LE MODEM POUR EXISTER TROUVE SA PLACE AU CAS PAR CAS

Publié le | par

Où habite le MoDem ? Malgré son score plutôt étroit (4,5%) au niveau national, le MoDem se retrouve en position d’arbitre de beaucoup de seconds tours, et courtisé, poussé aux clarifications. Auxquelles il finit par choisir de se soustraire, en sortant la carte du ville par ville, candidat par candidat, coup par coup.

Où habite le MoDem ?

Depuis sa création, c’est une question qui se pose à tous, sauf bien entendu à ses militants, qui ne comprennent pas qu’on se la pose.

lacombe110308c.jpg

L’offensive en forme de main tendue retors de l’UMP

Au lendemain du premier tour, à l’UMP, on joue le tout pour le tout, comme souvent, sans complexe. Pourtant, les grandes déclarations d’amour sonnent trouble, ce lundi matin : tout à coup, on se réveille lundi et le Modem, entend-on sur les matinales, c’est l’allié « naturel » à droite, pour le parti présidentiel. « Je suis prêt à soutenir François Bayrou pour bien montrer que l’allié naturel du centre, dans ce pays c’est l’UMP et sa stratégie d’ouverture », déclare le vice-président de l’UMP, Jean-Pierre Raffarin sur France-2. « C’est notre stratégie d’ouverture qui nous permet, aujourd’hui, de dire aux électeurs du centre qu’avec nous ils peuvent participer au pluralisme territorial ».

Il faut dire que ce dimanche soir, malgré son déni flegmatique lors des soirées électorales télévisées, la droite au pouvoir est menacée dans plusieurs de ses fiefs : la large victoire de Juppé à Bordeaux (56,62%) apparaît comme l’exception qui confirme la règle : en réalité, la droite a déjà perdu quelques uns de ses fiefs, et reste menacé dans plusieurs grandes villes – Strasbourg et Toulouse, voire Marseille, même si cela paraît plus compliqué, sont à portée des socialistes, tout comme Quimper, Caen, Reims, Blois et St Etienne. La côte en chute libre de Sarkozy a en partie eu les conséquences attendues : la gauche réalise une belle poussée avec 47,5% des suffrages contre 40% pour la droite.

Dès lors, pour l’UMP, ce lundi matin, on a travaillé les chiffres toute la nuit, il faut rattraper et convaincre les électeurs centristes, plus précisément les électeurs du MoDem. Et d’une pierre deux coup tenter de passer un marché.

Parce que la situation de François Bayrou, dans la ville de Pau qu’il veut coûte que coûte gagner, semble tendue. Tellement que l’on est tenté de se dire ce matin là, avant de prendre du recul, que le Modem va être contraint à choisir de se prendre un allié, ou être tué. La proposition des ténors de l’UMP est très cash, c’est un donnant-donnant : retrait à Pau au second tour d’Yves Urieta, le maire sortant (ex-PS) de Pau soutenu par l’UMP, en échange d’accords UMP-MoDem dans les villes que la majorité présidentielle a peur de perdre.

lacombe110308b.jpg

 

Pourtant, François Bayrou, incontournable nationalement pour contrer ou fabriquer la Bérézina de la droite au pouvoir, dès lundi, tout de suite, dénonce le « grand bluff ».

Il évite de tomber dans le piège. Et rejette la « proposition de négociations globales » que lui font, sur les matinales, Patrick Devedjian et Jean-Pierre Raffarin. « Je n’ai d’ailleurs eu aucun appel d’aucune sorte en provenance de l’UMP », ajoute sur les ondes le Président du MoDem, préférant jouer dès lors le tout pour le tout à Pau.

Il sait bien que ses adversaires sarkozystes veulent, avec une certaine obsession, sinon sa perte, du moins son affaiblissement durable. Aussi choisit-il assez logiquement de rester fidèle à la ligne politique qu’il se dessine depuis la campagne présidentielle, et ne peut accepter ce qu’il décrit lui-même comme un « baiser de la mort ». Car accepter le marchandage, se retrouver sauvé à Pau grâce à l’intervention de l’UMP, aurait, symboliquement signifié la fin du Mouvement démocrate.

Au PS, débat interne coriace

Mais c’est aussi l’heure de vérité pour le Parti Socialiste, tenté depuis l’entre-deux-tours de la présidentielle par l’alliance avec les bayrouistes.

Ségolène Royal persiste et signe, plaidant dès dimanche soir pour «des alliances partout» avec le Modem.

