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LE PARIS DE KLAPISCH

Publié le | par

CINÉMA. Interview video

Sortie le 20 février du nouveau film de Cédric Klapisch sobrement intitulé « Paris ».
Une grande balade sensible dans le Paris d’aujourd’hui, une vision humaniste et tendre de la capitale à travers quelques uns de ses habitants, bien loin des municipales et de ses enjeux.

C’est une belle carte postale géante que le réalisateur nous envoie, par l’intermédiaire d’une dizaine de grands acteurs français (Juliette Binoche, François Cluzet, Romain Duris, Fabrice Luchini, Albert Dupontel, Karin Viard, Zinedine Soualem, Gilles Lellouche etc.) qui habitent leur ville et ce film chacun à sa manière.
Un film choral, selon l’expression consacrée, un scénario comme une grande tresse au sein de laquelle tous les destins se croisent sans pour autant se rencontrer pendant 2h30 de voyage.

C’est le 9eme film de Cédric Klapisch, qui bénéficie cette fois-ci d’un budget conséquent et d’un casting de luxe, des moyens rares pour un film français, moyens que Klapisch a gagnés de haute lutte, après plusieurs très grands succès commerciaux (l’Auberge espagnole, Les poupées russes) et quelques grands succès d’estime qui lui ont valu la reconnaissance de public et du métier (Riens du Tout, Le péril jeune, Chacun cherche son chat, Un air de famille).

A quelques jours de la sortie de « Paris » , Cédric Klapisch met un soin particulier à la promotion de son nouveau bébé, car il est très conscient de la fragilité des films français et de l’énorme impact du marketing sur le cinéma contemporain.
C’est à la fois en tant que réalisateur et Président de la SRF (Société des réalisateurs de films) qu’il a reçu la Télé Libre il y a quelques jours dans les locaux de sa société de production « Ce qui me meut ».

Il nous parle de son film (un peu) et de la lettre qu’il a envoyé le 6 novembre dernier à Nicolas Sarkozy, au titre de président de la SRF, pour l’alerter sur les menaces graves qui pèsent aujourd’hui sur le cinéma français et européen, et plus simplement sur la culture.

reportage : Nathalie Leruch et Joseph Haley

La lettre de Cédric Klapisch à Nicolas Sarkozy, un plaidoyer pour la culture:

« Le 6 novembre 2007

Monsieur Sarkozy, vous demandiez récemment à Mme Albanel, ministre de la culture et de la communication, de relancer la démocratisation culturelle en la définissant: « La démocratisation culturelle, c’est veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public. » Cette petite phrase anodine cache en fait le drame qui touche depuis quelques années le secteur du cinéma.

Il y a dans la culture, comme dans le rugby, des fondamentaux… Et ce n’est pas seulement à vous que je m’adresse ici, mais à tous ceux qui font aveuglément confiance aux « attentes du public », sans mesurer à quel point la diversité culturelle est ainsi menacée.

Vous vous inquiétez avec justesse d’une maladie française qui s’appelle l’élitisme. C’est vrai, on a souvent reproché au cinéma français d’être snob, prétentieux, intello, « prise de tête », et je dois vous avouer que je l’ai aussi beaucoup pensé.

C’est même assez étrange pour moi de m’être battu pendant des années pour affirmer la nécessité d’un cinéma populaire et de me retrouver à défendre aujourd’hui un cinéma non pas élitiste mais « culturel ». J’ai toujours pensé qu’on pouvait faire des films commerciaux en refusant de prendre les spectateurs pour des imbéciles. Je crois à une « troisième voie » qui refuse la sempiternelle opposition: film d’auteur, film commercial.

Un député européen me demandait récemment: « Pourquoi n’y a-t-il pas d’Harry Potter européen? » Est-ce réellement ce que vous attendez tous? Est-ce là votre seul rêve culturel: un film absolument sans auteur et sans saveur dont la seule valeur est d’être un succès? Je comprends que, dans d’autres domaines, vous soyez en attente de résultats industriels. Mais, dans le cinéma, nous préférerions que les personnalités politiques nous incitent à être originaux ou audacieux, plutôt qu’à faire du chiffre.

