[Ciné] Je pense, donc Je jouis !

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Découvrir le plaisir féminin, c’est ouvrir par la petite porte le vaste champ de la situation des femmes dans nos sociétés. Le film documentaire ‘We are coming’ poursuit la quête de l’émancipation féminine et conclut que seul le combat féministe pourra faire advenir des relations saines et équilibrées entre les sexes. Par son expérience personnelle, Nina Faure touche du doigt l’immensité du chantier, toujours en cours depuis des dizaines d’années.

Tout part d’un petit questionnement sur le plaisir féminin et intime. Et le fil sera tiré pour mener jusque dans les multiples facettes du combat féministe. Cette chronique sociale, pour toute personnelle qu’elle est, retrace sans aucun doute le parcours de nombreuses autres femmes quand vient l’heure d’ouvrir les yeux sur son environnement relationnel et tendre l’oreille en son Moi. Les paroles libérées et les groupes constitués viennent le confirmer.

Tranches de vie

Le film de Nina Faure débute il y a dix ans, alors qu’elle a 27 ans. Elle prend conscience en 2013, sur le tard, comme des milliers voire millions d’autres, qu’une partie de son corps lui était restée quelque peu inconnue. Comme LaTéléLibre n’a pas manqué de le relayer, le clitoris (son anatomie, son fonctionnement…) est de plus en plus médiatisé, juste retour des choses pour contrebalancer l’obscurantisme dans lequel il a été relégué depuis toujours, par la Science elle-même qui n’en a fait un objet d’étude qu’en 1998…

Dans ce même élan qui pousse la réalisatrice à brandir la caméra, de nombreuses initiatives verront le jour, et pas des moindres.

Nous suivons Nina Faure cependant qu’elle s’interroge, avec quelques autres femmes, sur cet état de l’égalité des sexes, qu’elle impulse l’organisation de groupes de discussion, qu’elle dévore les études et autres parutions qui la mèneront vers la recherche de l’émancipation collective, dans les vicissitudes du combat féministe.

A travers cette chronique au long cours, l’intimité est mise en lumière et le traitement égalitaire de ces questions laissées en déshérence est imposé, les pistes de réponses trop longtemps tues sont abordées auprès d’enseignantes, d’éducatrices, de sociologues et d’activistes.

Et derrière cette révélation sexuelle, c’est bien toute l’exploitation des femmes en divers domaines qui surgit. Si bien que le film évolue finalement et interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour mettre fin à cette exploitation, sur les forces en présence, sur les efforts attendus de chacun…

Les coups de butoir contre la domination masculine se font plus prégnants depuis octobre 2017, s’accélèrent à l’occasion de mouvements d’ampleur (#metoo…). Mais ce type de manifestations, ce genre d’événements sont-ils des moments historiques ou de simples artefacts médiatiques ? Des changements profonds sont-ils véritablement en cours ?

Comment abattre efficacement le patriarcat ?

D’aucuns jugeront un tel réveil exagérément combatif. C’est pourtant faire abstraction de multiples éléments prégnants et occulter un pan entier d’analyses sérieuses, de réflexions étayées. Derrière la déconsidération du corps féminin en général, de son plaisir sexuel en particulier, c’est toute une articulation sociale et sociétale qui aura œuvré.

Que chacun des hommes se rassure : la « révolution féministe » que Nina Faure appelle de ses vœux comme tant d’autres, ne met aucunement en danger la masculinité. Seule la masculinité patriarcale vise à être annihilée par icelles.

Véritable sacerdoce, car le patriarcat infuse et impacte en différents niveaux dans nos sociétés, plus ou moins insidieusement et depuis des centaines d’années.

Le film ne cache pas se référer à la grève générale pour arriver à ses fins, sur la base de celle qui s’est déroulée avec un certain succès (bien que temporaire et circonscrit) à l’Islande en 1975.

Nina Faure ne politise pas le corps des femmes et ses enjeux connexes et annexes. Non, c’est la place de la femme et avec elle son corps et sa sexualité qui sont éminemment politiques en nos sociétés. Avec un paroxysme accompli sous le sceau d’une société industrielle dans laquelle nos modes de pensées, nos mœurs baignent. La vision et l’action visent donc plus largement : le patriarcat, pour toute conséquence qu’il ait, se trouverait évacué à la suite de l’abolition de la société qui l’aura engendré. Dans La subsistance, il est justement question de tenir en un même combat les questions féministe, écologique et économique. Et la transformation profonde prônée permettrait par effets dominos de modifier durablement les rapports entre les sexes, de voir se déployer une société déterminée par la réciprocité plutôt que par la concurrence, base ouvrant la voie à des relations harmonieuses, renversant la grande transformation qui considérait comme naturel que l’économie (mondialisée, libérale puis néolibérale) détermine notre type de société.

Rien n’est plus faux. Et il est grand temps d’une émancipation intellectuelle de tous pour prétendre fédérer afin d’obtenir des changements pérennes et viables.

« Il n’y a pas réelle transmission des savoirs depuis les écrits des années 1970. Seul un travail militant et de terrain perce car la violence institutionnelle reste très forte. Cela provoque beaucoup de travails gratuits, en résonance finalement avec ce qu’est la place de la femme dans la société [c’est-à-dire une place régie par le travail domestique non rémunéré et non reconnu, ndlr] »

Idéalement, la réalisatrice espère que les hommes prennent part à cette lutte.

Les mots ont un sens, les concepts une histoire. Aussi, les rapports de domination, dans la sexualité notamment, ne sont pas apparus ex-nihilo. Il serait opportun de les jauger, de les juger, de les déjuger

Lurinas

Séances

https://www.wearecoming-lefilm.fr/voir-le-film/

Lectures conseillées

La subsistance, une perspective écoféministe, de Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen (éd. La Lenteur)

La volonté de changer, les hommes, la masculinité et l’amour, de Bell Hooks (éd. Divergences)

Notre corps, nous-mêmes, livre actualisé collectivement (éd. Hors d’atteinte)

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