[Hollandie] Sous mon sapin, un Linky pour la Vie

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EDF vous offre un cadeau pour la vie à la Noël. Un compteur intelligent ! Au sortir de la COP21, à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique, la généralisation de Linky dans tous les foyers est actée comme un outil au service des économies d’énergie. Ce nouvel ami technologique doit permettre une consommation électrique efficiente dans votre domicile. Mode d’emploi très complet.

Si vous n’allez pas à la domotique, c’est la domotique qui ira à vous. La fée électrique entame en effet officiellement depuis ce 1er décembre une tournée de distribution gratuite de Linky, appareil électronique capable de transmettre des informations sur votre consommation d’électricité. Soit, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, le remplacement de vos anciens compteurs bleus. Finie la rotation de la roue crantée !

Cette campagne prévoyant tout de même la mise en service de 35 millions de smart-meters (compteurs intelligents dans la novlangue british), la livraison du cadeau va s’étaler jusqu’en 2021. Soit un déploiement concernant 90% du parc installé dans les foyers français, tous les particuliers mais aussi les professionnels et les collectivités locales.

Publirédactionnel

A en croire la brochure officielle, il n’y a que des avantages à attendre de cet article équipé d’une puce électronique à radio-fréquence (RFID) : relevés des compteurs à distance (fini les rendez-vous obligeant à poser un RTT), suivi et maîtrise de la consommation au réel, relevés plus précis, visualisation sur un portail Internet (sous forme de graphique par heure, journée, semaine, mois…), propositions d’offres permettant de piloter à distance les appareils électroménagers, ouverture d’un contrat ou changement de la puissance des installations facilités.

Nul doute que Linky va conquérir les foules. Pensez donc, tant de prouesses et de promesses technologiques. Et pour les médias (pas toujours grandement critiques, pis là aussi… ah ! et dire que j’allais oublier ça et ça !), c’est tellement dans l’air du temps et si intéressant en revenus publicitaires…

Ce boitier «révolutionnaire» (forcément !), long de 20 cm et pesant 500 grammes, jaune fluo ou vert anis (je suis daltonien, veuillez m’excuser…) pourrait entraîner une baisse d’au moins 1 % de la consommation, soit un gain de pouvoir d’achat de 2 milliards d’euros, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Une première tranche d’installation de 3 millions d’unités a débuté ce 1er décembre 2015. Et personne ne peut refuser son installation, sa pose est obligatoire. Car, même si c’est pour votre bien, sachez que le compteur n’appartient pas aux clients, mais aux collectivités locales. Propriétaires des réseaux de distribution d’électricité (hors lignes à haute tension) et des compteurs électriques, elles en ont délégué l’exploitation à Électricité réseau distribution France (ERDF) sur 95 % du territoire sous forme de concessions. Par ailleurs, pour s’assurer de la bienveillance de tous, la loi contient une disposition étonnante dans son article 27 : la possibilité de sanctionner les personnes qui refuseraient le compteur électrique Linky et de ne pas se conformer à cette exigence.

Linky, c’est aussi la création prometteuse de 10 000 emplois pour sa fabrication et son installation (l’avenir nous permettra de juger de la pertinence de ces chiffres projetés…). Quant aux techniciens dévolus à l’intervention clientèle d’antan…

L’enjeu ? Ou plutôt les enjeux primordiaux ? Améliorer la surveillance de plus d’un million de kilomètres de lignes. Accélérer les diagnostics en cas de panne. Mieux gérer le réseau et les pics de consommation. Mieux adapter l’offre à la demande. Adapter la production grâce à une connaissance plus précise de la consommation d’électricité en différents points géographiques à différentes périodes de la journée. Mettre en place des réseaux intelligents (smartgrids pour les amateurs d’anglicisme) capables d’optimiser production/acheminement à large échelle. Faciliter l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique, en contribuant à gérer l’intermittence de la production d’électricité de ces sources d’énergie. Ajuster les offres tarifaires. Appréhender avec précision la consommation d’énergie à l’échelle de la France ou d’une zone géographique donnée, comme un quartier. Réduire les fraudes et autres «pertes non techniques» (erreur humaine, défaut de comptage, etc.).