Aujourd’hui, ce qui nous inquiète, nous, réalisateurs, c’est d’assister à la lente et insidieuse disparition de ce qui pourrait surprendre ou éveiller le public. Il y a de fait un appauvrissement culturel dans notre pays et les élites n’envisagent même plus de travailler à le ralentir. Je m’inscris ici dans la même démarche que Pascale Ferran aux César. Avec la Société des réalisateurs de films (SRF), nous remarquons, comme elle, à quel point la situation se dégrade rapidement, et il devient urgent de réagir.

Si notre métier contient une part de rêve, être « réalisateur », au sens littéral, c’est rendre réels ces rêves. Si nous aidons les spectateurs à fuir la réalité avec nos images, notre but est aussi que ces images les renvoient autrement à la réalité. Le cinéma doit sans doute divertir, mais il doit aussi avertir. Un réalisateur doit plus aider les gens à se « tourner vers » qu’à se « détourner ». Il ne doit pas « endormir », mais donner à voir, informer, éveiller la curiosité.

Woody Allen m’a averti des paradoxes du couple. Federico Fellini m’a éclairé sur les mystères de la masculinité, Jane Campion sur les mystères de la féminité. Jean Renoir m’a parlé de ce qui dépasse les classes sociales, Charlie Chaplin de ce qui n’échappera jamais aux classes sociales, Abbas Kiarostami de l’intelligence contenue dans la simplicité, Jean-Luc Godard de la simplicité contenue dans l’intelligence, Martin Scorsese de la beauté de la violence, Alain Resnais de l’horreur de la violence, Pedro Almodovar du fantasme contenu dans le réel, Alfred Hitchcock du réel contenu dans le fantasme…

Tous ces cinéastes m’ont aidé à vivre. Ils m’ont autant diverti qu’averti. Ils m’ont aidé à aborder des problèmes quotidiens sans me donner de leçons. Ils m’ont donné des éléments de réflexion sans que je sache que c’était de la réflexion. Ce « reflet » du monde n’est pas juste un effet de miroir, c’est ce qu’on appelle un regard. Bizarrement, plus ce regard est personnel, plus il sera universel. Moins il sera consensuel et formaté, plus il sera général. La culture a ceci de particulier qu’elle n’est pas conçue a priori pour satisfaire le public, même si au fond elle s’adresse à tous. On pourrait croire qu’avec Internet il y aura toujours plus d’espaces pour plus de films. Non! Paradoxalement, plus on ouvre de fenêtres et plus les portes se ferment. La multiplication des espaces de diffusion accentue la logique de l’Audimat et l’omniprésence des block-busters. Le résultat: un formatage sans précédent des oeuvres.

En matière d’environnement, on sait aujourd’hui que seule l’audace politique peut infléchir les effets pervers de l’industrie. En matière culturelle, il devient indispensable de contrebalancer les effets pervers du marché. Nous ne voulons pas une culture assistée, nous voulons une culture protégée.

Je me souviens de La Voce della Luna, le dernier film de Federico Fellini. Il y mettait en garde l’Italie contre les méfaits de l’acculturation, et notamment le rôle destructeur et abêtissant de la télévision. Aujourd’hui, Fellini est mort, et avec lui Pasolini, Visconti, Antonioni, Rossellini, De Sica et bien d’autres. Et avec eux, quelque chose d’essentiel a disparu en Italie. La cinématographie italienne des années 1940 à 1980 était diversifiée, il y avait aussi bien des grands films populaires que des films difficiles. Ce qui est mort là-bas, ce n’est pas le talent, ce n’est pas une époque… ce qui est mort, c’est la politique qui a déserté le terrain de la culture au profit du divertissement et du populisme les plus mercantiles.

