Pour Mélenchon

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Christophe Morau, réalisateur et bénévole à LaTéléLibre, nous envoie ce texte qu’il adresse à ses « amis de gauche ». C’est un manifeste qui n’engage pas LaTéléLibre, car la plupart d’entre nous préfèrent la contradiction à l’engagement partisan, mais qui poursuit un débat largement en cours dans notre pays. Vos commentaires, constructifs et respectueux sont bienvenus.

A mes amis de gauche… 

Une tribune de Christophe Morau

L’élection présidentielle aura lieu dimanche prochain.

Il n’est plus temps d’argumenter à tout prix ou d’espérer avoir raison sur chaque point, il est temps de réexaminer le sens de notre engagement et ses fondements moraux.

Que nous soyons convaincus depuis longtemps de faire le bon choix ou que nous hésitions encore, reposons nous quelques questions essentielles :

Qui a promis d’éradiquer la misère ? Qui a placé l’engagement écologique au cœur de la campagne ? Qui a proposé de ressouder notre pays par la création d’une nouvelle république et par là même de faire entrer le peuple français dans l’ère de la responsabilité citoyenne ? Qui a déclaré sans aucun doute possible « Je suis le candidat de la paix » ? Qui a dénoncé le problème de l’évasion fiscale qui gangrène notre économie et divise notre pays par l’injustice qu’elle crée et la rancœur qu’elle engendre chez les petits entrepreneurs ? Qui a soulevé cette évidence qu’un pays riche et développé comme l’est la France ne peut pas avoir une sécurité sociale et une caisse de retraite à deux vitesse : le confort du régime général pour les salariés et l’absurdité du RSI pour les indépendants ? Qui a affirmé qu’il n’y avait pas de vie possible en société sans une participation maximale de l’état dans l’éducation, la santé, l’investissement et la sûreté publics ?

Serions-nous devenus assez fous, assez abrutis et déconstruits par les idées libérales pour considérer  que notre vie coûte trop cher et que nos enfants sont condamnés à vivre dans l’enfer que nous avons commencé à leur préparer ?

A cet égard, les états-unis peuvent nous apparaître comme le laboratoire révélateur de l’absurdité du libéralisme poussé à son paroxysme : violence, inégalités, besoins humanitaires dans le pays le plus riche du monde, désastre écologique du à l’extraction du pétrole de schiste, lobbying, obésité et pour finir, élection d’un milliardaire populiste se décrivant comme « hors système ».

En France aussi dans cette campagne nous avons nos candidats qui se situent « hors système » : Marine Le Pen, qui vit dans l’opulence depuis son plus jeune âge et qui a hérité d’un parti politique. François Fillon, qui travaille au cœur des institutions depuis 1976. Emmanuel Macron, qui a travaillé chez Rothschild et qui était encore ministre il y a quelques mois. Quoi que l’on pense de Monsieur Mélenchon, il a été bien inspiré de ne pas utiliser ce vocable ridicule de « hors système ».

Lorsque les choses vont mal, l’absurdité des discours devient palpable, les comportements électoraux irrationnels. Qui peut croire sérieusement que M. Trump est capable de faire quelque chose pour la base de son peuple ? Le peuple américain en tout cas y a cru. Quand la logique libérale est poussée à fond, quand l’argent maître pèse si fort sur un pays que les choix électoraux se résument à l’alternative libéralisme/populisme, c’est ce dernier qui finit par l’emporter. Pourquoi ? Parce qu’en dernier ressort le libéralisme s’adapte mieux aux régimes autoritaires qu’à la véritable démocratie. Comment le peuple peut-il se faire berner à ce point ? C’est un mystère pour moi. Pourtant il y avait un espoir dans ces élections américaines. Un homme sobre et sérieux : Bernie Sanders. Les primaires l’ont éliminé. Non pas parce qu’il ne plaisait pas, mais pour une raison qu’on entend souvent et qu’on nomme « vote utile ».

Qu’est-ce que le vote utile ? Parlons de ce que l’on connaît : le vote utile pour un électeur de gauche français, c’est le petit bulletin qui sent la peur, le confort de ses idées dignes et acceptables, le traumatisme de 2002 et le souvenir nostalgique des années Mitterrand.

Hamon rayé de cette présidentielle, le vote utile c’est Macron.

