LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DU GARD

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LIBRE POST


UBU A UN NOUVEAU COPAIN, EDGARD

Philippe Maréchal, notre correspondant dans les Cévennes, nous envoie la (longue) lettre qu’il vient d’adresser aux autorités de son département, le Gard. Il est question d’un certain « Edgard », qui applique un règlement, dont la logique échappe au lutin des Cévennes, à sa fille qui fréquente Edgard, et à nous même…

Lettre ouverte à Monsieur le Président du Conseil Général du Gard.

Monsieur le Président,

Quand le petit bus jaune et flamboyant, aux couleurs du Conseil Général, arborant fièrement son petit drapeau « Edgard » sur le toit est arrivé au bout du pont où je l’attendais avec ma fille, je me disais qu’on avait bien de la chance, à Valleraugue, dans ce petit coin perdu du haut Gard, de bénéficier de ce service de transport scolaire gratuit, grâce au travail du Conseil Général du Gard dont nous pouvons être fiers.

Le bus s’est arrêté après sa marche arrière et puis en ouvrant la porte, tous les deux, avec ma petite fille, on a dit bonjour au chauffeur.  Après nous avoir poliment  répondu, il s’est retourné, puis il a dit à ma fille qui s’installait sur le fauteuil et mettait sa ceinture: ‘aujourd’hui, tu seras toute seule dans le bus…tes copines n’ont plus le droit de le prendre, c’est ainsi. C’est en application d’une décision qui limite l’utilisation du transport scolaire gratuit à moins de 3 km de l’école…’

Bien sûr, vous ne manquerez pas de me faire remarquer qu’il s’agit là d’une interdiction toute relative, car, moyennement la modique somme de 15 euros par mois et par enfant, deux enfants, trente euros…il redevient possible à ses petits camarades de reprendre le bus qui est gratuit à plus de 3 km, et qui est payant à moins de 3 km.

Le bus qui vient donc jusqu’ici, en ce bout de ligne, situé à 3, 7 km, de l’école, grâce soit rendue au sept cent mètres, s’en retournera donc avec ma petite fille assise bien sagement toute seule dans le bus.

Bien sur, le petit garçon voisin qui habite donc avec ses parents dans le même hameau que nous part lui en voiture tous les matins avec sa maman, puisque d’une même logique, un règlement exclut de ce transport scolaire gratuit à un enfant scolarisé en classe maternelle, et toc, qu’il patiente jusqu’au CéPé, avant, la messe a été dite en haut lieu, ce n’est pas vraiment de l’école. Je précise; monsieur le président que nous ne manquons jamais de nous saluer comme il convient, ma petite fille dont je suis fier qu’elle fréquente le CE1 et moi et la maman du petit garçon qui, pas de chance est encore à la maternelle, nous nous saluons dans la plus pure tradition républicaine et de bon aloi, à force de coucous et de revers de mains lorsqu’ils passent devant nous en voiture et que nous attendons le bus Edgard, flambant neuf, jaune et orné du petit drapeau si joli. Bien sûr on sent bien que quelque chose cloche dans le dispositif du règlement,  ce qui accentue notre sourire crispé face à une situation aussi ubuesque, à savoir, les deux enfants vont à la même école, à la même heure, pour l’un le transport est gratuit, pour l’autre non… Qu’importe puisqu’ils seront ensemble dans le bâtiment de l’école primaire et publique qui porte sur son mur, à la peinture et en effigie, Liberté, Egalité, Fraternité, mais pas pour les maternelles et les Cépé et les autres classes.

Ma petite fille passera donc devant la maison de ses petites copines, située à 2,9 Km seulement de l’école. Elle passera en regardant ses petites copines et petits copains qui eux, la regarderont passer dans le bus où elle sera seule avec le chauffeur. Ils pourront méditer ainsi sur l’effet doplaire et autres avantages de la physique étudiée dès l’âge de la maternelle. D’autres enfants situés sur le même parcours en resteront à faire de même et à regarder ma chère petite qui doit son privilège à quelques dizaines de mètres, tandis que papa ou maman tireront la manette du starter pour démarrer la bagnole.

Songeons un seul instant à l’erreur funeste de nos infortunés voisins qui, s’ils avaient élus domicile  et signé en bonne et due forme un bail dans le poulailler au fond de leur jardin au lieu d’habiter benoitement leur maison en location, auraient pu bénéficier, en gagnant quelques mètres précieux en amont, du transport scolaire gratuit pour leurs enfants.