«Je suis pour une coalition arc-en-ciel, mais pas pour la confusion», dit lui, Julien Dray, avec en ligne de mire l’ambiguïté d’un MoDem incapable de choisir son camp. Pour François Hollande, toujours hostile à des manœuvres qui tireraient son parti vers le centre, la ligne est toujours la même, François Bayrou, c’est la droite : «Avec moins de 5 % en score national, le Modem n’est pas en état d’être l’arbitre, comme Bayrou avait pu l’être lors de l’élection présidentielle. Il ne peut y avoir de discussion nationale».

Bayrou réplique en épinglant le premier secrétaire du PS : « Il n’est pas en train d’ouvrir des chemins plus intéressants pour la France, il est dans la vieille ornière classique traditionnelle ». Tâclant au passage le prétendant à sa réélection à Paris qui refuse l’offre de Marielle de Sarnez, tête de liste MoDem dans la capitale, n’en ayant pas besoin :  » Bertrand Delanoë, pour des raisons internes au Parti socialiste, a fermé cette porte, montrant ainsi qu’il se plaçait du côté de la fermeture », estime François Bayrou sur Europe-1.

Pourtant, entre ces deux là, PS et MoDem, les tabous semblent désormais commencer de pouvoir être levés.

Fusions PS-Modem par ici, fusions UMP par là

Dès lors François Bayrou organise dès ce lundi, en fonction des opportunités locales, la réponse de son mouvement. Faisant ici alliance avec le PS, là avec l’UMP, au cas par cas et préférant se maintenir ailleurs dans des triangulaires, le Modem s’affirme sans choisir… Et pourtant, il semble désormais pouvoir être en mesure de construire ou détruire des majorités dans les grandes villes françaises.

Le scénario se dessine donc ville par ville. Lundi soir, l’alliance est scellée à Marseille : J.L. Benhammias fusionne sa liste Modem avec celle du challenger PS Gérini, et relance l’espoir de ceux qui espère la défaite du maire sortant, le sarkozyste J.C. Gaudin. « Notre accord marque la volonté de rompre avec le vieux clientélisme », affirme Jean-Noël Guérini, qui annonce dans la lancée « une victoire à portée de main ».
Même scénario à Melun, à Chartres.

A Colombes, un accord MoDem-UMP est scellé, ce qui arrange bien la ministre Rama Yade, en difficulté. Idem à Metz et à Toulouse. Aucun accord n’est intervenu, par contre à Saint-Etienne, à Blois, Caen, Strasbourg, Tarbes. Et Paris, où Marielle de Sarnez vient de signifier une fin de non recevoir à Françoise de Panafieu, qui a retenté sa chance, après que Delanoë ait finalement préféré se passer d’une alliance au centre, puisqu’il le peut. Des listes MoDem seront donc maintenues en triangulaires dans le 5ème, dans le 7ème et le 14ème.

Ni droite ni gauche, donc, le MoDem, encore et toujours s’efforce d’exister au centre…

Karine Yaniv

DESSINS : Xavier Lacombe

Partager cet article

Les commentaires (18)

  1. « On a toujours besoin d’un plus petit que soi » .
    Jean de la Fontaine
    (Le lion et le rat)

  2. Stratégie claire de la direction du Modem: s’il s’agit d’élections locales, alors aucun mot d’ordre de ne doit venir de la direction du parti, chacun localement, en fonction de ses convictions et de la personnalité des candidats choisit. Même topo chez les socialistes au final puisque par ici on s’associe au Modem, par là non, ou/et aux verts, ou/et à la gauche alternative, etc.. Seul l’UMP recherchait une solution globale d’alliance avec le Modem, tout en disant que ces élections sont des enjeux locaux, tout en considérant que les résultats des ministres indiquaient que les électeurs soutiennent donc globalement l’action du gouvernement. Mais ce double-triple langage ne doit pas nous étonner, il n’est pas propre à l’ump mais à l’exercice du pouvoir politique. Mais grâce à la surmédiatisation ou parfois à l’absence assourdissante des medias de Sarko, il est bien plus évident et criant à l’ump en ce moment!!

