« Alabama Monroe » : l’Aventure Continue

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Un film retentissant, et maintenant un groupe dont les dates de concert se jouent à guichets fermés : le phénomène « Alabama Monroe » n’en finit pas de perdurer. Pour assister à la performance du band programmée à la Cigale, LaTéléLibre avait promptement réservé son strapontin. Et prévu d’accrocher son cœur émotif aux rambardes !

Tiré d’une pièce de théâtre au succès triomphal en Belgique flamande et aux Pays-Bas, le film indépendant belgo-néerlandais The Broken Circle Breakdown a bouleversé tous les spectateurs qui ont eu le fin nez d’aller le visionner sur la grande toile. Si la France a choisi de se démarquer du titre international, le contenu d’Alabama Monroe n’en reste pas moins identique en intensité, et les avis élogieux conservent leur unanimité sur le fond et la forme de ce film dramatique.

Cette aventure depuis quelques mois trouve sa pleine prolongation dans la tournée d’un groupe musical issu de l’équipe du film.

Alabama Monroe

Encensé par la critique cinématographique (mais toute règle unanime souffre son exception), le dernier long métrage réalisé par Felix Van Groeningen, sorti dès 2012, a rencontré un énorme succès public en Belgique et en France notamment, avec un bouche à oreille très efficace.

« Un film qui, par son alchimie unique de thèmes et d’airs, pourrait bien devenir un classique » (Le Canard Enchaîné lui-même sonnait trompettes, c’est dire !)

Y est contée l’histoire d’amour passionné de Didier (Johan Heldenbergh, co-auteur) et Élise (Veerle Baetens). Lui joue du banjo dans un groupe de Bluegrass. Elle tient un salon de tatouage et, entichée, devient chanteuse dans le groupe de Didier. Leur rencontre fusionnelle donnera naissance à leur fille Maybelle, qu’un cancer va atteindre…

Si vous ne l’avez pas encore vu (mais qu’avez-vous fait avec votre carte ciné depuis !?) et aimez recevoir des claques émotionnelles, ce film est fait pour vous. Ce mélo douloureux nous rend funambules et lance une ode à la vie.

Il mêle de nombreuses séquences musicales de Bluegrass et une intensité dramatique percutante faite de bonheur et de tristesse. Une dimension qui prend aux tripes.

La valeur ajoutée d’Alabama Monroe réside bien évidemment dans l’interprétation vive et juste proposée par les acteurs principaux, criants de vérité. Mais tout autant est-elle redevable de la musique, présente tout au long des scènes. Car si certains voient dans cette réalisation le pendant belge du film français La guerre est déclarée, c’est faire à tort abstraction de la version bluegrassée toute personnelle qui nous est proposée. Parce que la musique tient, on vous le confirme, le rôle majeur d’un personnage à part entière.

Oui, la musique joue parfois mal-mesure en accentuant artificiellement les émotions. Pourtant, ici, les airs ondoyants de Bluegrass sont en total synergie avec les acteurs de chair et d’os. Ils y sont directement narratifs voire elliptiques. C’est savamment dosé. Ce qui donne une bande-son ajustée, et recherchée depuis la sortie du film.

Touche finale à la méticulosité apportée sur la réalisation : ce sont les acteurs eux-mêmes qui interprètent une grande partie des morceaux qui rythment le film (Johan Heldenberg, alias Didier, a ainsi appris à jouer du banjo, de la guitare et de la mandoline).

The Broken Circle Breakdown Bluegrass Band

Alabama Monroe a remporté en 2014 le César du meilleur film étranger et a été nommé dans de nombreux festivals (les Oscars notamment). L’éloge général et la reconnaissance internationale n’y suffisant pas, l’équipe du film a décidé de prolonger l’aventure en créant le groupe ‘The Broken Circle Breakdown Bluegrass Band’ (avec les protagonistes du film eux-mêmes bien entendu), dont le succès ne se dément pas à chacune de ses tournées.

Ou comment opérer un virage réussi du cinéma à la musique live.

Les dates sont rares. Les interviouves des protagonistes et iceux très attendus, tant l’aventure captive, les émotions fortes du film encore prégnantes.

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20150405_Alabama Monroe (58)Veerle Baetens, Bjorn Eriksson et Johan Heldenbergh en interviouves

Il en ressort que le succès dépasse les espérances du groupe et sa constitution naïve, alors que tous pensaient l’expérience éphémère. Si les mois ont maintenant confirmé l’élan populaire coagulé autour de cette épopée, le groupe n’en est pas moins fragile, en raison des carrières hétéroclites exigeantes de ses différents membres.

« Raconter une petite histoire humaine en 3 minutes, c’est fort ! »

Lors des représentations, les acteurs/chanteurs principaux ont à cœur de partager leur nouvelle passion pour le Bluegrass. Veerle Beatens elle-même avoue que ses goûts musicaux personnels la portaient vers Mickaël Jackson, que cette musique countryesque avait à ses yeux des relents de machisme, véhiculait des stéréotypes festifs autour de bourrées, de serviettes tournoyantes… De ce type de réflexes ataviques encore ancrés dans les soirées qui jalonnent les semaines des petites villes belges. Le plaisir n’en a été que plus surprenant pour elle, passée par une formation à la comédie musicale puis au chant, de découvrir cette culture musicale intense.

