Manif Lycéenne : une Jeunesse Mobilisée pour Leonarda

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Entre 2000 et 3000 lycéens parisiens se sont mobilisés en solidarité avec Leonarda, jeune rom du Kosovo interpellée lors d’une sortie scolaire et expulsée vers son pays d’origine. Bien que ne nouveaux éléments dans cette affaire auront démontré d’un certain emballement médiatico-politique ayant quelque peu négligé le lourd passif du père de Leonarda, la jeunesse lycéenne ainsi que des syndicats n’en démordent pas et réclament l’arrêt immédiat des expulsions de jeunes scolarisés. Et cela malgré la déclaration de François Hollande autorisant le retour de Léonarda sur le territoire.

Vendredi 18 octobre 2013, il est 13h, l’heure à laquelle le cortège lycéen devait partir de la Place de la Bastille en direction de la Place de la Nation. Mais il est parti en avance : identifiant des « casseurs » présents sur les lieux, les organisateurs ne veulent surtout pas que la mobilisation ne finisse comme les manifs lycéennes de 2005.

Sur place, des jeunes et des moins jeunes, casquettes se mélangeant aux cheveux grisonnant. Ce contraste là était bien absent lors des manifestations contre la réforme des retraites en septembre : peu de jeunes se sentent concernés par une retraite bien éloignée alors que le chômage fait les yeux doux à toute leur génération. Surement l’envie de vivre et d’agir « ici et maintenant ».

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C’est le cas pour Margot et Clémentine, 16 ans toutes les deux et au lycée Turgot. Malgré l’insouciance de leur âge, elles parlent d’un avenir brisé, celui de Léonarda, et d’une envie « changer les choses ». Naïves ? Peut-être. Idéalistes ? Surement. C’est la conscience d’une jeunesse qui, à vif, s’exprime. Qui n’a pas été adolescent et révolté ? Les mots sont encore maladroits, certes. Mais la parole semble juste.

Margot et Clémentine

Margot et Clémentine – ©Jonathan Halimi

Il existe plusieurs dizaines de jeunes scolarisés sans papiers à Paris. Tous les jours, c’est la peur au ventre qui les saisit à l’idée de se voir contrôler par la Police. Brahim a 18 ans. Il est en Terminale S et réside en France depuis deux ans. Il manifeste sa solidarité envers Leonarda, car il pourrait vivre la même expulsion.

Brahim, manifestant -  ©Jonathan Halimi

Brahim, manifestant – ©Jonathan Halimi

La présence de syndicats lycéens, étudiants et professionnels est aussi remarquée. Mais aussi de militants politiques, comme Nordine Idir, secrétaire général de la Jeunesse Communiste. La question pour eux est de connaitre la direction que va prendre le mouvement, quand on sait que ce genre d’expulsion pourrait encore arriver dans le futur. Mais il est aussi question de la forme donnée au mouvement, à savoir le « blocage » des lycées, critiqué par Vincent Peillon, Ministre de l’éducation.

Nordine Idir -  ©Jonathan Halimi

Nordine Idir – ©Jonathan Halimi

Arrivée à la Place de la Nation. L’ambiance est à l’image des lycéens : mouvementée. Devant les caméras et les appareils photos, une centaine de lycéens s’agite ; ils crient tous ensemble qu’ils ne se laisseront pas faire. L’effet de groupe, diront les plus critiques. L’affirmation d’une génération pour d’autres.

Un peu à l’écart, Clémentine Autain, candidate Front de Gauche pour les municipales à Sevran. Entourée de journalistes, elle dénonce l’expulsion de Léonarda comme une application de la double peine, et affirme qu’un ministre de l’intérieur, qui plus est socialiste, affirmant que les « roms ne souhaitent pas s’integrer pour des raisons culturelles », ne peut être considéré de gauche. Sévère, l’alliée de Jean-Luc Mélenchon demande tout simplement la démission du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls.

Mais visiblement, sa présence comme celle d’autres responsables ne plait pas à certains lycéens qui se plaignent d’une « récupération politique », en vue des élections municipales. L’organisation du mouvement par les syndicats FIDL et UNL est en effet contestée par des lycéens et certains militants se disant « autonomes », craignant pour leur indépendance d’action. Il est commun de voir ce genre de contestations lors de mouvements qui paraissent spontanés à première vue, comme lors des événements du CPE qui avaient rassemblé plus de 3 millions de manifestants. Des organisations d’extrême-gauche avaient à l’époque reproché aux organisateurs, dont l’UNEF, d’avoir « verrouillé » le mouvement.

Alors qu’en est il de la suite ? Face à une opinion publique qui s’oppose à plus de 65% au retour de Leonarda, et à la déclaration du Président Hollande qui autorise son retour sur le territoire, le mouvement est confronté à un dilemme, mais il peut décider de continuer à se mobiliser, malgré une opinion défavorable, alimentée entre autres par les révélations concernant la famille de Leonarda voulant démontrer un certain emballement médiatique. De nombreux sondages d’opinions ont basculé lors de mobilisations croissantes. Ce fut le cas pour le CPE. Ce fut presque le cas avec « la manif pour tous ».

Seulement, l’époque est à la crise économique et à un phénomène croissant appelé « la lepenisation des esprits ». Dans ce contexte, il semble plus difficile pour des français en proie au chômage ou au matraquage fiscal d’accorder quelques minutes de compassion à une famille expulsée.

La jeunesse peut elle être cet aiguillon de notre conscience française, là où des moins jeunes semblent quelque peu oublieux de certains principes républicains ? C’est en tous cas ce que dit en substance Julien, membre du bureau national de l’UNEF : une jeunesse qui ne veut plus servir de caution aux politiques.

Julien, militant UNEF -  ©Jonathan Halimi

Julien, militant UNEF – ©Jonathan Halimi

Reportage : Jonathan Halimi

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