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Pas de Trêve pour les Squatteurs

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Les squatteurs, expulsables même en hiver, veulent eux aussi pouvoir bénéficier de la trêve hivernale et ne plus être considérés comme des «sans droits ni titres». Des palettes du squat de la rue Valenciennes aux pilastres du Sénat, nous avons suivi ceux qui se mobilisent pour le rétablissement de cette trêve pour tous.

Les derniers chiffres du rapport 2014 de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement en France font froid dans le dos : 3,5 millions de personnes mal logées et 5 millions en situation de fragilité. La veille de la remise de ce rapport, une «Manifestive» pour le rétablissement de la trêve hivernale pour tous a été organisée devant le Sénat, à Paris.

D2Light

Histoire d’eau, d’or et de rue

Le squat Réquiz d’or de la rue Valenciennes dans le Xème à Paris aurait abriter un temps les bureaux de la société Histoire d’or, avant de rester vide de longs mois. C’est en tout cas ce qu’indiquent les quelques documents d’archives retrouvés sur place lors de l’installation des habitants fin décembre 2012.

Malik

Malick Murtay, lui, n’attend pas seulement de savoir si des bijoux en or se cacheraient dans le coffre-fort situé au sous-sol, dernier vestige des activités commerciales du lieu, il attend surtout le 21 mars, date à laquelle les habitants du squat dont il fait partie pourront être expulsés. « Ici, y’avait de l’eau, de l’électricité et c’était vide », raconte Malick Murtay, qui a posé son N’goni et ses bagages dans ce squat depuis plus d’an. Il n’est pas locataire, certes, mais il est tout de même « habitant » souligne-t-il et à ce titre, il demande à être lui aussi protégé par la trêve hivernale.

Avec un nom qui renvoie à l’image d’un cessez-le-feu militaire où l’on s’échangerait des clopes et du chocolat entre troupes ennemies dans un no man’s land accidenté, la trêve hivernale est, pour beaucoup de personnes, l’assurance qu’elles ne seront pas expulsées de leur logement avant l’arrivée du printemps. Établie par la loi du 3 décembre 1956, cette mesure avait été portée par l’Abbé Pierre dès 1954. Dernièrement en 2013, cette période a été rallongée de 15 jours (du 15 au 31 mars), mais cette avancée ne dissimule pas ce qui lui a été ôtée : elle ne s’applique plus aux habitants des bidonvilles et des squats depuis une loi de 1991. Cette décision a été réellement appliquée avec une jurisprudence du Conseil d’État en 2010. Une situation qui exaspère Malick

Des familles qui ont été élues au Droit Au Logement Opposable (DALO) habitent ici alors qu’elles sont prioritaires […]. Certains attendent depuis 5, 10, voire 15 ans. Ces personnes, plutôt que de rester à la rue, investissent des locaux vides.

(ndlr : La loi DALO a été votée en 2007, et donne à toute personne ayant fait une demande de logement et reconnue prioritaire le droit d’attaquer l’État si celui-ci ne lui propose pas de solutions adaptées à sa demande)

Jélila, autre habitante du Réquiz d’or, était au premier rang lors du parcours de la manif’, de la place de l’Odéon au Sénat. Un petit trajet pour elle, puisqu’elle a l’habitude de trimballer sa voix suave de Toulouse à Berlin pour porter la cause des mal-logés. Derrière un mégaphone certes, mais surtout derrière un micro, ses chansons sont là pour «faire réfléchir» confie-t-elle.

Extrait : «À Paris, 2 millions de mètres carrés inoccupés et bien chauffés, à vous de jouer…»

Alors pas question de laisser les gens à la rue : « réquisition », « solidarité », « humanité » autant de mots qui émaillent ses textes, sa vie, son engagement.

Des bâches, des masques et Duflot

Expulsée de son logement à Aubervilliers avec ses trois enfants, Fanta Soumahoro dort aujourd’hui sous des bâches dans la rue. 19 rue de l’avenir, qui plus est. Ce 14 janvier 2014, carrefour de l’Odéon, l’avenir est encore au bout de la rue pour elle et la centaine de mal-logés qui se sont regroupés. Au bout de la rue et de la manifestation, il y aura le Sénat où les sénateurs planchent en seconde lecture sur la loi d‘Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (Alur), autrement appelée loi Duflot. C’est au sein de ce projet de loi que Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL, veut un rétablissement de la trêve hivernale pour tous :

On nous dit que les arbitrages de Matignon ne sont pas favorables au rétablissement de la trêve hivernale pour tous, nous, on demande à Cécile Duflot de se mouiller, d’avoir un peu de courage…

Croquis babar

Il regrette également que l’expulsion des personnes qui squattent un immeuble soit automatique à partir du moment où le juge constate une voie de fait. «Cette loi est très favorable aux propriétaires» continue le co-fondateur du DAL, qui n’hésite pas à faire remarquer aux préfets que «c’est la loi du plus fort qui prédomine» et que, en attendant  «vous n’appliquez pas la loi de réquisition.» Évoquée pour la première fois dans l’ordonnance de 1945 émise par le Conseil National de la Résistance et reprise dans le code de la construction et de l’habitation, la loi de réquisition n’a pratiquement jamais pu être mise en œuvre.

Aujourd’hui, on compte plus de 90 000 logements mal ou très peu occupés à Paris. Environ 100 000 logements laissés vacants par leurs propriétaires et qui servent majoritairement à de la spéculation immobilière. Plusieurs associations s’alignent avec le DAL pour exiger un droit de réquisition de ces logements vacants. Depuis 2012, en Ile-de-France, seulement 412 logements vacants sur les 7 500 identifiés ont été soumis à une procédure de réquisition comme le révèle le 19ème rapport sur l’état du mal-logement en France. Les slogans lancés dans la marche vers le sénat font écho aux promesses des différents candidats aux municipales parisiennes pour améliorer l’accès du logement à tous. De Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) qui souhaite « construire plus » notamment en « zone très tendue » à Anne Hidalgo (PS) qui promet une meilleure mobilisation des immeubles vacants, la problématique du logement reste au centre des préoccupations. Albert Jacquard, l’Abbé Pierre, Louise Michel, Coluche, incarnés symboliquement dans le défilé pour le rétablissement de la trêve hivernale pour tous, par des masques en carton, une idée lancée par le collectif Les Engraineurs, ne pourraient qu’espérer que ce combat soit sans trêve.

LesCauses

Clément Moutiez
Dessins : Jennifer Urso
Formateur : Vincent Massot

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