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Présumé Terroriste

Publié le | par

Mustapha a été assigné à résidence suite aux attentats de novembre, soupçonné d’avoir des « comportements prosélytes » et de porter des « propos radicaux ». Il est finalement libéré le 23 février sur décision de justice. Après 3 mois enfermé dans les frontières de son village du Val d’Oise, il est libre aujourd’hui, mais « en colère », « humilié » et se sent désormais « étranger dans [son] propre pays ».

Depuis les attentats de novembre, on compte plus de 3000 perquisitions administratives et 400 assignations à résidence. Parmi elles, 27 assignations concernaient des personnes susceptibles de constituer une menace pour l’ordre et la sécurité publics dans le contexte de la conférence internationale sur le climat, abrogées après la fin de la COP21 en décembre. Les autres concernent la menace terroriste. Parmi elles, 41 ont été spontanément abrogées lorsque des éléments ont permis de lever les doutes sur la dangerosité des personnes concernées par les soupçons de terrorisme. Enfin, sur les 160 référés qui ont été soumis à la juridiction administrative, 11 suspensions ont été prononcées. Début février, 290 assignations à résidence étaient toujours en vigueur.

Des assignations à résidence facilitées par l’état d’urgence

Début 2015 déjà, la loi sur le renseignement offrait de larges possibilités à l’exécutif pour lutter contre les terroristes potentiels : toute personne présentant un risque pour « les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France » ou pouvant porter atteinte à « la formes républicaines des institutions » était dans le viseur.

Puis le 20 novembre 2015, le Parlement adopte à la quasi-unanimité la loi modernisant la loi de 1955 relative à l’état d’urgence en prorogeant l’application pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015. Puis le 9 février le Gouvernement soumet au Sénat une nouvelle loi de prorogation de l’état d’urgence pour une durée supplémentaire de trois mois.

L’exercice des lois change alors. Lorsque l’urgence ne façonne pas la loi, l’assignation à résidence est une alternative à un emprisonnement pour une personne mise en examen ou condamnée à une peine inférieure à deux ans. Elle est prononcée par le juge d’instruction, ou le juge des libertés et de la détention. Elle peut aussi être une alternative à un placement en centre de rétention pour un étranger devant quitter le territoire. Là, elle est prononcée par le préfet.

En temps d’état d’urgence, c’est le ministre de l’Intérieur qui peut assigner à résidence des personnes, qui ne sont soumises à aucune procédure judiciaire si leur « activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics », selon l’ article 6 de la loi de 1955.

Des décisions qui se fondent sur des dénonciations anonymes

Supprimées en 2002, l’usage des notes blanches refait surface avec l’état d’urgence. Ce sont de simples feuilles A4 sans nom ni origine, et qui rassemblent les faits, les actes et la manière d’être d’une personne mise en cause. Ces lignes puisent leur source dans les dires de voisins, de connaissances ou de fonctionnaires de l’administration.

Un système qui permet d’aller vite lorsque la situation le requiert. Mais les détracteurs de la méthode y voient la manifestation d’un état de non droit, qui ne rappelle que trop bien les époques sombres que la société française a déjà traversées…

De la présomption d’innocence à la présomption de culpabilité

Un autre point suscite la peur chez certains : la substitution de la présomption d’innocence par la présomption de culpabilité. C’est à dire, «  passer d’un contrôle judiciaire à priori à un contrôle administratif et et à postériori », explique l’avocat Colin Lebonnois. Ce qui laisse la place à une grande marge d’erreurs. Cinq personnes assignées à résidence dans le cadre de l’état d’urgence, puis libérées, ont dans ce sens porté plainte contre le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

Mais pour les défenseurs de la méthode, comme pour Patrick Ollier, député UMP, « c’est une mesure de précaution utile pour protéger la société ». Et selon lui, « il est préférable qu’il y ai des erreurs et que la société soit protégée ».

Deux peurs qui divisent

En fait, ce sont deux peurs qui divisent la société française : celle de la menace terroriste, et celle de se voir perdre les libertés fondamentales. Reste à choisir son camp. Pour le député du parti les Républicains, Philippe Goujon, « il faut un Etat de droit, avec des mesures qui n’entravent pas exagérément les libertés individuelles mais qui répondent efficacement à la menace que les français vivent ». Le choix est fait, comme pour près de 80% des français.

Mais faut-il nécessairement choisir entre les deux ? Car il semble que l’une ne va pas sans l’autre : pas de véritable sécurité sans liberté, ni de liberté sans sécurité. L’alliance des deux pourrait même conjurer une autre peur qui, celle-ci, concerne tout le monde : la peur de voir se diviser la France en groupe sociaux et communautaires qui ne communiquent pas, puis la peur de l’autre, avec qui je ne pourrai bientôt plus communiquer, avec qui je ne communique déjà plus. « Le meilleur moyen de préserver les libertés, c’est de mettre les dangers à l’extérieur ! » affirme le député UMP Jacques Myard. C’est pourtant là que nait la violence et l’insécurité, sur ce tissu social déchiré, répondent les chercheurs de l’Appel des appels. Lorsque je ne connais pas mon voisin, lorsque je m’en méfie. Et c’est sur ce même terrain là, disent-ils, que le cimetière de nos libertés est déjà visible.

« Pendant les grandes crises publiques, il n’y a pas de mobile plus redoutable et plus pernicieux que la peur. Même quand c’est la peur d’avoir peur. Même quand c’est la peur de faire peur, d’autant plus qu’en ayant peur de faire peur, on crée la peur ». C’est Léon Blum qui rappelait cela, en 1948.

Combien de temps ?

Combien de temps pourra-t-on tenir dans cet équilibre précaire, balancé de peur en peur ? Si, comme l’a dit le premier Ministre, l’état d’urgence doit durer jusqu’à extinction de la menace terroriste, il est temps de se parler, et se connaître. C’est dans ce sens que « l’Appel des appels invite le peuple français, et ceux qui prétendent le représenter, à se prononcer sur le type de société que nous voulons pour assurer notre sécurité. Ensemble, on a moins peur ».

Flore Viénot
N’Fanteh Minteh
Marion Despouys
Antoine Conort
Thibault Pomares

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