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[Même Pas Peur…] Des Cheveux Blancs

Publié le | par

Martine a décidé de ne plus se teindre les cheveux. Un combat contre une certaine image de la vieillesse qui coule dans le lit des idées reçues. Et une lutte contre elle-même, au quotidien.

Nouvelle chronique de Flore Viénot sur LaTéléLibre

Un rendez vous avec des gens qui n’ont pas peur et qui osent le pas de côté, celui qui les écarte de l’évidence des sentiers battus. Car si l’angoisse plane sur notre monde en crise, il souffle aussi un vent de possibles qu’il ne tient qu’à chacun de prendre. A chaque instant, un choix à faire. Pour un petit pas de côté, tout petit parfois, mais radical. 

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Sénèque.

C’est la crise. Inégalités là, discriminations ici, pollution partout, destruction de la nature, pauvreté, scandales financiers, corruption… Sur un fil je marche, vacillante, spectatrice d’un monde en déliquescence. Comme si ce monde là que j’ai devant moi, et auquel on me dit que j’appartiens, m’était étranger…

Les débats politiques qui consistent à s’accorder sur la virgule du chiffre de la croissance tant espérée ne résonnent pas en moi ; les cris de colère qui réclament la fermeture des frontières nationales ne m’atteignent pas non plus ;  tout comme les discours qui critiquent parfois justement le système, mais en puisant dans la source hostile du préfixe qui ne cherche qu’à neutraliser : « Anti ».  Alors comment me positionner face à ces groupes si divergents, mais qui, tous, figent le moindre mouvement et font s’unir deux mots qui devraient s’opposer : avenir et mortifère ?

Mais avec la culpabilité et le désespoir en matières premières, on n’a jamais rien bâti de bien solide…  Et les peurs qui nous assaillent au quotidien éteignent tous les possibles avant même qu’ils ne soient exprimés. Ces peurs grignotent le courage et encouragent la lâcheté, dévorent la créativité et annihilent la pensée. C’est la peur de ne pas savoir, celle d’être jugé, la phobie de l’inconnu, celle du déséquilibre, l’anxiété de lâcher prise et de faire confiance, la terreur de ne pas tout maîtriser et d’échouer, l’angoisse de finir, la peur de mourir. Une conséquence : « non, je n’ose pas », avec sa justification : « c’est impossible ».

A peine esquissé, le possible est englouti dans un flot de menaces aux dents longues. « Quitter ton travail si bien payé pour faire, dis-tu, ce qu’il te plaît ?! » ; « laisser blanchir tes cheveux ? Mais tu vas avoir l’air si vieille… » ; « travailler moins ? Mais tu vas gagner… moins ? » ; « Partir en voilier de l’autre côté de l’Atlantique !? Mais tu as pensé à la baleine qui vous foncera dessus ? A la tempête qui vous fera chavirer ? Au viol dont tu seras victime ? A l’ennui terrible du Rien devant lequel tu te trouveras ? »

Mais justement oui… Se retrouver devant ce néant vidé des contraintes qu’on s’impose, des frontières qu’on bâtit et des dangers qu’on s’imagine.

Super donc : c’est la crise ! On l’aura attendu ce presque trop tard : ce n’est pas trop tôt ! Car il est enfin venu le temps de choisir. Voilà l’opportunité qui nous est offerte d’être créatif, de reconsidérer le monde, de nous repenser et de tout requestionner : tout tout tout… Arrêter le temps qui court et le suspendre un instant pour faire un Choix, un seul Choix, simple mais radical : soit se laisser porter par la nonchalance du mouvement qui nous conduit vers l’inéluctable fatalité d’un sinistre avenir ; soit être porteur d’initiatives qui impulsent un revirement de direction ? Car je ne peux imputer toute la responsabilité du déséquilibre aux grand décideurs politiques, et la « société » que je décrie n’est pas extérieure à moi. Choisir, c’est alors me réapproprier le pouvoir de construire un monde qui me ressemble et que je me réapproprie. Je ne suis victime de rien ni de personne, si ce n’est de ma passivité. Car la solution est là : en moi.

Alors j’ose faire un pas de côté, mouvement vital qui m’écarte de la route qu’on avait tracé pour moi ; une route facile, sûre, confortable, allégée par l’inconscience enfantine à préserver. Et c’est alors que je peux exercer ce que j’ai de plus précieux, ma liberté individuelle, au profit d’un grand mouvement collectif que je porte et qui me porte : la vie. Celle qui, pleine et entière explose les cloisons des contraintes et s’ouvre à la liberté de penser et créer sans condition, et sans peur.

