Les Banlieues se Rebiffent, Certains Journalistes se Protègent

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Critiquer les médias est un combat difficile : au moment où la diffusion sur Public Sénat du documentaire « la Villeneuve, l’utopie malgré tout » est en péril suite à un référé émanant d’une journaliste impliquée dans notre enquête, voilà que les habitants de Bobigny attaquent M6 en justice pour « diffamation» contre un reportage de Zone interdite.

Vous devriez pouvoir regarder, samedi 17 octobre à 22h sur Public Sénat, le documentaire « La Villeneuve, l’utopie malgré tout » que nous avons tourné pendant un an dans la cité grenobloise. Mais une action en justice vise à en interdire la diffusion. Rappel des faits qui ont conduit à cette menace contre la liberté d’informer.

 

Ajout du 14/10/2015
Nous apprenons ce jour que le référé, c’est à dire l’action en justice, n’a pas encore été déposé par l’avocat de la journaliste plaignante. Nous n’en sommes donc qu’à la menace de référé (envoyé à la chaîne la semaine dernière) pour interdire la diffusion. Public Sénat maintien toutefois sa volonté de diffuser le documentaire à la date prévue, c’est à dire samedi 17 octobre à 22h00.

Envoyé très Spécial

Suite à la diffusion dans Envoyé Spécial en septembre 2013 d’un reportage au titre évocateur (La Villeneuve, le rêve brisé), des habitants du quartier de la Villeneuve lancent une action en justice contre France Télévisions, une première en France. Pour eux, le reportage ne donne à voir qu’une vision caricaturale du lieu où ils vivent, et ils en ont assez de ce regard biaisé que les médias portent sans cesse sur eux. En novembre de la même année, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) confirme cette analyse et dans un avis cinglant « déplore que seuls les aspects négatifs du quartiers aient été mis en avant, stigmatisant l’ensemble du quartier de la Villeneuve ».

Nous débutons notre tournage au Palais de Justice de Grenoble en juin 2014. Le tribunal va décider que la plainte des habitants est irrecevable, mais ces derniers ne baissent pas les bras, et nous allons témoigner d’un mouvement exceptionnel à l’échelle du quartier, de critique des médias et de tentative de construction d’une autre image à destination de l’extérieur.

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Un doc constructif

Dans notre film, produit par ON Y VA ! media, qui parle du rapport entre médias et banlieues, et qui va chercher la responsabilité du conflit des deux côtés (médias et habitants), nous avons utilisé des extraits de l’Envoyé Spécial en question. Devant le refus des auteur et producteur du reportage de s’exprimer dans notre film, nous avons été contraints de recourir au droit de citation qui prévoit que toute œuvre peut être utilisée sans l’accord des auteurs s’il rentre dans le cadre « d’analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». La loi prévoit bien que le droit d’auteur ne peut empêcher la liberté d’informer. Nous avons donc inclus dans notre film moins de deux minutes extraites de l’Envoyé Spécial, mentionnant à chaque fois la société de production Ligne de Mire ainsi que le nom de la réalisatrice Amandine Chambelland, respectant ainsi l’obligation de la loi.

Aujourd’hui, alors que le film a été présenté en avant-première par la chaîne Public Sénat dans sa conférence de rentrée le 29 septembre dernier, Amandine Chambelland assigne la chaîne en référé pour atteinte au droit moral et espère ainsi empêcher sa diffusion samedi prochain. Serait-il donc interdit de porter un regard critique sur la manière dont sont fabriqués les reportages ? Le « droit moral » de l’auteur peut-il devenir une menace pour un film documentaire qui veut ouvrir le débat démocratique à propos du regard que portent les médias sur les quartiers populaires ?

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10 ans après Clichy-sous-Bois

Mais une autre affaire, qui va une nouvelle fois opposer médias et banlieues, va prendre un tournant décisif cette semaine : en avril 2015 un reportage de Zone interdite « Quartiers sensibles : le vrai visage des nouveaux ghettos » est diffusé sur M6, les jeunes communistes de Bobigny décident alors de porter plainte pour diffamation et incitation à la haine contre la chaine. Ce vendredi 16 octobre, une audience de procédure va avoir lieu. Les plaignants sauront alors s’ils peuvent poursuivre leur action en justice. Le CSA a déjà donné un avis critique et demande que « la société veille dans son programme (…) à ne pas encourager des comportements discriminatoires en raison de la race, du sexe, de la religion, ou de la nationalité ». Les habitants de Bobigny continuent ainsi le travail initié à la Villeneuve en voulant rendre possible le recours à la « discrimination territoriale » quand un quartier se sent stigmatisé par un média.

10 ans après les émeutes de Clichy-sous-Bois, les banlieues nous montrent qu’elles ne veulent plus se laisser stigmatiser impunément.

Nous espérons que notre film pourra, grâce à sa diffusion, contribuer à cette réflexion.

Flore Viénot, Vincent Massot et John Paul Lepers

 

LA VILLENEUVE, L’UTOPIE MALGRÉ TOUT
Un film de Vincent Massot et Flore Viénot
Réalisation : Vincent Massot
Production: ON Y VA ! media / John Paul Lepers

Diffusion sur Public Sénat le samedi 17 octobre à 22h00
Rediffusions
dimanche 18 octobre à 9h00
samedi 24 octobre à 23h20
dimanche 25 octobre à 10h20
vendredi 30 octobre à 17h30

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Les commentaires (2)

  1. Courage les gros !

    Une petite recherche web et je découvre que cette « journaliste » affiche fièrement son « je suis charlie » et « informer n’est pas un délit » sur son facebook…miam

  2. bravo continuez c’est rassurant de voir que de belles initiatives se mnifestent il faut que des per(sonnes courageuses aillent au bout de leur idéal pour que le monde devienne meilleur