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[DOC] Gardiens du Fleuve

Publié le | par

Ils sont visibles l’été, leur bourdonnement se fait entendre de loin, signale leur arrivée mais leur rapidité les rend difficilement perceptible. Leur passage fait tourner les têtes. Leurs missions intriguent et enchantent les plus curieux. Ce sont les policiers de la Brigade fluviale. Uniforme bleu marine, rangers, pistolet automatique, étui porte menottes, bâton télescopique à la ceinture. Rien ne dénote avec l’ensemble des gardiens de la paix. A une différence près : dans leur vestiaire, les policiers de la fluviale ont tous une combinaison de plongée.

C’est à quelques pas de la gare d’Austerlitz, Quai Saint-Bernard, dissimulée derrière de hauts platanes que la brigade s’est installée depuis sa création en 1900. Retranchée dans des locaux aux allures de pré-fabriqués sur pilotis, la brigade vit sur l’eau. Un choix pratique et historique. « C’est important de rester sur le fleuve pour différentes raisons : la reconnaissance des gens qui travaillent sur le fleuve, on a les mêmes problématiques. Mais aussi pour observer son comportement » note Sandrine Berjot, commandant de la Brigade fluviale. D’une pièce à l’autre, tout en longueur, il faut emprunter une passerelle, se frotter au vent extérieur, affronter le tangage, garder son équilibre, ne pas glisser, emprunter quelques marches, redescendre. Ce sont quelques unes des conditions pour « sentir le fleuve vivre et vivre avec. » 

Vu de l’extérieur, difficile de savoir ce qu’il se trame dans ces cubes blancs. Les lumières sont toujours allumées et au bout de l’interphone toujours une voix pour répondre. La brigade fonctionne sans interruption. Ils ont mis en place un système de rotation : un premier jour de 7h à 19h, un deuxième jour de 9h à 19h et une nuit de 19h à 7h. Une petite fourmilière à taille humaine où les brigades se croisent et s’entrecroisent.

Des privilégiés

Ces policiers d’un autre genre ne sont qu’une poignée. Celle qu’on appelle la « Fluv’ », rattachée à la préfecture de Paris, est dites « unique » en France. Sur les autres cours d’eau, c’est la gendarmerie qui officie. Ils sont donc moins de 80 privilégiés à surveiller plus de 650 kilomètres de voies navigables réparties sur les 8 départements de l’Ile-de-France. Un grand territoire que les policiers inspectent quotidiennement, pas de fond en comble, mais jour et nuit. Ils effectuent 5000 patrouilles par an soit environ 13 patrouilles par jour. Souvent en prévention mais parfois pour surveiller des zones où sont amarrés des bateaux logements. Un bon cumul d’allers-retours qui se répercutent sur l’état de santé des navettes. Mais la brigade a son garage privé avec mécaniciens et pompe à essence. Les embarcations passent souvent en visite médicale et quand le verdict négatif tombe, elles passent en quarantaine. Tous les ans, le remorqueur pousseur, l’Ile-de-France, part 3 semaines en chantier pour une cure de jouvence. Il doit se présenter sous son meilleur jour pour les festivités du 14 juillet.

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C’est notamment lors de ces événements que la Brigade tente de se faire connaître au delà de son image fantasmée, empruntée aux séries télévisées. Une valise à l’eau ? Alors elle doit forcément contenir un corps découpé en morceaux. Une voiture volée et coulée ? Il faut regarder dans le coffre, un cadavre est obligatoirement en train de se décomposer. Naturellement, à la Fluv’, il est question de cadavres. L’an passé, une cinquantaine de corps ont été repêchés. Il s’agit souvent de suicides, de noyades ou d’accidents mais difficile d’estimer quelles sont les causes de décès les plus fréquentes. Forcés de se détacher de ces événements funestes, les policiers ont plus d’une anecdote macabre dans leur poche. Comme l’histoire de ces touristes mexicains éméchés partis à trois d’un coté pour traverser en largeur le fleuve et arrivé à un seul de l’autre coté. Les deux autres sont morts. « Le Fleuve ne pardonne pas » reconnait un des policiers.Dans l’imaginaire collectif, ce repêchage, digne d’un scénario d’épouvante, serait leur lot quotidien alors que le cimetière des fonds de Seine est principalement envahi par les Vélib’. Pont des Arts, ce sont les clés jetées par des amoureux crédules qui tapissent le fleuve. À chaque zone, son lot de fantaisies.

Un plongeon de trois jours

Nous aussi, la curiosité nous titillait. 115 ans que la Brigade existe, l’occasion de passer le portillon de sécurité Quai Saint-Bernard pour rencontrer ces gardiens du fleuve. Nous avons suivi une brigade, surnommée la A3. Pendant deux jours et une nuit, nous avons pris place à bord de l’Heracles, de l’Hélios, et de l’Ile de France. Des noms olympiens pour les zodiacs et le remorqueur-pousseur. Notre caméra a flirté avec l’eau à 15 degrés, nos mains se sont agrippées aux barres de ces bolides du fleuve filant à 70 km/h, nos oreilles ont alterné entre vent glacial et soleil estival. C’est avec Laurent, le « spéléologue plongeur » comme il se définit, Serge et Fabien, les deux Bretons, Stéphane, le philosophe, Tristan, le cadet à la recherche du « monstre de la Seine » et Fanny, la marathonienne, que nous avons embarqué à bord de la Fluv’.

Sur le zodiac, les passants ont pensé que nous étions une équipe de tournage pour « Enquêtes criminelles », nous avons vécu notre instant de gloire : photos, signes de la main. La Brigade, elle, est habituée. Ces policiers sont les stars du fleuve. Loin de leurs confrères à terre, ils bénéficient d’une toute autre image, plus amicale.

Et puis une question me taraudait : à force d’être dans  cette eau verdâtre, ont-ils tous des problèmes de peau ? Réponse : ils sont protégés par des vaccins, notamment pour la leptospirose (maladie transmise par les rats) et suivis médicalement. Et surprise, l’eau de la Seine est de plus en plus propre, la faune et la flore reviennent. Une rencontre qui dépasse les PV et les préjugés.

Journaliste : Julie Dubois
Image : Sébastien Pierrot
Montage : Christophe Moraw
Musique : Thibault Pomares

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