Bien sur, je n’aurais pas l’outrecuidance d’insister sur l’aspect bien trop sentimentalisme et par là trop émotionnel qui n’a rien à faire dans les colonnes comptables et rigoureuses qui consiste à déplorer la tristesse toute contenue de ma petite fille, seule dans le minibus et dans l’incompréhension partagée de ses petits camarades la voyant passer sans « Edgard » pour eux.

Bien sur je n’aurai pas de reproches inconsidérés et mal venus à l’encontre du chauffeur qui intègre et honnête s’en tient, nous a t il dit, au règlement.  Le règlement c’est le règlement, lui règle sa conduite, vous les règlements. Bien sûr, je n’aurai pas d’observations sur le processus de réflexion qui vous a amené jusqu’à cette décision surement mûrement réfléchie. Bien sûr, je me dis que comptable des deniers publics qui s’évanouissent à mesure que la crise s’installe dans les consciences,  qu’assujetti à des problèmes liés à la décentralisation, au report des compétences sur les Régions et aux budgets qui peinent à suivre,  vous avez surement pris cette décision au sein de votre respectable assemblée démocratique en pleine logique qu’impose ces temps difficiles à la République.

Je me permettrai toutefois simplement cette remarque  qu’en dehors de l’implacable logique donc, qui conduit à cet état de fait, qu’à plus de 3 km c’est gratuit, qu’à moins c’est payant, que les parents des autres enfants, en seront réduits à conduire eux mêmes leurs enfants à l’école, face à ce surcroit de dépense. Rien de grave, le citoyen se met à l’honneur de l’effort national pour redresser les comptes publics; mis à part, qu’en adaptant en même temps leurs horaires de déplacement de travail pour ceux qui en ont, à ceux des enfants, y compris pour ceux qui en ont plusieurs, voire en combinant astucieusement les diverses obligations de transport régissant nos petites vies de consommateurs ruraux qui participent en patriotes à la toute désirée croissance et habitués aux heures passées sur nos routes bucoliques de montagne, pas moins que vous, monsieur le Président du Conseil général, nous regardons à la dépense,  et à la campagne,  tout à chacun, aussi peu fortuné soit il, cet état de fait réduisant le temps imparti à faire ses comptes, donc lui permettant de passer plus de temps sur la route, tout à chacun regarde à la dépense, combien même fut il obligé de posséder un véhicule.

Loin de moi d’imaginer qu’à l’imitation des générations précédentes nous ferions mieux de regagner les villes mettant ainsi un terme à cette idée pourtant rassurante que pour des petits revenus, il vaut mieux, à l’instar d’Alphonse Allais mettre la ville à la campagne et résider loin des centres urbains où tout est plus cher, même avec le bus et les joies du RER ou du tramway, et qu’à nouveau désertée la campagne serait ainsi moins couteuse en services publics.

Non, juste cette petite réflexion, en ces temps de restrictions et de cogitations intenses à propos de divers problèmes dont ceux d’économie d’énergie et de déplacements carbone, auxquels j’en suis sur, vous êtes en premier lieu, nos élus, sensibles,  inconvénients à l’origine semble-t-il du début de l’interrogation sur l’effet de nos comportements sur le réchauffement planétaire ainsi que sur l’opportunité de cette partie croissante du budget des ménages consacrée à l’automobile, 13% j’entendais hier à la radio nationale et de Culture, je m’essayai à toutes sortes de calculs ou m’énonçant autant de problèmes posés, à la manière de la Communale ressuscitant les joies des colles dignes du certificat d’études primaires.

Quelle économie réalise ainsi un mini bus en ne s’arrêtant pas devant des enfants étonnés, bouches bées, sachant qu’ils le voient passer ainsi dépourvu du sens même qui le vouait à l’honneur de ce service public?

Quelle économie réalise ainsi la collectivité en provoquant au petit matin le démarrage de plusieurs véhicules individuels pour parcourir ce même chemin , sachant qu’ils suivent ou précèdent le minibus Edgard?

Quelle économie réalise cette micro société en  temps imparti au transport individuel d’enfants situés sur le même parcours sachant qu’un seul véhicule et chauffeur déjà employé à cette tache passera  ce temps imparti avec un seul enfant à son bord?

Quel sens donne t’on à cet état de fait qui égaie notre petite route de campagne par une circulation accrue sous le vrombissement de plusieurs moteurs sachant qu’un seul y contribuerait?