Que du bien. Et comme nous vous devinons impatients de vous précipiter dans le monde amélioré que l’on vous promet, vous pouvez d’ores et déjà en savoir plus sur les dates d’installation concernées par votre commune, par là.

linky

Un projet pharaonique

Coût estimé du projet ? 5 milliards selon ERDF, la filiale d’EDF chargée du réseau de distribution basse tension. En fait, peut-être 7 voire 10 milliards, les études et estimations étant parfois contradictoires. Un projet tel que l’amortissement est programmé sur 20 ans. Le compteur Linky est gratuit, mais d’une manière ou d’une autre, ce financement sera supporté par les usagers via les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (TURPE) intégrés dans sa facture, les gains de productivité attendus n’y suffisant certainement pas (on parle d’un surcoût de 50 euros par an par foyer).

Une majoration compensée par les économies d’énergie réalisées grâce à Linky ? Rien n’est moins sûr (voir plus bas). D’autant que les chiffres estimés du coût d’investissement ne reflèteront pas du tout la réalité des frais engagés en totalité : le remplacement des appareils sera nécessaire après 15 ans pour les compteurs et 10 ans pour les concentrateurs ! Le coût estimé n’est donc valable que pour la mise en place du système. Nous continuerons à payer lorsque le temps du renouvellement arrivera à partir de 2025. L’État, EDF et ERDF comptent sur le lissage des frais qui incomberont au final aux particuliers pour faire avaler la facture.

Eu égard à la directive européenne qui invite les pays membres à installer des compteurs intelligents, il est pourtant fait mention que cela doit avoir un coût raisonnable (article 4). Ce qui ne semble pas être respecté.

Une fois les investissements d’ERDF financés par le tarif d’utilisation, cette dernière sera secondairement soumise à un système de bonus-malus intéressant : sa rémunération (7,25 %) sera bonifiée en cas de respect des délais et de la qualité des prestations. Et pénalisée tout de même dans le cas inverse.

La physiologie de mon ami Linky

Les compteurs sont paramétrés pour enregistrer au domicile de l’abonné la courbe de charge, pour une durée maximale d’un an. Premier paradoxe soulevé : alors que Linky était présenté comme un outil au service des économies d’énergie pour les particuliers, l’affichage en temps réel de la consommation dans l’espace de vie sera absent.

Les données transiteront du compteur installé chez les clients vers des concentrateurs qui centralisent les données, grâce aux câbles électriques. Soit le Courant Porteur en Ligne (CPL). Le signal se superpose au courant électrique alternatif classique. Le CPL permet au compteur de transmettre par les câbles électriques existants les données de consommation au fournisseur via des concentrateurs. Ces concentrateurs se trouvent situés dans les postes de distribution EDF (les transformateurs) et transmettent leurs données par fréquence GSM ou GPRS : ce sont donc des antennes émettrices comme celles de la téléphonie mobile. Ces données sont transmises à des centres de gestion du fournisseur d’énergie. Enfin, ce dernier peut alors relever à distance, automatiquement et en temps réel la consommation d’énergie sans recourir au déplacement d’un agent.

Une dissémination massive de concentrateurs est nécessairement prévue pour recueillir les informations clientèles. Le ratio est au minimum de 50 clients pour 1 concentrateur. Compter donc environ 740 000 concentrateurs, comme autant de nouvelles antennes relais identiques à celles de la téléphonie mobile !

ademe(source Ademe)

Des liens financiers et des liens d’intérêt

Tout ce projet trouve quelques bases historiques du côté du site de haute technologie grenoblois, où l’idée de « rendre obligatoire et gratuite la transmission des données collectées par les compteurs électriques communicants » avait une visée pratique rapidement attendue.

