[INTOX] Le Vieux Scoop de VSD

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Del Debbio démontre comment VSD en rajoute. Un « scoop » réchauffé sur la présence de « deux » djihadistes français en Syrie. Pas d’infos exclusives, pas de photos. Juste un titre qui fait peur et qui vend du papier.

Exclusif : VSD du 20 septembre a un scoop du 7 septembre

A la une de l’hebdomadaire VSD daté du 20 septembre 2012, ce titre : « Exclusif : des djihadistes français engagés en Syrie. Un médecin français engagé à Alep témoigne »

VSD - 20-26 septembre 2012

En pages intérieures, deux pages intitulées« Des djihadistes français engagés en Syrie », suivies de quatre pages sur le chirurgien français Jacques Bérès, co-fondateur de Médecins sans frontières, qui a opéré pendant deux semaines à Alep sous les bombes.

Les exclusivités, ça m’a toujours intrigué, et j’ai donc dépensé 2,50€ pour avoir accès au scoop de l’hebdo.

Les images, d’abord. La photo de une a été prise par Goran Tomasevic à Alep en août. Recadrée, elle montre des combattants de l’Armée syrienne libre.

VSD - 20 septembre 2012

La photo de la double page est signée Bulent Kilic. Elle est légendée ainsi : « La légion étrangère : des milliers de combattants étrangers sont en Syrie pour faire triompher la guerre sainte. Parmi eux, des français. Depuis plusieurs mois, d’authentiques brigades internationales de djihadistes rejoignent le front syrien. » Elle fait partie d’une série de photos prise le 19 juillet, montrant l’entraînement du groupe djihadiste Hamza Abdualmuttalib près d’Alep. Quant à savoir avec certitude s’il y a des français dans ce groupe..

Le plus intéressant apparaît lorsque je parcours le contenu de l’article, à la recherche du scoop. On peut y lire le témoignage du chirurgien Jacques Bérès et d’un photographe:

« Un matin, en faisant la tournée matinale des chambres pour s’enquérir de l’état de ses patients, il entend parler français. « Deux frères, explique le chirurgien. Ils étaient de nationalité française et venaient du Maroc. L’un d’eux était blessé à l’abdomen. Ils citaient Mohamed Merah comme l’exemple à suivre. Ils étaient méfiants, mais ultradéterminés, robotisés même : des sortes de « machines à djihader. » Marc Roussel, le photographe qui a suivi le médecin à Alep confirme: « Deux jeunes français, de Seine-Saint-Denis, je crois. Ils m’ont menacé de mort si je prenais une photo. Lorsque Jacques a quitté la chambre, ils ont parlé entre eux en arabe, proférant les pires insanités contre l’Occident, les juifs et Israël. » Le reporter estime à plusieurs dizaines de milliers le nombre de djihadistes infiltrés en Syrie. »

Le seul problème de cet témoignage exclusif à propos de ces deux français combattants en Syrie, c’est qu’iln’est pas du tout exclusif.

En effet, dès son retour en France, Jacques Bérès n’avait pas attendu VSD pour témoigner. Ainsi, si l’on écoutait France Info le 7 septembre dernier, le chirurgien y donnait exactement le même témoignage. Lequel témoignage a ensuite fait l’objet d’une dépêche de l’agence Reuters le 8 septembre, ainsi que de plusieurs articles sur les sites du Nouvel Obs, de 20 minutes ou de TF1. Enfin, le 10 septembre, le Dr Bérès était interviewé par France 24 pour son émission « L’Entretien ».

sites infos

En outre, la présence de français parmi les combattants a déjà fait l’objet de quelques articles, tel celui du reporter Georges Mabrunot dans Le Figaro du 3 août.

En réalité, VSD avait un vrai scoop. Les photographies de Jacques Bérès à Alep, prises par Marc Roussel (hasard, le même photographe qui a pris le cliché de BHL et Stevens et Hertzog) publiées sur quatre pages dans ce même numéro. (1)

Le choix a été fait de monter en épingle les déclarations du chirurgien, qui avertissait pourtant dans la même interview : « Il y avait des Syriens, mais aussi beaucoup d’étrangers. (..) Ils affirmaient eux-mêmes qu’ils étaient venus pour le Djihad. Mais je ne veux pas faire de généralité. C’était simplement le cas de ma zone. Gare à l’effet de loupe. »

Gare à l’effet de loupe, en effet. Même si le Dr Bérès est, par son témoignage, à l’origine de cette information sur la présence de djihadistes français à Alep, à partir de combien de combattants peut-on titrer « Des djihadistes français en Syrie »? A partir de deux. Coup de chance, ils étaient deux. Peut-être bien de Seine-Saint-Denis, en plus. (2)

(1) Une interview de Jacques Bérès à Alep par AFPTV, reprise par BFM TV, montrant quelques vues de l’hôpital était visible dès le 4 septembre.

(2) Lors d’un précédent séjour à Homs, Jacques Bérès était mandaté par l’Union des Associations musulmanes de Seine Saint-Denis (UAM93), comme il l’affirmait lors d’une interview au JT de France 2 le 24 février 2012.

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