Premier Article de N’Fanteh dans Le Monde !

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N’Fanteh Minteh, reporter-citoyenne de Créteil, vient de publier son premier reportage dans le journal Le Monde. À LaTéléLibre, nous sommes très heureux de saluer la réussite de ses efforts.

 

Après 3 années de formation continue avec Reporter-Citoyen et 6 mois de stage intensif à LaTéléLibre, N’Fanteh a réussi à intégrer la classe préparatoire pour l’ESJ Lille, une des meilleures écoles de journalisme en France. Elle a également été sélectionnée pour faire partie de la première promotion du Monde Académie. C’est l’article publié aujourd’hui sur le contrôle au facies qui a attiré le jury. Bravo N’Fanteh, continue!

Kamel Mokaddem, 35 ans, « contrôlé plus d’une centaine de fois »

LE MONDE | 

Par N’Fanteh Minteh [Monde Académie]

A 35 ans, Kamel Mokaddem n’est plus en mesure de pouvoir indiquer exactement le nombre de contrôles dont il a fait l’objet. « Plus d’une centaine, sans déconner », finit-il par déclarer. En revanche, le pire qu’il ait vécu reste gravé dans sa mémoire. « Je devais avoir à peu près 20 ans, et je raccompagnais des amis qui habitaient Argenteuil vers 1heure du matin. Quand soudain une voiture nous coupe la route. Trois inspecteurs en civil sortent et nous braquent. »

Kamel Mokaddem s’est fait contrôler de si nombreuses fois, que c’est un peu devenu la routine. Ses expériences lui ont appris à distinguer deux types de contrôle: les « courtois » et les « rentre-dedans », le juste milieu existe rarement.

Le jeune homme est un Cristolien (un habitant de Créteil) dans l’âme. Ses tours du quartier du Palais, il les connaît depuis ses tout premiers pas. Adolescent, il a fait les 400 coups avec ses « potes » dans la galerie marchande, un de ces lieux stratégiques des quartiers qui semblent ne jamais désemplir. C’est là qu’avec ses amis, ils discutaient, débattaient et même parfois se fâchaient en refaisant le monde. L’ennui: c’est qu’ils restaient debout, quasi statiques, dans la rue pendant des heures, ce qui faisait d’eux les prétendants idéals au contrôle d’identité.

« TU N’AS PAS UNE TÊTE DE FRANÇAIS »

« Un jour, pendant un contrôle, mon attitude du mec décontracté qui n’a rien à se reprocher agaçait un des plus gradés… Il me demande de quelle origine je suis. Je lui réponds que je suis français. Il insiste. Je finis par lui dire que je suis d’origine algérienne. Il me rabaisse en me disant: « Ouais parce que tu n’as pas une tête de Français… » Je lui réponds alors: « Pourtant, on est français chez moi depuis mon arrière-grand-père ». »

Cette scène, parmi d’autres qu’il n’a pas oubliées, lui laisse penser que ces contrôles se font souvent sur des préjugés racistes. Car lorsqu’il lui est arrivé d’être contrôlé avec des copains « blancs », son contrôle à lui se révélait beaucoup plus fouillé: palpations, fouille au corps, appel au central pour vérifier son identité.« Il ne faut pas se voiler la face: c’est dans les quartiers où une bonne partie de la population est issue de l’immigration que ce problème du contrôle d’identité se pose. » Désormais père de deux enfants, Kamel Mokaddem prend du recul. « Pour nous, qui sommes de jeunes Français, le plus dur est de dépasser ce sentiment de doute de notre appartenance à la République qu’on ressent dans ces cas-là. »Un sentiment plus présent chez les garçons, car les filles, elles, sont plus épargnées par les contrôles.

« Mais le pire, c’est le regard de tes voisins qui te voient te faire contrôler. Ils ont l’impression que tu as commis un délit très grave. » Etre catalogué délinquant alors qu’on n’a rien fait est dur à supporter. Kamel Mokaddem se souvient de la culpabilité qu’il ressentait chaque fois. Si sa mère était plus indulgente; pour son père, le fait qu’il ait été quelques fois placé en garde à vue était une « honte pour toute la famille ». La réputation de sa famille se dégradait et la confiance de son père s’érodait.

Se sentir jugé par la société, jugé par l’institution qu’est la police, cela ne fait, selon lui, que dégrader encore la relation des jeunes avec les forces de l’ordre. « Depuis trop d’années le dialogue est rompu et la confiance brisée… », regrette-t-il. L’idée d’un récépissé ne l’a convaincu qu’à moitié: « Ça pouvait permettre que le contrôle aille dans les deux sens. On pouvait éviter certains excès de zèle. Après, ça pouvait aussi se retourner contre nous avec le début d’un prétendu trafic de faux reçus, cela aurait été un cercle vicieux. » Kamel Mokaddem se rappelle d’une période plus apaisée. Lorsqu’une police de proximité préventive faisait l’intermédiaire entre les jeunes et la BAC (brigade anticriminalité) notamment. « Ils allaient à notre rencontre, ils étaient vus et connus et savaient qui était qui, il y avait moins de méfiance des deux côtés. » Des dispositifs qui ont depuis disparu des quartiers et, selon lui, qui manquent.

Devenu gardien d’immeuble, il mise tout sur la proximité. « Je suis confronté aux mêmes problématiques que j’ai vécues dans ma jeunesse. Des jeunes squattent des halls d’immeuble et ne respectent pas les locaux. Je leur explique que ce qu’ils font ne joue pas en leur faveur, en faveur de l’image qu’ils créent d’eux auprès de leurs proches. Ils m’écoutent car je ne suis pas si différent d’eux, sauf que mes expériences m’ont désormais rendu plus sage. »

N’Fanteh Minteh [Monde Académie]

 

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