Selon le site Pièces et Main d’œuvre (PMO),

« dès 2009, un consortium réunissant GEG, ERDF, GDF Suez, Schneider Electric, l’Institut national polytechnique de Grenoble (INPG), répond à l’appel à projet de l’Ademe sur les smartgrids. Empochant 9,6 millions d’euros de l’Ademe (sur un budget total de 43 millions), il mène depuis 2012 la première expérimentation grandeur nature d’un réseau intelligent complet à l’échelle de plusieurs quartiers. […] Curieusement, fin 2010 l’Ademe émet des réserves quant au gain réel en économies d’énergie de Linky. Aussi sec, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) commande un rapport complémentaire à la société de services informatiques grenobloise CapGemini. Judicieux, puisque CapGemini développe justement avec succès son offre « Smart Energy Services, une gamme complète de solutions intelligentes autour des compteurs (smartmetering), des réseaux (smartgrid) et des foyers (smart home), ainsi que des outils d’analyse (smart analytics). » Après un suspens intolérable, les experts concluent favorablement, et la CRE approuve le déploiement de Linky en juin 2011. Par une heureuse coïncidence, c’est CapGemini que choisit RTE (Réseau transport d’électricité, filiale chargée du transport de l’électricité haute et très haute tension) début 2013 pour moderniser son système de pilotage de l’ensemble des équipements assurant la communication avec les câbles et circuits à très haute tension, postes électriques, transformateurs, disjoncteurs, etc. »

Il est vraisemblable que les rapports de CapGemini Consulting (en 2007 par là et en 2011 par ici) remis à la Commission de régulation de l’énergie ont influé sur son avis de 2011. Et c’est sur ces éléments que la CRE a finalement statué sur la validité de l’instauration du compteur Linky, permettant son déploiement. Le groupe CapGemini effectuant rapports d’audit et ayant des activités liées à l’informatique, à la conception de logiciels et de toutes infrastructures associées dans l’univers industriel, le conflit d’intérêt peut être interrogé.

« Piloté et financé par l’ADEME, le projet [SO GRID, réseau intelligent expérimenté à Toulouse] regroupe un consortium de 10 partenaires dont ERDF et STMicroelectronics,des industriels (Nexans, Sagemcom,Landis+Gyr, Capgemini), des PME innovantes (Trialog, LAN) et des partenaires académiques, dont Grenoble INP (en lien avec des équipes toulousaines du Laas-CNRS) et l’École polytechnique », extrait du Mag de l’Ademe

Le tout dans un joyeux mélange des intérêts de chacun au sein des conseils d’administration des autres…

Notons pour compléter le tableau que la généralisation des compteurs intelligents avait été instaurée par l’arrêté du 4 janvier 2012 sans débat parlementaire, avec l’appui du rapport de la CRE. Et mieux, avant même que la loi instaurant spécifiquement les compteurs Linky ne soit votée, un appel d’offres était déjà été lancé en 2013.

Six entreprises sont concernées par ce marché fructueux. L’industriel américain Itron sera le fournisseur principal de compteurs Linky pour la première phase de ce programme. Il fournira de 1,2 million à 1,6 million des compteurs communicants. De son côté, Sagemcom fournira plus de 1,2 million de compteurs et concentrateurs de données. De son côté, Landis+Gyr (conglomérat japonais Toshiba) fournira un million de compteurs et 28.000 concentrateurs, pour 60 millions d’euros. Les trois autres sociétés sélectionnées par la filiale d’EDF au terme d’un appel d’offres européen lancé en 2013, d’un montant total d’environ 250 millions d’euros, sont le français Maec, l’allemand Elster et l’espagnol Ziv.
Des marchés de pose, avec 30 à 40 entreprises (Solutions 30, OTI, LS Services…) doivent aussi être passés.

montage

(source electrosensible.info)

Le marché français, plus largement européen, est d’intérêt financier grandissime compte tenu des obligations d’équipements nouvellement actées. Des retombées économiques que les grands groupes concernés se refusent à laisser passer…

Retour d’expériences

Si Linky a été expérimenté dans les régions de Tours et de Lyon, deux zones tests, l’une urbaine, l’autre rurale, entre mars 2009 et mars 2011, le projet est bien plus important géographiquement pour prétendre attirer les convoitises de grands groupes.

