Note des auteurs

Sport anglo-saxon par définition, le rugby évoque dans l’imaginaire du grand public les terrains verdoyants des « colleges » britanniques, le « fighting spirit » irlandais ou l’incontournable « haka » néozélandais. Sur la terre sableuse de Dakar, la capitale sénégalaise, le rugby existe aussi. Dans une région où le football est roi, son cousin éloigné, frondeur et gouailleur, tente de se faire une place.

Une maison pour l’ovalie

« La Maison du Rugby » a vu le jour en juillet 2009 grâce à l’initiative de la Fédération Sénégalaise de rugby. Yoff, petit village de pêcheurs de la banlieue de Dakar, aux abords de l’aéroport international Sédar Senghor, voit alors apparaître une nouvelle espèce de sportifs. Dans leurs mains : un ballon ovale. La Maison Du Rugby (MDR) accueille aujourd’hui environ 150 enfants et adolescents – garçons et filles – âgés de 5 à 17 ans, qui pratiquent tous le rugby et qui sont majoritairement issus des classes défavorisées de la capitale. En plus de la dimension sportive qui constitue le cœur du projet, l’association est engagée dans une politique éducative et culturelle. Comme le dit Guédel Ndiaye, président de la Fédération Sénégalaise de Rugby mais également président de la MDR, le but est de « sortir les enfants de la rue et d’en faire des hommes ». Les responsables cherchent à ouvrir leurs jeunes joueurs à différents centres d’intérêts, en donnant des cours d’alphabétisation, de civisme, d’hygiène, d’échec ou d’informatique.

À 17 ans, les joueurs les plus « vieux » quittent la MDR. Le réseau du petit monde du rugby à Dakar permet parfois de favoriser leur insertion professionnelle dans une ville où beaucoup de jeunes pensent pouvoir trouver un emploi en Europe. Au Sénégal, région du monde où le rugby est longtemps resté « l’affaire des blancs » – le rugby y est encore essentiellement pratiqué par l’armée française en poste à Dakar – la réinterprétation des principes et de ses usages de ce sport par des Sénégalais fait écho à l’émancipation du pays, mais aussi aux rapports de force qui existent toujours avec la France, l’ancienne puissance coloniale.

La vie de la MDR et la pratique du rugby donnent aussi à voir les échanges qui existent entre garçons et filles et dévoilent les discriminations que subissent ces dernières. Avec une soixantaine d’inscrits en 2009, la Maison Du Rugby a vite vu ses effectifs augmenter et un tiers des adhérents sont aujourd’hui des filles. Alors que les principaux sports sénégalais, le foot et la lutte, sont principalement dévolus aux hommes, la MDR a ouvert ses portes aux filles et prône une mixité dans la pratique sportive.

Notre documentaire, humain, haut en couleur, donne la parole aux animateurs, aux joueurs et aux entraineurs. Cela tout en montrant de nombreux moments de vie associative et d’entrainements de rugby sableux et burlesques. Le film a été réalisé de manière indépendante et par la seule force de notre volonté. Nous souhaitons qu’il soit diffusé et partagé au plus grand nombre pour clore cette belle aventure.

Réalisation : Étienne Crépin, Thomas Loubière et Charlie Duplan
Montage : Aurelien Buÿs