La Transparence selon Valls

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Suite à l’affaire Cahuzac, les parlementaires et les membres du gouvernement sont tenus, plus que jamais, de déclarer leur patrimoine. Une mesure de transparence de la vie publique pas facile à adopter pour tout le monde. Heureusement, le premier d’entre eux montre la voie et l’exemple…

C’est un fait acquis depuis quelques mois, les déclarations de patrimoine de nos représentants sont donc consultables. Et les citoyens français de rejoindre maintenant le niveau démocratique adopté dans les pays nordiques si exemplaires ? Rien n’est moins sûr en fait. Les obstacles et stratagèmes mis en place sont encore nombreux pour teinter encore un peu les vitrines des finances de ceux qui font la vie publique.

La loi sur la transparence de la vie publique

Cette obligation de transparence de patrimoine promulguée par une loi votée en 2013 fait suite à l’affaire Cahuzac (version revue et corrigée de la loi de 1988).

Y est prévue une série de mesures sur la transparence dans la vie publique dont les principales sont,  pour mémoire :

–   l’obligation pour un certain nombre d’élus, de collaborateurs d’élus, dans certains cas, de leurs conjoints, de fournir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale

–   la mise à disposition des électeurs des déclarations de situation patrimoniale des parlementaires et membres du gouvernement

–   la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante, la Haute Autorité de la Transparence de la Vie Publique (HATVP), chargée notamment de recevoir et contrôler les déclarations d’intérêts et de patrimoine, dont les pouvoirs et les moyens sont élargis par rapport à la commission pour la transparence financière de la vie politique qu’elle remplace.

Or, si les déclarations des élus sont mises à disposition et rendues accessibles, la publicité d’une partie de ces déclarations est toute particulière. Les déclarations d’intérêts, publiques pourtant et consultables en préfecture, ne peuvent en effet pas faire l’objet de publications sous peine d’amende !

Tout est rassemblé sur le site dédié www.hatvp.fr.

Les consultations nominatives y sont accessibles directement.

Les déclarations des parlementaires

Acquise, la loi permet donc de connaître les professions exercées par les parlementaires, leurs rémunérations, leur participation à des organismes publics ou privés mais aussi leurs fonctions bénévoles ainsi que les activités de leurs conjoints et le nom de leurs collaborateurs.

Mais ne donne malheureusement pas obligation de renseigner les déclarations numériquement. Un manquement dont chacun s’est tenu de profiter : toutes les déclarations des 925 parlementaires (députés et sénateurs) ont été remplies par les intéressés manuellement, et pas toujours de façon très lisible. Des données sous forme manuscrite aussitôt scannées et publiées en pdf par la HATVP… Génial !

Le site Regards Citoyens, aidé de 8000 citoyens via une plateforme collaborative, s’est à nouveau employé à combler ce défaut pas superflu. Activités annexes, rémunérations extérieures, autres mandats, noms et activités des collaborateurs… Un résultat à la hauteur des attentes qui permet de croiser les données, les réutiliser à des fins statistiques, de vérifications et/ou de les exploiter. Et de lever quelques lièvres !

Depuis, certains parlementaires doivent répondre d’ailleurs de quelques erreurs d’inattention (Carrez, Degauchy, Marini…).

Les déclarations des ministres et sous-ministres

Les 32 ministres et secrétaires d’État membres du gouvernement ont aussi tenu à remplir manuellement leurs déclarations. Ils y indiquent la superficie et le prix des logements dont ils sont propriétaires, ainsi que les comptes, livrets ou assurances vie qu’ils détiennent, avec les montants au centime près, ainsi que les prêts qu’ils ont éventuellement contractés.

Tout est rassemblé dans un tableau instructif. On y apprend par exemple que Ségolène Royal possède un appartement de 120m² dans les Hauts-de-Seine ou encore que la valeur de l’ensemble des biens mobiliers de Michel Sapin frôle les deux millions d’euros. Certains ont dû assumer publiquement leur train de vie élogieux (Fabius pour ne citer que lui) tandis que d’autres ont dû revoir leur déclaration mal estimée (LeGuen).