Car la promotion originelle vient d’en haut. Convaincue qu’avec cette technologie « certains consommateurs pourraient réduire leur consommation d’énergie de 10 % », la Commission européenne a invité les États membres à adopter au plus tard fin 2012 « un calendrier de déploiement des compteurs intelligents dans les ménages européens ». Dans une directive adoptée en juillet 2009, le Parlement prévoyait «qu’au moins 80 % des clients seront équipés de systèmes communicants de mesure d’ici à 2020 ». Un enjeu financier conséquent pour toute la chaine concernée, au premier rang desquels les industriels européens des compteurs intelligents (oui, oui, ils ont même créé leur groupe de lobbying pour l’occasion)…

L’Italie, pilote en Europe dans le domaine, a déjà équipé 85% de ses foyers.

En Allemagne aussi, le compteur intelligent était en passe d’une généralisation. Généralisation freinée finalement suite à la publication du rapport critique d’Ernst & Young qui a estimé que l’installation n’était pas avantageuse pour le consommateur allemand (cette étude allemande démontre que les coûts mis en œuvre par le déploiement des compteurs intelligents dépassaient nettement les économies réalisées par les consommateurs). Et du Québec à la Californie, en passant par les Pays-Bas et le Grande Bretagne, la contestation de grandir.

On se demande bien pourquoi ? Puisque les bénéfices sont supposés être envisagés à toutes les échelles.

Les liens critiques

Passons sur le fait que les données de consommation ne seront accessibles qu’en kilowattheures, ce qui n’est guère parlant. La loi de transition énergétique ne prévoyant que pour les seuls ménages précaires un affichage en temps réel et en euros (article 28).

Ces compteurs sont-ils dangereux pour la santé ou pour notre vie privée ? Permettent-ils vraiment aux consommateurs de faire des économies ?

  • Champs électro-magnétiques

Parmi les sceptiques, il y a bien sûr les personnes dites électro-sensibles. Car la technologie CPL, qui superpose au courant électrique alternatif un signal à plus haute fréquence, n’est pas exempte de risques sanitaires, les câbles électriques actuels devant être utilisés n’étant pas aux normes CPL, c’est-à-dire blindés. Si les études pour l’instant ne plaident pas totalement et clairement en leur faveur, malgré les recommandations alertes de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), cela n’empêche pas de continuer à s’interroger sur la nocivité probable de ce type d’ondes (d’autant que les ondes électromagnétiques ont été classées par l’Organisation mondiale de la santé dans la catégorie 2B en 2011, c’est-à-dire « des agents cancérigènes possibles pour l’homme »).

Des associations comme Robin des toits et Next-Up de s’inquiéter alors des effets potentiellement nocifs sur la santé en raison des ondes émises par les nouveaux compteurs électriques.

  • Big data

Le nerf de la guerre semble se situer aussi dans le domaine des données personnelles. Ces data si convoitées. Qui dit bases de données et informatique dit CNIL. Certes, le déploiement pour test avait déjà commencé avant que la Commission nationale de l’informatique et des libertés n’ait donné son accord (ce n’est pas la première fois qu’elle est moquée de la sorte). Mais sollicitée tardivement par la Commission de régulation de l’énergie, la CNIL a finalement avalisé ce lancement, tout en demandant à ERDF de veiller au respect de la vie privée des abonnés. Vœu pieux ?

