Comment les Tueries de Toulouse Peuvent Faire Basculer la Campagne

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Comme en 2002, où le visage tuméfié de « Papy Voise » est apparu en ouverture des journaux télévisés à trois jours du premier tour, les tragédies de Toulouse et Montauban à 33 jours du premier tour, vont profondément influencer la campagne pour la présidentielle.

Éditorial

D’abord trois parachutistes, Imad Ibn Ziaten à Toulouse le 11 mars, puis Abel Ghennouf et Mohamed Legouad à Montauban le 15 mars tombent sous les balles d’un tueur casqué. Quatre jours plus tard, c’est trois enfants, Myriam Monsonego (7ans), Gabriel Sandler (4ans) , Arieh Sandler (5 ans) et leur père Jonathan Sandler qui sont abattus dans la cour de leur école. Selon l’enquête qui démarre, c’est la même arme, et donc le même homme qui a tiré.

Un défi pour la campagne

Sept morts, sept Français, dont trois enfants. Très vite, l’origine ethnique ou religieuse des victimes augmente encore notre indignation : quatre juifs, trois noms d’origine maghrébine. Tout porte à croire qu’il s’agit d’une série de crimes racistes et antisémites, un des cancer de notre société. C’est dès lors un défi pour la démocratie, mais aussi pour la campagne en cours et pour les 10 candidats en lice.

Instantanément, la campagne présidentielle s’est figée. « Je suspends ma campagne » déclare le président Sarkozy. François Hollande en appelle à « l’unité de la République » et annule ses meetings et déplacements. A la télévision, le débat entre Marine Le Pen, Eva Joly et Arnaud Montebourg est reporté.

Retour du thème de l’insécurité

Que va-t-il se passer maintenant ? Pour l’instant, les candidats ont eu les mots justes pour faire face à cette « tragédie nationale ». Mais derrière les indignations et les minutes de silence, les équipes des candidats brainstorment pour adapter les stratégies. Dans un premier temps, le ton de la campagne, particulièrement agressif et violent devrait baisser d’un cran, ce qui ne serait pas inutile. Nicolas Sarkozy, qui a mis son site Internet en berne et qui suspend sa « participation à la campagne présidentielle jusqu’à au moins mercredi »  devrait y retrouver plus de dignité et bénéficier d’une prime au Chef de l’Etat. De plus, le thème de la crise, omniprésent jusque là, va céder la place à la sécurité, un thème souvent réactivé par la droite en fin de campagne. En février 2002, Jean-Marie Le Pen nous déclarait qu’une « bonne émeute en banlieue » le ferait « passer au premier tour ». Il n’aura pas son émeute souhaitée, mais à trois jours du 21 avril, les images de « Papy Voise », un vieil homme au visage tuméfié, cloué sur son lit d’hôpital suite à une agression, lui assureront un coup de pouce final qui participera à l’élimination de Lionel Jospin de la course à L’Elysée.

Images: Henry Marquis et François Godard

Vigipirate écarlate

Pour l’heure, la région de Toulouse, comme la campagne passe en mode « vigipirate écarlate », une première en France depuis la guerre du Golfe en 2001. Tous les regards sont maintenant tournés vers l’enquête de police. Passé les premiers jours d’émotion, la tentation d’exploiter politiquement ce fait divers horrible, se fera de plus en plus pressante. Les 130 inspecteurs dépêchés à Toulouse ont donc une pression maximum sur leurs épaules. Chacune de leur déclaration, chaque fuite dans la presse sera l’objet de récupération d’une des écuries présidentielles.

Attaque islamiste ou néo-nazi ?

Le super-flic Claude Guéant a déjà qualifié d’ « attentat » la série de crimes, mais il se refuse à choisir entre la piste de « l’extrême droite » ou de « l’islamisme violent ».  S’il ne fait aucun doute que l’assassin est un fou qu’il faut vite retrouver et enfermer, les motivations de ses crimes seront déterminantes pour la suite de la campagne. Si le tueur s’avère avoir agi au nom d’un certain Islam radical, les défenseurs d’une « civilisation supérieure » ou d’une France d’origine chrétienne « menacée par l’invasion » de la viande Hallal et d’étrangers « trop nombreux », se verront confortés dans leur stratégie de division ou de haine. Si au contraire, il s’agissait d’un activiste néo-nazi inspiré par Anders Behring Breivik, qui a massacré 77 jeunes militants en juillet 2011 en Norvège, les Cassandres en seraient pour leur frais, et les amalgames en cours entre idéologies sectaires et communautés ne pourraient être exploités à des fins électorales.