  3. C’est compliqué d’être un centriste, ça demande un certain sens de l’équilibre, pour ne pas dire un talent de funambulisme. En fait pour exister le modem se doit de se maintenir dans la course et de s’allier avec la personne qui a le plus de chance de l’emporter. Ce qui lui donne cette piteuse image de parti-girouette sans réelle direction politique, sans idéologie. Les paroles de Bayrou sont explicites. Quitte à prendre le risque de ne pas gagner Pau (ce qui est courageux, avouons-le), il s’en remet aux initiatives individuelles. Le résultat est une cacophonie qui laisse ses électeurs dans le flou le plus total.
    Je l’ai déjà dit, pour moi le modem, et le centre en général, n’existe pas, et son attitude entre les deux tours le démontre encore une fois. Pouvoir ainsi distribuer son vote à droite comme à gauche démontre, encore une fois, qu’il n’y a pas d’idéal centriste. Pas de valeurs non plus…
    Dans la série confirmation, Ségolène Royal n’est pas en reste en préconisant une alliance globale, comme en 2007. Elle nous démontre sa tendance à pencher à droite plutôt que de rassembler les peu de force qui lui reste sur sa gauche… Mais bon, elle semble être de plus en plus seule à vouloir suivre cette direction, et ça c’est plutôt une bonne nouvelle.

  4. Je suppose que Bayrou n’a pas de soucis à se faire : les électeurs UMP voterons plutôt pour lui que pour un candidat PS !

  5. NS ne rêve qu’à une chose : tuer Bayrou, ce caillou qui se trouve dans la chaussure.
    Le Modem a montré sa capacité de nuisance pour l’UMP. L’Ump aura sans doute la tête de Bayrou mais ne veut pas voir qu’elle a besoin de ses électeurs! C’est une erreur stratégique.
    Le Modem aura créé une capacité de rassemblement au sein du PS : pour ses ténors qui semblent vouloir un rassemblement à gauche. Le Modem aura montré sa capacité de nuisance pour Ségolène Royal qui ne sera sans doute jamais en mesure de prendre le parti étant donné son positionnement à ces élections vis à vis de Bayrou.

  6. Le modem se scinde ( 2 variantes au modem, plus de droite ou plus de gauche ) par ville. Par projet. Par opportunité.
    Pour ma part, je pense que, nationalement c’est une erreur.
    Pour ses futurs électeurs…
    La démarche de Royal était pourtant bien vue…
    Hollande et Delanoe ont tord de fermer des portes.

    Bref, la France : Un bien beau merdier.

  7. @Lucie, je ne comprends pas bien votre remarque étant donné qu’à Pau la liste UMP se maintient.
    Une petite pensée tour de même pour Marielle de Sarnez qui était persuadé qu’elle allait être l’arbitre du second tour et qui a tout perdu hier. Elle se retrouve en slip avec pas même un groupe à la mairie de Paris.

  8. Je suis d’accord avec toi petit pimousse au rapport , c’est un beau souk . Bayrou arrive à leur faire passer des nuits blanches par rapport à leurs éventuelles alliances. Il prouve qu’en politique , pour peu qu’on le veuille vraiment , on peut radicalement changer les régles de fonctionnement . Le Modem
    n’est pas ségrégationiste, il est capable de travailler avec des mecs de droite , mais aussi des mecs de gauche pour peu qu’ils soient démocrates et républicains , sinon ni avec l’un , ni avec l’autre. Bravo Mr Bayrou , et dommage Mr Cavada qui avait pourtant était l’un des premiers avec Mr Bayrou à défendre ce principe.

  9. J’ai cru saisir, à travers les propos de F. Bayrou, que sa politique résidait plus dans ses valeurs que dans des appareils de partis.
    Il est donc logique que ses alliances se fassent en fonction des personnalités en présence localement, plus que par des accords nationaux en disant aux candidats « faites ce que je dis, je veux voir qu’une tête ».
    On trouve, il est vrai sur le terrain, des hommes de droite qui portent à gauche et des hommes de gauche un peu plus « libéraux » (type Ségolène). Le fait de s’assembler avec les uns ou avec les autres selon le projet porté ne me choque pas.
    Vu côté UMP, l’expérience des présidentielles où les cadres de l’UDF ont fui les uns après les autres attirés par l’appât du gain, était tentante surtout en ces temps de disette de voix. Bis repetita.
    Vu côté PS, pourquoi s’embarrasser d’un parti faisant 5 % dont on est sûr aux 2/3 que les électeurs en mal d’orientation claire se tourneront vers le PS au moment du vote ?
    Comme le dit Gwendal (décidément, on est très souvent d’accord ! Si on faisait notre parti ? :) ), le PS a plus besoin actuellement de regrouper les forces de gauche sous peine de se faire déborder par la LCR qui prépare son futur parti anti-libéral et qui a réalisé de très beaux scores dans cette élection.
    Mon score :
    – UMP = 0 points
    – MODEM et Ségo = 15 points
    – PS = jeu, set et match