Quel sens donne t’on au travail de notre chauffeur respectueux de ses obligations sachant qu’il passe sans s’arrêter devant les enfants qu’il prenait auparavant?

Quel sens donne t’on à nos enfants sur la nécessité de l’effort collectif face à la montée de l’individualisme?

En quoi une politique d’un conseil général situé à gauche diffère t elle sur ce point d’une politique située plus à droite, qui va dans le sens de faire payer aux citoyens les services qu’ils se rendent à eux mêmes sachant qu’ils relevaient jusque là d’une volonté politique plus collective, voir le tri des déchets, la tendance pour la gestion de l’eau et la remise en cause des services de façon plus générale?

Certain de votre attention et de celle de vos collègues de l’assemblée du Conseil Général et sûr de votre dévouement aux problèmes de vos administrés, je me permets ainsi d’attirer, non sans malice je vous l’accorde, votre regard sur ce point de réflexion que je me tenais ce matin lorsque j’accompagnais ma petite fille au bout du chemin, après le pont. Je me disais que les règlements qui régissent nos petites vies de citoyens ordinaires recèlent dans leur  caractère implacable cet inestimable source de réflexion sur l’écart qui subsiste entre les hémicycles et la réalité des chemins d’écoliers, dans nos campagnes où le son des galoches de bois ne résonnent plus sur les chemins poussiéreux depuis longtemps, où il va de l’économie de nos petits émoluments qui nous tiennent de salaire comme il en va de la fragilité je n’en doute pas de votre budget. Allez, autant vous le dire avec sans doute trop d’insolence, deux enfants, trente euros, deux cent francs dit mon vieux voisin qui a passé le cap de l’ancien au nouveau, y’en a qui réfléchissent et se disent, tant pis, je prendrai ma voiture, quel dommage monsieur le président…

Espérant retenir votre attention ainsi que celle des élus qui vous secondent et qui ont la lourde charge de souspeser le poids des règlements et en qui nous gardons notre confiance d’administré, je vous prie d’agréer Monsieur le Président du Conseil Général du Gard, l’expression de mes considérations respectueuses et citoyennes.

Philippe Maréchal
Villemejane, 30570 Valleraugue.

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Les commentaires (16)

  1. Merci maréchal ! vous avez certainement fait vos humanités en littérature cette prose vous sied à merveille et sent bon le guard sauvage!car des humanités en aritmétiques et autres chiffres que nenni : alors c’est quoi la règle puisque vous avez mis les deux!!!
    faut il etre à plus de 3 km pour avoir la gratuité?

    Il est vrai que pour les autres c’est tout simplement ubuesque et cornigouillesque. un coup de moteur c’est là qu’ca consomme le plus un coup d’arrêt un coup de moteur et vite un coup d’arrêt au moins j’espère que ces voitures mettent moins de temps que les petitszenfants se lavent mieux les dents et les mains..;

    Corniguidouille essayez d’arranger cela avant les froids ou importer un nouveau maitre dans le hameau du Père Philippe et de ses concitoyens voisins et voisines…

    psiit i love philippe’s blog!

  2. Belle plume, malicieuse et bien affutée.
    Il est bon parfois de toucher du doigt l’absurdité d’une gestion comptable …dépourvue de sens commun…je pense à Devos…qui aurait aimé ce genre de paradoxe.

    Et maintenant, à quand un film de Philippe ?

  3. Une sacrée gestion de bouts de chandelles en effet !
    Cette histoire du petit bus jaune edgard et des petits écoliers de la vallée est édifiante !
    J’espère que les enfants et les parents de ces belles contrée parviendront à libérer edgard du joug des vilains et qu’il pourra enfin de nouveau ramasser les écolier sur le bord de la petite route sinueuse.
    Mais moi, si j’étais ta pitchounette, j’écrirai au même président une lettre encore plus ambitieuse :
    Je demanderais non seulement qu’edgard n’oublie aucun enfant sur le côté de la route, mais en plus j’exigerais que ce soit le « chat-bus » comme dans Totoro !
    Rien que pour ça, je serai prêt à retenter mon CP !

  4. Courage les enfants tous les grands ne sont pas les même! C’est quoi la suite? Suppression d’Edgard pour cause de faible fréquentation?

  5. L’idée que les enfants écrivent au CG me séduit..Merci Francky.

    J’avais proposé ça à mes élèves une fois au sujet d’une absurde histoire d’animaux ( nos petits lapins) interdits dans l’école, suite à une circulaire de je ne sais quel sinistre ministre.
    Il lui ont écrit en argumentant en faveur de nos lapins et leur demande a été entendue et une autorisation accordée.
    Quand les enfants s’en mêlent, ça touche davantage.
    Allez, les petits !!!

