Au commencement était l’aboiement

En 2002, Olivier était comme des millions de français, atterré du choix pour le second tour. Mais il n’avait alors pas eu l’idée d’un geste artistique et politique pour protester contre le score du FN. « Je sentais qu’il y avait besoin de faire quelque chose mais je ne trouvais pas de geste signifiant. Cette fois-là je suis resté lamentablement dans ma maison à réfléchir et à ne pas trouver de geste approprié. »

Son geste signifiant, il l’a trouvé il y a trois ans, en mars 2014 à Saint-Nazaire lors des élections municipales. Cet artiste plasticien nazairien avait alors aboyé, seul, pendant sept heures contre le score du FN au premier tour (de 12,56 % pour un taux de participation de 55,18 %). Il avait ensuite réitéré son geste aux Européennes, cette fois-ci accompagné par cinquante personnes.

A Dada sur le parvis

Olivier de Sagazan aboie parce que le verbe et la parole, sont trop utilisés et récupérés à toutes les sauces, « par des grands manipulateurs que sont les politiciens ». L’aboiement est pour lui un geste dadaïste, mouvement artistique du début du XXème siècle dont il se revendique. Ce courant veut faire table rase du langage conventionnel pour inventer une autre langue. Hugo Ball, chef de file du mouvement avait ainsi déclaré dans un manifeste dada le 14 juillet 1916 à Zurich :

« Je ne veux pas de mots inventés par quelqu’un d’autre. Tous les mots ont été inventés par les autres. Je revendique mes propres bêtises, mon propre rythme et des voyelles et des consonnes qui vont avec, qui y correspondent, qui soient les miens. »

Les aboiements de l’artiste et de ses amis font rire certains, en laissent d’autres pantois. Certains pensent qu’ils sont « possédés » quand d’autres sont prêts à parier qu’il s’agit d’une troupe de théâtre de rue. Pendant trois heures, les aboyeurs ont ainsi intrigué les spectateurs de la Défense. N’osant pas interrompre la performance des artistes, les intrigués viennent systématiquement nous voir pour demander ce que revendiquent ces artistes. Une fois la réponse donnée, certains trouvent le geste super mais jugent dommage qu’il n’y ait pas de communication pour expliquer leur acte.

Prêt à être chien de garde de la démocratie ?

Pour beaucoup de gens que l’on a rencontré, il n’est pas nécessaire de se fatiguer la voix contre le FN puisque de toute façon, Marine Le Pen ne passera pas. Un homme nous dit même qu’il ne jugeait pas « dangereux que Marine Le Pen soit au second tour ».

Laurent Schub, artiste compositeur interprète, qui a aboyé avec Olivier nous confie que « personne n’est prêt à être chien de garde de la démocratie » faisant référence à l’absentéisme des artistes à qui l’appel aux abois avait été lancé.

Aussi énigmatique soit-elle, la performance d’Olivier de Sagazan aura interpellé les gens, suscitant une réflexion sur la nécessité d’aboyer à l’heure actuelle.

Maëlle Ripoche
Camille Saiseau

Des Liens

• Page fb d’Olivier de Sagazan
• Son site officiel
• Article et vidéo de Ouest-France sur l’aboiement d’Olivier avec cinquante personnes aux Européennes de 2014 devant la base sous-marine, à Saint-Nazaire