Dans les Coulisses du Palais de Justice

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Salles d’apparat, cachots, portes dérobées… Que recèlent les recoins du Palais de Justice de Paris ? Daxia Rojas est partie avec son appareil photo se perdre dans les passages plus ou moins secrets du Palais Parisien.

 

Vous êtes sûrement passés devant les grilles du Palais de Justice des centaines de fois sans y prêter attention. Certes, vous vous doutez que la Sainte-Chapelle érigée par Saint-Louis vaut le coup d’œil vu la masse de touristes qui campent chaque matin en file indienne devant l’entrée. Sachez pourtant que ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le Palais de Justice de Paris, ancienne demeure des rois de France où travaillent chaque jour des milliers de fonctionnaires compte au moins 24 kilomètres de couloirs, 7 000 portes et plus de 3 150 fenêtres. Fascinée par ce lieu atypique qui regorge de petits escaliers biscornus, souterrains oubliés et demi paliers baroques, j’ai eu envie d’en explorer tous les recoins.

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Demi palier au Palais de Justice (DR)

Avant toute chose, il me fallait un guide et pas n’importe lequel. Un guide capable de me conduire dans les endroits interdits au plus grand nombre. Un guide qui connaisse le Palais de justice comme sa poche. J’ai eu la chance de passer un après-midi avec l’huissier de l’Ordre des Avocats, M. André Fourcade, qui a bien voulu endosser ce rôle. Vêtu d’une queue de pie, d’un gilet noir et d’un nœud papillon, André est en quelque sorte le maître de cérémonie du Palais depuis 1976.

 

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André Fourcade, Huissier de l’Ordre des Avocats (DR)

Il veille à ce que les prestations de serments des jeunes avocats se passent sans anicroches et guide le cortège des magistrats et des avocats lors des cérémonies aux morts où son costume s’agrémente pour l’occasion d’une chaîne et d’une épée. Son prédécesseur logeait au Palais sous les toits de la Police Judiciaire :

« Il possédait un trois pièces. Dès qu’il sortait de l’Ordre, il montait tranquille. Il vivait au cœur du Palais. Ça n’existe plus tout ça,  plus personne ne vit dans le Palais. Les appartements sont devenus des secrétariats. »

Notre entretien a lieu au sein des locaux de l’Ordre des Avocats qui à eux seuls valent le détour. La salle du Conseil où nous nous trouvons est une pièce imposante. Sur les murs, de lourdes tentures de l’époque de Louis XIV qui symbolisent la Justice et l’Équité. Au plafond, des chandeliers qui éclairent d’une lumière tamisée les portraits d’illustres membres du Conseil décédés.

 

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Salle du Conseil de l’Ordre des Avocats (DR)

Lorsque je demande à André de m’indiquer des « passages secrets », il est dubitatif. Je suis pourtant persuadée que le Palais renferme quelques mystères. A force d’insistance, il évoque un souterrain reliant l’Ordre à la Bibliothèque de l’Ordre qui se trouve juste en face. L’endroit est vide, bas de plafond et fermé par une grille. Il abritait sans doute une chaufferie du temps où le Palais était un château de souverains.

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Souterrain qui mène de l’Ordre des Avocats à la Bibliothèque de l’Ordre (DR)

La visite se poursuit dans la Bibliothèque de l’Ordre. Au deuxième étage, la salle des conférences de la Bibliothèque est un lieu magique et solennel où l’on retrouve encore une fois des tapisseries royales. Des livres qui semblent dater d’un autre temps s’empilent jusqu’au plafond dans cet endroit qui accueille les joutes enflammées du concours d’éloquence le plus prestigieux du barreau : le concours de la Conférence. Chaque année douze avocats sont choisis par leurs pairs à l’issue de cette compétition rhétorique afin de représenter le Barreau à l’étranger et d’avoir la responsabilité des permanences pénales au Palais.

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Salle des conférences de la bibliothèque de l’Ordre (DR)

À quelques pas de là, André me confie un secret uniquement connu de ceux qui travaillent quotidiennement en ces murs : l’emplacement de la cantine du Palais.  Plafond voûté et ribambelle de colonnes, la dimension colossale de cette pièce surprend. Pas de panneaux indicatifs à l’entrée, rien qui ne laisse deviner qu’un immense réfectoire existe sous les pieds des passants si ce n’est l’odeur des mets qui exhale à travers les murs de pierres. La cantine est destinée au personnel permanent du Palais : gendarmes, pompiers, greffiers et certains magistrats. André m’apprend que la pièce contenait auparavant les grandes chaudières du château qui ont été déplacées. La surface en sous-sol du Palais serait donc aussi grande qu’au rez-de-chaussée, soit 200 000 mètres carrés.