Espérons que Police et Justice pourront travailler en toute indépendance sur cette terrible affaire de Toulouse.

John Paul Lepers

 

Dessin: Mikaïa

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Les commentaires (3)

  1. Nombres d’électeurs sans mémoires
    préfèrent un Elysée sans Histoire,
    certains voudront répéter l’erreur
    du parti du bien unitaire en boucle,
    ceinturés fermés armés de peurs
    bien partis pour s’unir à nous taire,
    assaisonnant de médias et d’horreurs
    les idées-salades à ruminer pour qu’on la boucle,
    mais le je pense de moins en moins comme nous
    sans coup d’éclat sans coûts d’état
    les pions sortent du je imposé
    un coup de jeune tout à coup
    désire
    juste un temps de paix
    la manifestation du vrai
    un coup de je-nous dans les urnes ?
    Merci à Toi : Journaliste
    pour l’écoute, l’analyse, les questionnements.
    Continue parmi les contines
    de visiter la forêt des -ismes et des -istes
    cachée par l’arbre de l’évènement…

  2. Le racisme élévé en priorité d’Etat s’outille toujours pour empêcher les citoyens de le contester. Ainsi après UMP Gaudin de Marseille qui tente d’empêcher la tenue du Meeting du Front de Gauche , à Léguevin ( près de Toulouse ). Un militant du Front de Gauche verbalisé pour avoir tracté sur le marché
    Une quinzaine de militants et sympathisants du Front de gauche étaient présents ce dimanche sur le marché de Léguevin, pour diffuser l’information d’un grand meeting avec Jean-Luc Mélenchon, le 5 avril place du Capitole.

    « Le maire (UMP) de la commune, Stéphane Mirc, a fait appel à la police municipale puis à la gendarmerie de Léguevin, pour nous en empêcher. Nous avons même eu le droit à une patrouille de la gendarmerie mobile » dénoncent les militants.

    « Un jeune militant a été verbalisé par les gendarmes, en vertu d’un arrêté municipal de 2011 interdisant la diffusion de « tout imprimé » dans l’enceinte du marché.

    Le Conseil municipal de Léguevin peut considérer l’information politique et l’éducation populaire comme nuisibles pour ses administrés, mais voter un arrêté allant dans ce sens est un acte fort juridiquement et symboliquement » font remarquer les contrevenants.

    Le militant du Front de gauche contestera le procès-verbal et saisira dans les prochains jours le Tribunal administratif pour demander l’annulation de cet arrêté liberticide. « La liberté d’expression est protégée par la Constitution de la République française, et ce n’est pas un petit arrêté municipal d’un petit maire de droite qui y contreviendra. » concluent les membres du parti de Jean-Luc Mélenchon.

  3. Trop de zones d’ombres. Evènement maîtrisé. Communication maîtrisée. Coupable idéal. Jugement en direct par Guéant puis par le président. On a jamais vu ça.

    Il faudrait que les familles de militaires et de l’école porte plainte contre X, rapidement. Très rapidement.
    Si la vidéo est postée sur le net, on peut reconnaître la voix de Merah, si enregistrement de la voix il y a.
    Si pas de diffusion de la vidéo ou pas de voix dessus : impossible de savoir.
    GIGN mis de côté. Armée mise de côté. Police sur tous les points alors qu’attaque nette sur deux symboles républicains ( armée, école ), soit acte de guerre si petit soit-il.

    32 heures d’opération en Live. Quartier bouclé. Allées et venues de voitures banalisées, hommes masqués.

    Légitime défense selon le RAID. Balles réelles pour une opération de récupération de suspect.

    Alors le  » Espérons que Police et Justice pourront travailler en toute indépendance sur cette terrible affaire de Toulouse. » utilisé en fin d’article me semble un peu optimiste.

    Respectueusement.

    Aucun journaliste ne fait son boulot dans ce pays.