De la lucidité quant au monde complexe et imparfait, oui, mais du désespoir quant à la fatalité d’un état de fait, non. De la naïveté à espérer atteindre la perfection et la pureté, non, surtout pas ; mais un chemin exaltant fait de tentatives réjouissantes. De la dénonciation, certes ; mais de l’affirmation d’autres possibles surtout.

Halte au conditionnel passé, fini le futur lointain, conjuguons au présent l’avenir que nous forgeons dès maintenant !

Il suffit d’oser…

MEME-PAS-PEUR-DES_CHEVEUX-BLANC-2-LATELELIBRE

Premier épisode : Même pas peur… Des cheveux blancs

Une masse sombre, dense. Qui s’enracine solidement jusqu’aux pensées enfouies. Une main tente d’y cheminer, et elle est prise par la douceur du noir qui la caresse. Elle tente alors de se frayer un passage au travers de l’épaisseur veloutée, et les reflets de jais ondulant au soleil l’envoute déjà… quand, surprise par une boucle au détour d’un coup de vent elle s’arrête net. Là bas au loin, dans la densité du noir, une tâche blanche. Sublime. La main se faufile jusqu’à l’apparition et elle fait glisser ses doigts le long du poil blanc, fin, délicat.

« Pas de teinture cette fois-ci, merci »

Martine a 58 ans et elle aime aujourd’hui passer la main dans ses cheveux aux couleurs qui changent, au rythme des jours qui passent. Il y a un an, cette petite femme coquette jusqu’aux bout des ongles, a fait le pas : « je suis allée chez le coiffeur et il m’a demandé si je voulais une teinture. Et là, je lui ai dit : “non. Mais je voudrais une jolie coupe “…». Un petit pas, mais radical.

Prisonnière d’une lutte culturelle « anti-âge »

Car le poil blanc avait pris racine dans une idée préconçue de la beauté et de la vieillesse, arrosée par l’imaginaire collectif : celle qui le possède vieillit, sa fougue s’échappe en même temps que l’intensité du noir qui s’estompe, alors bientôt sa détentrice sera moche, et inutile… Pendant des années, Martine se sentait prisonnière de cette conception qu’elle savait pourtant ne pas être sienne.

Scindée, elle était portée au quotidien par la liberté de penser, dont elle voulait insuffler l’évidence chez ses « petits collégiens » de Zep à travers son amour pour la littérature : « voyez comme les canons de beauté ont évolué au fil du temps : c’était Rubens qui ne rêvait que de femmes énormes et grasses, très blanches, puis Baudelaire qui tombe amoureux d’une longue femme entr’aperçue… Mais à chaque fois c’est la terreur des femmes que ne pas correspondre ! Que pensez vous de la pire punition de la marquise de Merteuil ? Les années qui passent et la petite vérole qui enlaidit son visage, jusqu’à la mort –sociale, puis physique… »

Mais elle était également emprise par son désir de plaire toujours, d’être belle encore, de cette beauté secrètement admirée dans ses magazines féminins qu’elle achète de temps en temps « pour se détendre ». Le dernier en date, celui rangé dans le panier aux toilettes entre Books et le Magazine Littéraire, un spécial « Anti-âge : 10 conseils surprenants pour rester jeune ». Là, il est dit que « la coloration au plus près de la teinte naturelle fixe la jeunesse » et  qu’aujourd’hui, une femme pour être active doit  « donner de la lumière à sa chevelure… et à sa vie ». Mais heureusement, finit par expliquer un scientifique, nous sommes « en passe de mettre au point un traitement contre l’apparition des cheveux blancs, pour cacher ce signe extérieur de vieillissement : il sera bientôt possible de se débarrasser de ce signe de l’âge » !

« C’est beau de vieillir… »

« Se débarrasser de ce signe de l’âge… » Est ce possible ? Seulement souhaitable…? « C’est beau de vieillir, je ne vois pas pourquoi on se grimerait en jeune, alors qu’on ne l’est plus… ». Non, Martine ne peut se résoudre à dissoudre sa liberté de penser et d’agir dans le diktat de la conception d’une beauté féminine qui ne serait que jeunesse, et d’une vieillesse qu’on devrait cacher.

Petit à petit, au fil de ses lectures et de ses réflexions, Martine a fini par accepter l’évidence du changement. Un travail de longue haleine. Car c’était aussi faire face à son entourage, surpris : « tu ne vas quand même pas laisser tes cheveux comme ça ? Tu vas paraître si vieille ! » Et bien si. « Et même, répond-elle en s’esclaffant, j’ai toujours été une petite brune toute menue, et là, avec la ménopause qui m’arrondit, je fais l’expérience incroyable de devenir une blonde à forte poitrine !»