Il est difficile d’inventer une politique qui aide la création, mais le manque d’idées politiques mène à l’acculturation. Se borner à laisser faire le marché en matière de culture, c’est tuer la culture. »

Cédric KLAPISCH

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Les commentaires (14)

  1. belle gueule d’intelligent et de rayonnant personnage, qui mériterait d’ê^tre un peu plus entendu.. et beau talent de l’intervieweuse…

  2. j’adore le travail de klapisch, son obsession à parler de l’individu et du groupe tout en restant léger et rayonnant (pour reprendre l’adjectif du commentaire précédent) est un vrai bonheur, il porte, je trouve, un regard plein de tendresse et d’amour sur ses personnages – je ne connais pas quelles sont ses références mais pour moi cédric klapisch est vraiment un cinéaste unique en son genre

  3. Merci, tout est dit !
    Et ce qui est valable pour le cinéma est valable pour tout objet culturel.

  4. Il en est de la culture comme des fromages… A trop vouloir qu’elle soit accessible à tous, on en vient à la vider de sa substance, de son goût, de ses particularités.
    Alors, vous me direz que l’intention est bonne, qu’il est bel et bon d’instruire les masses populaires… Que je prône l’élitisme, comme l’est ce cinéma Français vu de l’autre côté de l’atlantique…
    Que nenni mes amis! Ce que je n’aime pas, c’est que sous prétexte de « démocratiser » la culture, on en vient à la vider de sa substance, de ce qui fait d’elle un moteur pour l’homme.
    Si l’on veut élever l’homme, ce n’est pas en rabaissant la hauteur des immeubles qu’on y arrivera! Mais en l’aidant à grimper les étages, un à un, aussi hauts soient-ils.
    Cette paupérisation de l’esprit me fait horreur. J’abomine ce formatage intellectuel et culturel.
    Ors donc, si il faut galvauder nos pensée sous prétexte de les rendre « accessibles » , autant les garder pour soi, et tant pis pour ceux qui ne font l’effort de vouloir les découvrir!
    Je sais que je risque de me faire taper sur les doigts par les commentateurs éclairés qui s’expriment sur ce fil, mais tant pis. J’assume. J’en ai marre également de ce mépris à peine déguisé qu’affichent les consommateurs de la culture Mac-do à mon égard, dés que je fait référence à un auteur que personne n’a lu.
    Alors, traitez moi de snob, de pédant, j’ai l’habitude… Sauf, qu’avant ça me faisait mal. Maintenant je ne transige plus.
    Je veux garder mes Chabichous, mes Saint-nectaires et autres Bruccios… Moi je les aime mes fromages!

  5. Pas besoin de changer grand chose à mon avis .
    Il suffit de soumettre un critère supplémentaire au contrôle du CSA, qui est bancal en ne considérant que les caractères porno et violent des programmes . Ils ont oublié le caractère débilitant .
    Niveler par le bas pour éviter le glissement des cerveaux trop fragiles .
    C’est une question de sauvegarde de la race humaine pour éviter sa dégénérescence à plus ou moins long terme .

  6. Pas moi! Au contraire je suis fier du « Petit Journal » qui montre que notre président-élu-démocratiquement sait saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent. C’est avec ce genre d’initiatives individuelles, cette culture de la réussite que la France relèvera la tête et bombera le torse, montrant à ses colonies et au reste du monde, sa puissance et sa gloire, pour les siècles et les siècles! Amen.

  7. J’ai regardé .
    Evidemment, GD06, vu sous cet angle, c’est vrai que c’est « brillant » .
    Je n’ y avais pas pensé !

  8. Quelqu’un peut me redonner le lien de ce « tout ce qui brille » qui a l’air fort intéressant ?

    Merci

  9. Ce qu’il dit sur les pays d’europe de l’est vrai et me fait mal. Ces pays sont très américanisé, mais nous n’en sommes pas loin. Ca me fait mal au coeur de voir qu’il n’y a plus que des séries américaines sur les grandes chaines. Et surtout pour les plus jeunes. Les idéologies étasuniennes risquent d’être forte chez les plus jeunes. Il faut qu’on se reprenne en main, car on ne peut en vouloir qu’a nous même qui créons l’audience. Puisque nous sommes dans une sorte de marché de la culture, soyons des consommateurs actifs.

  10. Remarquable interview de Cédric Klapisch… »PARIS » s’inscrit dans les meilleurs films de l’année, avec une interpretation de Romain DURIS à la hauteur d’un César !!!!