En tant réel, Linky opère en effet des relevés à intervalles réguliers chez l’abonné. Plus l’intervalle entre les mesures est réduit, plus les informations sont précises. Il devient alors possible de savoir si vous êtes chez vous, si vous prenez une douche, si vous vous couchez, l’horaire de réveil des occupants d’une habitation, distinguer l’utilisation du grille-pain, etc. Donc en détail connaître les habitudes quotidiennes de votre foyer, les modes de vie des consommateurs. C’est la CNIL elle-même qui le dit !

Fin 2012, la Cnil a par ailleurs formulé une série de recommandations et édité un pack de conformité qui devraient toutes être suivies par ERDF, telles la confidentialité et la traçabilité des données, la limitation du temps de collecte (la CNIL a demandé à ce que les relevés de consommation se fassent au maximum toutes les dix minutes).

C’était bien le moins à entreprendre puisque le Contrôleur européen de la protection des données lui-même disait en 2012 sur l’introduction des systèmes intelligents de mesure :

« Alors que le déploiement à l’échelle européenne des systèmes de compteurs intelligents peut apporter des avantages significatifs, il permettra également la collecte massive de données à caractère personnel pour suivre ce que les membres d’un ménage font dans l’intimité de leurs maisons, s’ils sont en vacances ou au travail, comment ils utilisent leur temps libre. […] Ces modèles peuvent être utiles pour l’analyse de la consommation à des fins d’économies d’énergie, mais en corrélation avec des données provenant d’autres sources, le potentiel d’une large exploration de données est très important. Les modèles et profils peuvent être utilisés à de nombreuses autres fins, y compris le marketing, la publicité et la discrimination de prix par des tiers »

Enfin, satisfaction au fond de la CNIL, car les données ne devraient pas quitter le domicile de l’abonné sans son consentement (le consentement de l’abonné devra être recueilli « pour la remontée de la courbe de charge dans le système d’information d’ERDF ainsi que pour la transmission de la courbe de charge aux tiers » tels les fournisseurs d’énergie, sociétés commerciales…). Et l’abonné sera « en position de s’opposer au déclenchement de ce stockage en local, par le biais d’une case à cocher, sans avoir à motiver sa décision », et pourra « à tout moment désactiver ce stockage et purger ses données (notamment en cas de déménagement ».

Parallèlement, ERDF a édicté un « code de bonne conduite » engageant ses salariés, afin d’éviter la tentation de vendre les données collectées par les compteurs intelligents, nous voilà dépourvu de dernière restriction de principe à ce progrès.

L’intrusion dans la vie privée paraissant éloignée, quand serait-il d’un risque de piratage des données ? N’ayons crainte, la plus stricte sécurité est de mise. A moins que…

En Allemagne par exemple, deux hackers ont déjà démontré qu’il était possible d’intercepter les données transitant entre un compteur de nouvelle génération et la compagnie d’électricité. Plus fort, les deux hackers étaient en mesure, après avoir analysé les données, de connaître le nombre d’ordinateurs ou de téléviseurs dans la maison, le programme de télévision regardé, et si le film DVD en cours de lecture était protégé ou non par un copyright. Mais il s’agissait d’un modèle allemand différent du Linky.

En Espagne, d’autres bidouilleurs ont réussi à s’amuser avec des compteurs électriques, parvenant à connaître les appareils utilisés dans un foyer, ou à falsifier les données… Mais comme le modèle n’était pas identique à notre champion français, rien à craindre vous dit-on !

Des démonstrations sont visibles ici et .

  • À l’insu de mon plein gré

Une nouveauté introduite dans la loi de transition énergétique vaut de s’y intéresser : les opérateurs d’effacement (article 168). Distincts des fournisseurs, ces opérateurs seront chargés de solliciter les consommateurs pour qu’ils désactivent sur une période donnée leur chauffage et/ou chauffe-eau. Le but : économiser de l’énergie bien entendu. Mais ces opérateurs seront rémunérés selon le nombre de kWh « effacés ». De quoi mieux adapter l’offre à la demande et éviter les pannes. Dans l’optique de remplir leurs objectifs, doit-on craindre la coupure électrique d’appareils électroménagers quelques minutes, à distance, sans que l’utilisateur n’en soit prévenu ?