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La cantine du Palais de Justice (DR)

Après cette parenthèse culinaire, nous filons direction la salle des Pas Perdus, qui correspond à la partie la plus ancienne du Palais, celle qui remonte à l’époque médiévale. On y trouve les chambres historiques du Tribunal de Grande Instance. Au fond de la Chambre des Criées, André me fait découvrir une tourelle bien dissimulée, la Tour d’Argent, qui date du XIVe siècle. La légende dit qu’on y aurait entreposé le trésor royal sous Saint-Louis, d’où son nom. Mon regard se perd en tentant de suivre les ondulations des marches.

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Tour d’Argent – (DR)

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Tour d’Argent (DR)

Nous terminons nos explorations par la visite de la Chambre dorée qu’on appelle aussi la Première Chambre. Dans ce lieu a siégé le tribunal révolutionnaire qui a condamné à mort Marie-Antoinette. La rumeur dit que celle-ci empruntait un petit escalier pour se rendre de son cachot à son procès. André n’est plus certain de savoir où il se situe ou s’il existe. Or, une porte sur le côté gauche attire mon regard.

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Première Chambre du TGI (DR)

 

La salle est vide, j’entrouvre la porte et tombe sur un escalier en colimaçon sombre, étroit, aux volutes infinies qui va des bas-fonds aux cimes du Palais. Avec André nous échangeons un regard stupéfait. Nous le descendons jusqu’à un souterrain fermé par une porte en fer. Le même chemin qu’a sûrement dû faire quelques siècles plus tôt la dernière reine de France avant son exécution. Je décide de le grimper pour voir où il mène, André ne me suit pas, il a peur que nous restions coincés. L’ascension n’en finit pas. Me voilà enfin dans les méandres du Palais. A bout de souffle je finis par découvrir une vue imprenable sur les toits de l’édifice. Une jolie récompense.

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Vue des toits du Palais de Justice (DR)

Le Palais recèle encore beaucoup de lieux méconnus, notamment les locaux de la Cour de Cassation auxquels très peu de personnes ont accès. Si vous êtes curieux, des visites guidées sont organisées pour vous permettre de percer les secrets de ces couloirs remplis d’Histoire. Attention tout de même à en profiter avant 2017, date à laquelle la Justice déménagera aux Batignolles dans des bâtiments modernes signés Renzo Piano.

Texte et photos : Daxia Rojas

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Les commentaires (10)

  1. Bravo, André. Vous êtes notre  » mascotte » , sans vous le Palais et le quotidien des avocats ne serait pas ce qu’il est: vous nous bichonnez, vous recueillez nos confidences, nos petits coups de déprime, nos joies après avoir gagné une affaire et tout ceci avec la plus grande discrétion. Vous vous occupez en plus de mettre le Palias en musique ce qui n’est pas rien et je n’ose pas penser au jour où vous quitterez notre Palais pour prendre une retraite bien méritée.

    Bravo pour la visite du Palais et la qualité des photos !

  2. Bravo bravo André
    Les photos sont superbes
    Tu es notre magicien du palais qui manie avec bio baguette et… appareil de photo
    C’est la douceur de l’ART qui rejoint la rigueur du droit
    MERCI
    Amitiés
    SONIA

  3. Bravo André, c’est délicieux d’être tranquillement assis à son cabinet et de profiter de cette visite du Palais grâce à vous, sans avoir la fatigue du lourd dossier sous le bras… Vous êtes si précieux ! Merci.

    Solange R. Doumic

  4. Bravo André pour ce reportage photos très intéressant et surprenant comment deviner tout ses passages secret et ses belles salles pleinnes d’histoire
    Catherine amie

  5. Bonjour Monsieur Fourcade,

    Un grand MERCI pour les photos. Les salles sont magnifique.
    C’est un endroit magique. A très bientôt o palais !

    Bien à vous.

    Lili GATIER

  6. Comme indiqué à la fin de l’article le texte et les photos sont de : Daxia ROJAS. Lire en diagonale est une mauvais habitude…

  7. Belles photos inhabituelles et bel hommage à Monsieur Fourcade qu’on a toujours plaisir à trouver fidèle au poste.

  8. Bravo à Daxia pour ces magnifiques photos; en particulier celles des escaliers en colimaçon des tours sont spectaculaires.
    Bravo André pour cette visite guidée avec la prestance de ton costume d’apparat.
    Toujours disponible, toujours prêt à rendre service.
    J’en sais quelque chose, toi qui a organisé des concerts au profit de NDIOUM, ville du SENEGAL dont je suis la marraine.
    Encore merci. Heidi