« Et puis ça pue la teinture ! »

Et lorsqu’un moment de doute l’assaille les matins de dur réveil, elle repense à cette étude d’avril 2011 parue dans 60 millions de consommateurs, qui montrait que sur 18 teintures testées, 17 sont jugés dangereuses pour la santé. De « déconseillée » à « fortement déconseillée », toutes contiennent des colorants dont certains sont susceptibles de provoquer de graves allergies et sont considérés comme cancérigènes. Alors « pourquoi passer tant de temps à se mettre des machins sur la tête, des produits qui font tant de mal ? Ca pue la teinture ! ». Toxique, cher et chronophage, la teinture ne sera pas pour elle, c’est décidé. Même si 60% des françaises se teignent les cheveux, même si son entourage le lui déconseille, même si elle sent parfois des regards tout autour.

Aujourd’hui Martine porte sur elle les traces du temps. Ses cheveux qui blanchissent librement racontent l’histoire de sa vie. Et fièrement elle assume les années passées, avec l’ambition non dissimulée d’essaimer ce vent de liberté qui s’engouffre désormais dans ses boucles argentées.

Flore Viénot
Générique : Vincent Massot

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Les commentaires (6)

  1. Dans cette société du jeunisme, dans ce monde de l’image, oui, ce n’est pas toujours facile de savoir si celle que l’on donne est celle que les regards attendent.

    Etre soi-même, dans ce présent là, est aussi le privilège de l’âge, quand on a évacué le superflu, les masques sociaux, et que l’on ne garde plus que l’essentiel. La beauté intérieure, à travers un regard, un geste, un sourire. La sincérité de ses actes, la loyauté du don de soi.

    La couleur des cheveux importe peu. J’applique sur les miens du henné depuis l’âge de vingt ans parce que c’est un soin et un rituel qui me rattache à d’autres femmes méditerranéennes
    Qu’ils soient roux ou blancs ne me préoccupe pas davantage que mes rides. La vieillesse se situe ailleurs, plus profond et elle peut être belle ou très douloureuse selon la vie que vous avez choisie.
    Mais j’aime votre démarche, jeune Flore, dont le nom évoque l’ éternel printemps …

  2. A Flore: Martine est , dans mon coeur, une amie à découvrir.
    je jubile de savoir sa décision, et je te remercie , Flore, de ta chronique: du coup, je me sens invitée à porter un bout de témoignage:
    il se trouve que , entrant dans ma 60° année et adepte des teintures depuis longtemps, j’ai décidé en janvier 2014, de dire « bonjour » à mes vrais cheveux, abandonnant enfin les heures passées en colorations mensuelles,
    et voila que je me découvre le cheveux gris et blanc!
    Cela me permet de constater toute la bienveillance de mes congénères, qui, cherchent tous à me convaincre que, « cela me rajeunit! ou , en tous les cas, « cela me va très bien ».
    et bien franchement, ces avis ne me font rien du tout, mais rien, ni chaud au coeur, ni froid dans le dos, je me sens très bien ainsi, juste bien avec mes vrais cheveux, juste un peu amusée des regards étonnés. Je le comprends, car, moi-même, je suis parfois un peu surprise lorsque je passe devant le miroir et ne suis pas très réveillée, mais c’est plutôt drôle.
    bref: » j’vais avoir 60ans, j’assume mes cheveux blancs, »
    je songe même à en faire une chanson???

    Et puis, le principal: Voila du temps récupéré pour continuer ce qui me tient à coeur vraiment depuis toujours: faire savoir, montrer ,donner et développer ce dont tous, nous avons besoin:
    d’échanges humains, de bienveillance et de douceur à chaque instant.

    Merci à toi, Flore et merci à Martine,
    Michèle.

  3. J’ai moi même des cheveux blanc, enfin ce qu’il reste de mon ancienne crinière.
    J’ai aussi, pendant 2 ans eu le crane « rasé à blanc », lisse et brillant ! J’ai adoré cette période, même si le regard des autres n’était pas toujours plaisant.

  4. J’ai beaucoup apprécié votre chronique. Elle fait écho à ma démarche d’arrêter les colorations. La dernière (dans les tons bruns) a eu lieu en juillet et ma coupe à la garçonne poivre et sel date de ce mois de janvier 2015 où j’entre dans ma soixantième année.
    Je me sens plus forte d’avoir osé et aussi plus douce dans l’aspect qui est le mien aujourd’hui. Mon teint et mes cheveux sont (enfin) infiniment assortis. Les témoignages pour plus de naturel et surtout d’authenticité ne sont pas rares si l’on veut se donner la peine de les chercher. Beaucoup de femmes n’osent pas être tout simplement bienveillantes avec elles-mêmes…