Macron n’est pas un mauvais candidat, n’est pas un mauvais homme. Son seul défaut, mais c’est un défaut total, c’est qu’il est un choix par dépit. Peut être un choix très logique pour un électeur du centre. Mais un électeur de gauche doit s’interroger : l’avenir est il du côté des solutions pratiques d’adaptation à un système économique dévastateur ? L’avenir peut-il imposer comme condition humaine indépassable d’avoir à mendier une petite part de bonheur à la machine infernale qui s’est emparée du monde ?

Nous ne le croyions pas.

L’avenir c’est l’homme. Il n’y a rien en dehors de l’homme.

Que les dieux, les souverains de droit divin et les monarques présidentiels nous laissent tranquilles !

L’homme est assez grand pour se gouverner dorénavant.

Le vote utile, c’est l’idée que nous ne serions pas assez matures pour nous gouverner nous mêmes, que nous n’osons pas sauter le pas parce que des gens brillants et diplômés savent mieux que nous-même ce qui serait bon pour nous.

A toutes les oppressions, toutes les peurs -que nous entretenons souvent nous-même- , à tous les discours contradictoires qui nous plongent dans le doute, n’opposons qu’une seule idée, qu’un seul mot : « Démocratie ».

Depuis que les dieux sont morts et tant que des hommes de génie n’auront pas inventé une organisation qui y soit supérieure, la démocratie est et sera notre horizon indépassable, le trésor de l’humanité qu’il faut protéger et réinventer chaque jour.

« Démocratie », grande sœur protectrice de l’enfant chéri « Liberté », tes épaules sont frêles mais ton courage et ta clairvoyance sans limites. Tu n’es pas un dieu, juste une idée crée par l’homme pour le servir et le guider. Tu n’es pas le glaive puissant qui contrôle et décide mais la page blanche sur laquelle les hommes inspirés partagent leurs idées et leur rêves. Tu es la fleur fragile qui peut repousser sur les décombres des catastrophes humaines. Tu n’es pas l’idéal inaccessible, mais l’ici et le maintenant de l’homme. »

Voilà pour le sens de notre engagement. Soyons à la hauteur de nos idées. Soyons à la hauteur de l’occasion, elle ne se représentera pas de sitôt.

Une fois n’est pas coutume, et même si la chose est rare, j’aimerai remercier un candidat à la présidentielle. J’aimerais remercier Monsieur Mélenchon. Car cet hyperactif vieillard, ce pèlerin des steppes de gauche, qu’on vouait aux 5% et aux oubliettes politiques à l’issue de cette élection, a réussi ce que pas un homme politique n’a réussi depuis la création de la 5ème république : redonner l’envie de vivre ensemble, l’envie de s’intéresser à la manière dont on est gouverné, l’envie de démocratie, et notamment aux jeunes, sans s’appuyer sur les logiques de haine distillées par d’autres candidats, et sans calculs ou alliances politiciennes douteuses. Il a d’ores et déjà réussi cet incroyable pari : attirer les « gens » en leur proposant autre chose que la consommation et la haine à l’égard de tout, et sans les faire culpabiliser avec cette idée que plus rien n’est possible désormais puisqu’il a été décidé en haut lieu que rien n’était possible.

Nous entendons chaque jour des peurs et des réticences au programme de M. Mélenchon dans les rangs de nos amis de gauche.

Les arguments, les passes d’armes ont été échangées mille fois, les avis ne changeront pas sur ce point.

Le message que nous voulons faire passer est autre : ce sont nos envies les plus profondes, nos désirs de bonheur et de liberté que nous devons interroger.

A ceux qui auraient peur d’une dérive autoritaire de M. Mélenchon, je veux répondre ceci :

Le sens de cette élection n’est pas d’élire M. Mélenchon ou son programme. Le sens de cette élection, c’est d’appeler de ses vœux l’avènement d’une 6ème république et le pouvoir citoyen. Ceux qui ne promettent rien ou ceux qui ne promettent que le sang du peuple pour apaiser les dieux de l’argent seront indétrônables, car ils auront acquis leur pouvoir de votre résignation. Celui qui promet tout au peuple et par le peuple se verra placé sous son regard sévère et son jugement impitoyable.

Ce n’est pas juste une élection, c’est le premier pas vers un travail de tous et de tous les jours auquel nous astreint la vraie démocratie.

Ne nous apprêtons pas à entonner les hymnes du grand soir, mais avançons sereinement avec au cœur le chant des petits matins, dont chacun d’entre nous aura sa part.

 

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