Le cas Valls

Tout n’est malheureusement pas encore disponible sur le site et actualisé. Pas aisé de copié-collé des pdf…

http://www.hatvp.fr/page-nominative/?urldeclaration=valls-manuel.html

Mais nous savons, au regard de son ancienne déclaration en tant que ministre de l’intérieur, que l’ancien maire d’Évry dispose d’un compte chez BNP Paribas, ainsi qu’un compte épargne et un PEL. Et déclare posséder deux appartements : un dans l’Essonne de 88m², un autre de 44m² à Paris (XIè arrondissement, quartier de la Bastille) acheté 315.000 euros et acquis en 2010 via une SCI.

SCI nommée « Homère » (sic), dont il détient 1% des parts, son épouse, la violoniste Anne Gravoin possédant les 99% restants. Avec les 240 euros d’assurance-vie, quelques dettes d’emprunts et les 1500 euros sur ses comptes courants, Valls frise un patrimoine total qui ne dépasse pas les 290 000 euros.

Mais contrairement à ce que cette information pourrait laisser penser, le Premier ministre et sa famille ne vivent pas pour autant dans un 44m², le reste des biens ayant été acquis uniquement par son épouse, Anne Gravoin.

Comme l’indique Charlie Hebdo,

« À lire le règlement de copropriété de l’immeuble, les 16 lots de copropriété réunis — dont 14 appartiennent en nom propre à Anne Gravoin, qui a épousé Valls sous le régime de la séparation de biens — permettent de regrouper pas moins de 7 pièces de séjour, 4 chambres, 5 salles d’eau ou salles de bains, ainsi que 5 cuisines et 2 terrasses »

Soit environ 200 à 250 m2 selon le descriptif des lots au cadastre.

Le loup se situe dans cette Société Civile Immobilière d’une valeur de 2 millions d’euros, abritant un appartement de 11 pièces avec 4 chambres, 5 salles d’eau, 7 pièces de séjour, 5 cuisines et 2 terrasses, faut-il le rappeler…

L’astuce réside dans ce que Valls n’est actionnaire de cet appartement de 250 m2 qu’à hauteur de 1% de cette SCI. Les deux conjoints ont opté pour la séparation de biens, pas de moyenne arithmétique à opérer sur cette opération. D’un point de vue strictement légal, sa déclaration de patrimoine est donc parfaitement honnête.

Mais ces petites acrobaties fiscales sont pour le moins malvenues pour quelqu’un qui ambitionne le poste suprême. A moins que cela ne soit gage de qualité justement, au vue des pédigrées antérieurs ?…

Pourtant, si un divorce était prononcé entre le couple, sous le régime de la séparation de biens, obligation serait faite de rechercher l’origine des fonds ayant servi à l’acquisition des biens. Et donc de vérifier les remboursements de mensualités de l’emprunt de la SCI et les origines de l’apport initial ? Les ratios ont-ils été respectés selon les parts de chacun ?

Pas grand-chose à redire pour la Haute Autorité, puisqu’elle n’est tenue que de contrôler le « patrimoine personnel » des ministres, pas « leurs conditions de vie ». Et la loi a clairement tenu à exclure les biens des conjoints. Ce qui laisse justement possibilité à ce genre de stratagème.

Si le Premier ministre respecte donc la loi à la lettre dans sa déclaration de patrimoine, nous pouvons déjà déplorer que le texte de loi, si restrictif porte déjà ombrage à la transparence recherchée.

Lurinas

Sources

http://www.charliehebdo.fr

http://www.regardscitoyens.org

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Les commentaires (1)

  1. Bonjour, on vit dans un monde d’abrutis… Il y a les hommes publics escrocs qui faut discréditer et mettre au rebus, et il y a les autres (la grande majorité) qui sont des gens « normaux » et dans ce cas, qu’en a-t-on à faire qu’ils possèdent une maison dans le morvan ou une parcelle de bois en Auvergne… ;-)