’arrêter maintenant la promotion d’une énergie renouvelable car celle-ci coûte trop cher. Tout nouveau secteur a besoin d’aide de l’État pour se développer ».

L’écologie « flinguée » par l’économie

Si le GPL a d’ores et déjà pris un mauvais coup dans l’aile, le cours des « essences » – du fait de la baisse de ses bonus – devrait également baisser. La crise économique est passée par là. Ce triste constat est confirmé par Guillaume Duval, journaliste à Alternative économique. Pour lui, la réforme de François Baroin – dont le ministère n’a pas souhaité communiquer sur la baisse du bonus écologique – apparaît « légitime » en vue du contexte économique actuel. Mais ne découle pas forcément d’un si bon calcul : « Le secteur de l’automobile devrait subir un préjudice financier important. Le bonus écologique, en plus de ses bienfaits environnementaux, avait permis au secteur d’augmenter ses ventes. Il faut savoir que le secteur automobile Français est moins compétitif que ses concurrents ». Les véhicules les moins polluants risquent d’être particulièrement touchés par la baisse des bonus. Une tendance sur laquelle table Marc Hakinian, chef de service d’un concessionnaire Renault dans le Val-de-Marne : « C’est avant tout l’argent qui motive les consommateurs, même si les préoccupations environnementales rentrent peu à peu dans les mœurs des Français ». S’agit-il de la naissance d’une sensibilité écologique ou d’un pragmatisme économique de la part de nos concitoyens? La question peut se poser. Mais une chose paraît certaine : l’État ne montre pas l’exemple à suivre.

Jonathan Bordessoule

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Les commentaires (4)

  1. Pas de conscience écologique sans changement de société. Environnement ne rime pas avec argent
    Tout le reste est foutage de gueule, ouverture de marché pour les pollueurs et bonne conscience pour les consomme à tort.

  2. Bravo à Jonathan qui a su relever efficacement LA triste réalité de notre société actuelle: pour le meilleur et surtout pour le pire, le plus important reste « le chiffre d’affaire » de l’UMP . A croire que la France est une entreprise ;)