  10. @Sylvie, cette stratégie c’est l’alliance à la tête du client. Regardez ce qui s’est passé à Toulouse aujourd’hui. Le modem M. Forget (moins de 6% au premier tour), après avoir fait des propositions d’alliance au candidat PS-PC que celui-ci a déclinées, se rallie finalement au maire sortant UMP M. Moudenc. Si c’est ça le changement de règle, je préfère encore le vieux système bipolaire. De plus c’est une stratégie qui a réduit à néant le centre en France: plus de groupe à l’assemblée nationale mais deux députés, plus de maires, plus de groupe centriste à la mairie de Paris (Une projection sur Paris prétend que de 10 conseillers, le Modem va passer à un (Marielle de Sarnez) et ce n’est pas certain ! ), plus de centre à Lyon, un score nationale de 3,75%. Quel gâchi pour les belles idées d’humanisme du centre.

  11. A Pau l’ump se maintient mais il est représenté par Urrieta, ancien maire « PS » qui avait pris la place de maire au décès de Labarrère d’une façon cavalière et contre l’avis de bon nombre de membres du PS local… désavoué localement, il a choisi de signer avec l’ump pour espérer… il n’a strictement aucune chance de l’emporter, son maintien fera vraissemblablement tomber Bayrou, sauf si l’électorat ump veut échapper à Lignères-Cassou. A Toulouse, si le modem se maintenait, il faisait tomber Moudenc: ils étaient donc en force pour négocier. A Pau je ne vois pas comment un ump pur suc a pu, au nom des appareils d’état, voter pour quelqu’un qui jusqu’à présent était considéré de gauche!! Ces gens du PS qui passent à l’ump c’est affligeant. Cela démontre la géométrie variable des convictions politiques de certains (passer de l’udf à ps ou ump, je dis pas, mais que dirait on d’un ump qui passe au ps, d’un udf au pc?…). Bref, ces ex PS n’ont plus d’avenir politique: il ne seront jamais considérés comme des gens de droite et sont grillés à gauche: chaque jour qui passe les approche de la sortie.

  12. La stratégie globale du MoDem est très simple : bousculer les appareils politiques et leur logique sédentaire.

    L’alliance avec le MoDem est le critère qui, au PS, cristallise les futurs choix pour le congrès de l’automne : Martine Aubry comme Georges Frêche, p ex, rejettent l’alliance avec les Verts et préfère l’alliance avec le MoDem. Dans les Bouches-du-Rhône, à Marseille, nécessité faisant loi, l’alliance est tous azimuths. Mais à Aix, le PS sectaire ne s’allie qu’avec le DVG et laisse ainsi la mairie à la droite. À Toulouse, son sectarisme conduit même à la fusion des listes UMP et MoDem.

    Qu’on ne s’y trompe donc pas : il n’y a pa seulement des enjeux locaux dans ces géométries variables ; il y a à la fois des séquelles de stratégie nationale et de conception de la politique, une vision du monde.

  13. Bonjour,

    Toujours les mêmes questions… Il faut forcément être de droite ou de gauche… globalement, massivement, irréductiblement… !

    En ce qui me concerne, je vote régulièrement à gauche sauf dans certains cas de figures:
    – Par exemple quand un candidat PS dit que la candidate UMP ferait mieux de s’occuper de ses confitures alors je m’abstiens.
    – Quand un maire magouille et fricote, je vote contre.
    – Quand un candidat dit qu’on ne peux rien promettre sauf « du sang et des larmes » parce que la France est en faillite, je le soutiens.

    En fait on veut nous faire croire qu’il n’existe qu’une seule pensée de droite et une seule de gauche.

    Il y a autant de différences entre M. Besancenot et M. Strauss Kahn qu’entre M. Balladur et M. Le Pen.
    On peut soutenir les luttes d’émancipation des peuples et détester ce que ces régimes sont devenus (Chine, Algérie…).

    Et il y a très peu de différences entre ce même Strauss Kahn et M. Bayrou.

    Comme disait le regretté Brassens,  » quand on est con on est con »…

    C’est vrai que parfois, entre la droite et la gauche, on a envie d’être « ailleurs », comme le disait le regretté Michel Jobert.

    Daniel