Les Internautes Comme des Vaches à Lait

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L’affaire Snowden est comme déjà oubliée et tout son lot de révélations avec : les écoutes massives, les accords entre agences secrètes, les partenariats contraints des majors du net au service desdites , les applis ludiques à télécharger avec leur virus intégré (AngryBirds…), les puces de constructeur munis de backdoor, les bases de données d’Orange et la DGSE, les câbles sous-marins piratés… Mais puisque on n’a rien à cacher…
Par contre, pas touche au porte-monnaie !

D’abord, toujours soigneusement éviter de publier un 1er avril : au regard de la liste impressionnante des programmes gérés mondialement par la NSA, il y aurait de quoi croire au canular. Et pourtant, on aimerait que cette liste mise à jour au fur et à mesure des révélations issues des documents de Snowden par les petites mains de l’hacktivisme ne soit qu’une mauvaise blague (http://5.135.188.147:3001/category/program)…

L’Europe, toujours l’Europe

La commission « industrie » (ITRE) du Parlement européen a dernièrement adopté son rapport sur la proposition 2013/0309 (COD) de règlement du Parlement Européen et du Conseil « établissant des mesures relatives au marché unique européen des communications électroniques et visant à faire de l’Europe un continent connecté, et modifiant les directives 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/22/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1211/2009 et (UE) n° 531/2012 ».

Cette proposition de règlement de la commissaire Neelie Kroes a été examinée dans l’urgence afin de pouvoir être votée avant l’élection du prochain Parlement européen.

De l’avis des hacktivistes qui suivent les travaux sur les réseaux numériques de la Commission Européenne et du Parlement Européen quotidiennement, le texte recèle de nombreuses failles pouvant donner à vivre l’Internet autrement. Ou comment les intérêts commerciaux à court terme de l’industrie des télécoms primeraient à nouveau sur l’intérêt général. L’objectif officiel est l’optimisation de la bande passante pour des « services spécialisés ». Terme suffisamment large pour ne pas savoir ce qu’il recouvre.

Le 3 avril, les eurodéputés statueront sur l’avenir de cette neutralité du réseau et de l’Internet ouvert en Europe.

Intérêts commerciaux

En gros, le rapport adopté permet aux opérateurs à établir des priorités dans les flux et sur la diffusion des datas sur le net : un Internet à plusieurs vitesses serait autorisé par ces discriminations commerciales.

Concrètement cela veut dire que les opérateurs vont pouvoir prochainement proposer des forfaits « limités » qui donneront par exemple uniquement accès au web. Un accès au reste d’Internet étant compris dans un forfait complémentaire. Ces grands groupes des télécommunications pourront aussi volontairement dégrader ou bloquer les connexions P2P (peer to peer), ou FTP (transfert de données) et vous demander de payer un supplément pour y accéder sans problème. Il pourront vous faire payer une option supplémentaire pour avoir le droit d’utiliser d’autres protocoles que le HTTP (par exemple pour récupérer vos emails en IMAP ou en POP3)… Même chose avec la VoIP.

Selon le Contrôleur européen de la protection des données :

Le principe de neutralité du Net serait dépourvu de sa substance

La liberté illimitée des fournisseurs de contenus à proposer des accords contractuels pour la priorisation de leurs contenus avec les FAI (fournisseurs d’accès à l’Internet) conduirait inévitablement à des conséquences anti-concurrentielles et discriminatoires à moyen et long terme.

Une attaque de plein fouet contre la neutralité du net

Du libéralisme dans un monde libéral me diriez-vous.

Quoi de plus normal ? L’usage commercial fait partie intégrante du réseau des réseaux et Internet est déjà le marché commercial mondial que nous connaissons.

Sauf que web et Internet ne sont pas synonymes ! Vous aviez du mal à vous y retrouver dans les forfaits téléphoniques ? Songez donc à ce que deviendra un forfait tripleplay sous cette nouvelle mouture. Exemple avec l’opérateur anglais PlusNet, chez qui l’internaute lambda a accès uniquement au web (Facebook, Google, YouTube, Twitter, son blog…) pour une somme fixe par mois. Mais si vous êtes un travailleur du net, ayant besoin de menus outils supplémentaires comme VoIP, FTP, VPN (réseau virtuel), SSH, SMTP…, vous pourriez être considéré comme un pro et devoir prendre l’abonnement mensuel majoré de 20 euros. Quant au forfait « download » (téléchargement) qui autorisera les protocoles de P2P, comptez 500 euros en sus… Vous l’aurez compris, la volonté finale est de séparer le web du reste. De là à imaginer, qu’en plus des protocoles, certains « sites » se retrouvent à terme, inclus dans ces services ? Par exemple, YouTube est un site web, donc à priori il n’est pas concerné, mais il pourrait être acté que les flux vidéos sont quelque chose de spécial, au même titre que la télévision sur IP et que YouTube peut être alors dégradé ou bloqué à la discrétion de l’opérateur.

La neutralité du réseau Internet est d’ailleurs une exigence indispensable pour garantir la liberté d’expression, de communication et d’information. Pour les citoyens, Internet est un service public essentiel, comme l’a reconnu la Cour

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de justice de l’Union Européenne (CJUE) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). C’est précisément cette condition de service public et de droit fondamental qui exigent la neutralité du réseau !

Mobilisation numérique

Aucun parti politique, syndicat, association… n’a entrepris d’organiser des réunions publiques et des manifestations pour défendre cette neutralité. Si ces révélations pouvaient enfin vous donner l’envie de participer à une action collective, plusieurs solutions s’offrent à vous :

– une ligne spéciale est mise à votre disposition pour que vous puissiez contacter gratuitement et directement les députés européens et peser sur leur décision de vote (http://piphone.lqdn.fr/campaign/call2/NetNeutrality-final-apr_14)

– un hashtag pour twitter de façon rassemblée #NetNeutrality

– une pétition http://www.avaaz.org/fr/eu_net_neutrality_sam_france/

– enfin un site dédié http://savetheinternet.eu à faire circuler.

Une mobilisation importante est attendue afin que les entreprises qui dominent l’économie numérique ne mettent pas en péril l’Internet tel que nous le connaissons. Ces failles devront être corrigées par le Parlement européen lors de son vote final en session plénière, ce 3 avril !

A quelques semaines des échéances électorales européennes, tout est encore possible, comme cela a déjà été démontré avec le précédent ACTA. Et le récent vote sur la « Marco Civil » au Brésil, affirmant l’importance de la neutralité du réseau pour les droits du citoyen devrait pousser le Parlement européen à travailler dans la même direction.

Il ne s’agit rien de moins que de la neutralité du réseau Internet et, par là, de la liberté d’expression, d’information et de communication des citoyens…

Lurinas

 

Mise à jour du 04/04/14 : lors de la séance plénière de ce jeudi 3 avril, les amendements déposés par les groupes sociaux-démocrates, verts, gauche unitaire et libéraux ont été adoptés. Ils définissent enfin rigoureusement la neutralité du net en écartant toute discrimination quant à la qualité de services optimisés. Une ultime étape doit permettre au Conseil de l’Union européenne de délibérer sur ce nouveau règlement les 5 et 6 juin prochains.

La forte mobilisation citoyenne semble donc avoir, encore une fois, porté ses fruits. Ce qui ne doit pas empêcher cette dernière bataille démocratique d’être communiquée au plus grand nombre pour garder à l’esprit que rien n’est acquis et que tout peut être modifié dans le dos des citoyens européens…

Sources

La quadrature du Net

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