  6. une solution radicale :

    _ Prévenir le bureau des transports scolaire de la mairie que dans le cas où le car ne passerai pas prendre l’élève, ce dernier ne pourra aller en cours; et que cette information sera transmise par la même occasion à l’établissement scolaire.

    Le résultat est réglé dans la journée.

  7. une solution radicale serait que les politiques ouvrent en grands les oreilles et les yeux et soient réellement à l’écoute des citoyens qui se sont déjà réunis à ce sujet avec un conseiller général impuissant jusqu’ici à infléchir ces collègues…mais sur de leur bon choix et leur à propos ils restent comme on dit « droits dans leurs bottes » attitude qui n’est pas l’apanage d’un bord ou de l’autre on peut s’en rendre compte, non seulement le ridicule ne tue pas mais il n’arrive même ) blesser ce qu’on appelle l’amour propre…

  8. Demain, tout le monde bouge !!!
    On repousse les RV, on lâche le hamac, on laisse le phoque tranquille, zou !

  9. Et si tu en parlais à ton cher maire… Lui qui un temps espéra se retrouver dans cette noble assemblée départementale te trouvera une bonne explication j’en suis sûr… Ou une solution comme prendre en charge les 15 € par enfants ! Vite le vote qui ne fait rien bouger le lutineur !

  10. Voilà des propos à l’aigre douce qui exhalent une étrange haleine d’acétone, celle de quelqu’un qui reste sur sa faim et ronge son amertume, nourrie aux fausses évidences et aux conseils alambiqués. Non le maire, qui ne m’appartient pas, ni est pour rien, c’est bien là où je m’adresse que les choses seraient en train de bouger .

  11. Bonjour.
    J’a été étonné par l’application de cette règle dite des 3 kilomètres dans un autre département que le mien (l’Isère) .
    Du coup, j’ai cherché, et j’ai trouvé …
    L’article 1er du décret n° 69-520 du 31 mai 1969 (qui curieusement est signalé comme abrogé) précise que l’état ne participe au ramassage scolaire que lorsque les bénéficiaires se trouvent à plus de trois kilomètres de l’école.
    Tous les départements, je crois, appliquent cette règle.
    voir : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006061647&dateTexte=20101019
    C’est, je pense, le texte sur lequel s’appuie « Edgard » pour justifier sa position.
    Vous n’êtes pas victime d’une décision spécifiquement gardoise.

    Cordialement

    jlm38070

  12. merci pour cette précision Jim, le royaume d’Ubu dépasse largement la Comptée du Haut Gard…

  13. C’est effectivement une règle ubuesque, mais les départements ont le choix de l’appliquer ou non..MERDRE !

    Le mien ne l’applique pas !!!

  14. Un appel ou SOS
    Bonjour tout le monde : nous les victimes du temps de plomb, survivants des boucheries des jours ambigus ; commises par la première police du premier gouvernement après l’indépendance en 1956. Nous adressons des messages à tous les défendeurs et les observateurs du droit des hommes opprimés et torturés contre les deux administrations le C.C.D.H, leur cadre administratif : Mr Moussadak Abdelhak qui avait confisqué sans aucun droit le manuscrit du journal confidentiel de notre ex organisation secrète des sacrifiants <> créée en 1954 pour combattre les occupants,qui avaient exilé notre père spirituel le Roi Mohamed Ben Youssef et l’indépendance du royaume. Aussi le bureau de l’I.E.R à qui nous avions déposé nos dossiers complets acceptés avec numéro et accusé de réception pour demander l’équité et la réconciliation, malheureusement nos demandes sont mis dans leur corbeille depuis 2004/2005.Tout ce que nous demandons c’est une réconciliation avant de quitté ce monde ; beaucoup de nos camarades étaient décédés durant cette longue attente. Nous sommes des vieillards de plus de 74 ans.Ce n’est pas logique et c’est injuste dans un pays de démocratie ,de transparence et de justice comme le royaume du Maroc de maltraiter des sacrifiants qui ont lutté contre le colonisation et participé pour l’indépendance de leur pays et le retour de l’exil de leur père spirituel le sultan Mohamed ben Youssef .Nous confions notre plainte à tous ceux qui défendent le droit de l’homme .visitez notre site http://www.monadamat abnaa mohamed elkhamis//// email ://[email protected]::::::::::