  • Pouvoir d’achat

Lors de son expérimentation, Linky n’a pas permis de réelles économies d’énergie. Et la corrélation entre l’information en en temps réel de la consommation et la comportement de l’usager reste à prouver. A ce jour, aucune étude indépendante n’a prouvé l’influence des compteurs communicants sur la consommation des ménages et les premiers constats sur le terrain ne sont pas franchement probants.

Aussi, environ 17 millions de compteurs ne sont pas installés dans les logements, mais à l’extérieur ou dans la cave. Ce qui ne rend pas aisé le suivi de sa consommation en temps réel. Une installation d’équipements complémentaires peut alors être proposée par le fournisseur, mais moyennant un abonnement supplémentaire. Cet affichage « déporté » est estimé par ERDF à environ 50 euros par boîtier. Idem pour les nouvelles fonctionnalités (programmation d’appareils électroménagers) qui demanderont nécessairement un surcoût facturé. La prolifération d’offres tarifaires sera à craindre avec des options à foison. Une lisibilité moindre pour le consommateur.

Passons sur le moyen de coupure télécommandé qui pourrait fortement simplifier la tâche pour les impayés… S’il est avéré que le compteur Linky disjoncte plus souvent, c’est que sa tolérance aux dépassements est moins importante que les compteurs classiques. L’UFC Que Choisir estime que, grâce aux informations transmises par ce compteur innovant, les 5 millions de foyers sur-tarifés pourront enfin connaître la puissance maximale qu’ils utilisent et prendre un abonnement moins cher, leur faisant économiser 35 millions d’euros par an. A l’inverse, 10 millions auraient souscrit une puissance inférieure à celle réellement utilisée et seront poussés à souscrire des abonnements plus puissants et donc plus chers, pour un surcoût annuel de 308 millions d’euros. En sus, le changement de puissance étant facturé 36 euros par ERDF, la majoration sera d’autant plus importante et proportionnelle au nombre de foyers concernés.

  • Écologie

Notons pour finir qu’un contrat de 6 ans avalise à terme le renouvellement des compteurs et des concentrateurs. Tous ces appareillages, constitués d’éléments électroniques, devraient être recyclés mais rien n’est prévu en ce sens dans l’investissement de déploiement.

 

Pour les locataires d’un appartement très mal isolé, Linky aura beau lui indiquer que ce sont ses convecteurs électriques qui plombent sa facture hivernale pour maintenir une température à 19°C, cela ne changera pas grand-chose à sa précarité. Cependant que dans ce monde voué à la domotique, il est envisagé d’élargir l’expérience aux compteurs de gaz et d’eau et de généraliser la télérelève. Le compteur de gaz équivalent, appelé Gazpar (testé dans 150.000  et généralisé à 11 millions d’exemplaires entre 2017 et 2022) ne devrait pas déroger aux critiques formulées envers Linky.

L’avenir dira si ces données participeront à la mise en cause d’individus dans un environnement de plus en plus orwellien et pro-actif ? Et le citoyen, noyé dans cette prolifération d’objets connectés, profilé par tous, de se retrouver prisonnier de la dépossession de ses données personnelles et de l’utilisation frauduleuse qui pourrait être faite de ses appareillages…

M.A.J. (08/02/18)

Gains en terme d’économie d’énergie pour le consommateur insuffisants, informations disponibles également insuffisantes, pénalités limitées en cas de retard dans la calendrier de déploiement, incitations généreuses en cas de réussite, surcoût de 506 millions d’euros en euro constant, augmentation tarifaire dès la fin du déploiement (2021) directement imputable au programme… Le rapport de la cour des comptes sur le projet Linky semble on ne peut plus sévère et vient confirmer les inquiétudes des associations de consommateurs.

Lurinas

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