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Le groupe est conscient qu’il est porté par le film. Que leur immense succès peut rendre jaloux les vieux baroudeurs de la Bluegrass qui tentent vainement de la faire survivre, oubliés des principales majors qu’ils sont. Par chance, ce projet musical est dirigé par Bjorn Eriksson, rompu à ce style et devenu compositeur pour les titres du film. C’est sous son aile que le Broken Circle Breakdown Bluegrass Band arrive en nos salles françaises et loin de lui l’idée de déroger au respect de l’histoire de ce style musical.

« Le rapport public/band qui fonctionne, c’est notre côté living room »

Finalement, c’est l’honnêteté et la sincérité de groupe entier qui transpirent sur scène et qui finissent de nous convaincre de leur juste objectif.

20150405_Alabama Monroe (8)le compositeur Bjorn Eriksson

Après le Trianon le 20 février 2015, le BCBBB (vous permettez que je vous appelle BCBBB ?) vient de se produire à la Cigale ce 5 avril. Le groupe devrait réitérer l’expérience le 12 octobre prochain, à l’Olympia s’il vous plait !

Particularités de cette tournée ? Elle s’effectue à guichets fermés. Les amateurs provinciaux pourront aussi se satisfaire d’émotion forte lors des Nuits de Fourvière (le 29 juillet 2015, à Lyon, aux côtés de Charlie Wintson) et du festival du Chant Marin (le 15 août à Paimpol).

Qui aurait imaginé pareille prolongation ?

The Broken Circle Breakdown Bluegrass Band est composé de sept membres. En dehors des acteurs qui ont pris des cours spécifiques, les autres membres du groupe sont d’authentiques virtuoses de leurs instruments.

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Bjorn Eriksson guitare, dobro, chant
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Veerle Baetens (si, si, c'est bien elle !) chant, guitare

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Johan Heldenberg chant, guitare, banjo

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Nils de Caster violon, chant

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Bert Van Bortel mandoline, guitare, chant

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Tomas de Smet basse, chant

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Karl Eriksson (père de, au fond) banjo, chant

Le concert de la Cigale

Nous ne pouvons pas dire que le Bluegrass et la Country soient vraiment des styles très populaires en France. Pourtant, le succès de la tournée musicale est sans précédent pour ce genre musical. LaTéléLibre a eu la chance d’assister à la représentation du 5 avril.

Une chance que de s’en laisser bercer et enivrer. Chez soi, nous buvons les notes de la B.O. à coups de décibels poussés par l’ampli de la chaîne, les yeux fermés. A la Cigale, les premiers accords nous transportent totalement, sans forcer. Le vide se fait soudainement dans ma tête. Autour de moi itou. JE vois le groupe jouer à mon intention, je me retrouvons seul dans cette mythique salle, instantanément évidée, comme par enchantement. Captivés que je suis par la grâce de cette musique réconfortante.

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Je me retrouve transporté parmi eux. Les accents du film sont vite oubliés et le groupe devient autonome, professionnel dans l’âme. Il ne s’agit pas d’assister à un ersatz de Bluegrass. Je goûte bel et bien à ce qui fait sa force : ce mélange d’humanité et d’acoustique.

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Ca fleure bon le talent, l’émotion et l’originalité. C’est vite éblouissant. J’y entends quelques standards de la bande-originale du film, forcément. Mais la soirée ne se limite pas à un ressassé de ces scènes mémorables : à travers des titres traditionnels de Country et de Bluegrass, le groupe se transcende et fait montre d’être habité par ce genre musical qui était en perdition et qui revit sous mes yeux, en mes oreilles.

Le septuor a le Bluegrass dans les gènes. Il se permet quelques ajustements et arrangements avec des titres comme ceux de Bruce Springsteen, Bob Dylan ou Lyle Lovett.

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Certains morceaux sont joués autour d’un micro unique, les membres du groupe gérant eux-mêmes leur mixage, dans la pure tradition Bluegrass, façon white gospel. C’est un enchainement de chansons et de morceaux musicaux comme un feu d’artifice des sens.

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Entre chaque morceau, Johan Heldenbergh cherche à contextualiser la chanson dans le film, à présenter chaque chanson dans son époque historique. Ou à s’assurer de la bonne compréhension du texte. Car l’essence même de cette musique réside dans les histoires racontées. Assuré d’un capital sympathie énorme, j’écoute ce maître de cérémonie religieusement, ce qui est un comble pour cet athée.

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Tous prennent un plaisir contagieux à jouer sur scène. L’étiquette ringarde du Bluegrass se décolle sous la chaleur dégagée par le groupe.

Et puis vient le moment du réveil. Ces applaudissements nourris. Le public surgit, autour de moi, sorti également de son hypnose.

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Ce septuor, ce sont presque 40 cordes frottées, pincées, toutes destinées à faire vibrer la nôtre, la plus sensible. Celle de l’émotion vive et vivifiante.

Cette musique nous bouleverse, nous submerge. Et le groupe de se retrouver à son tour submergé par cette vague de popularité et d’enthousiasme !

Lurinas

Site officiel

www.thebrokencirclebreakdown.be

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Albums disponibles

Second album prévu en automne 2015

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