[Hollandie] J’Aime Les Banques !

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Après Snowden dans le secteur du renseignement, c’est le franco-italien Falciani qui révèle au monde les pratiques illicites d’une banque de renom, par le truchement de 127 000 fichiers informatiques dévoilés. A travers HSBC, c’est toute la machinerie illégale du système banco-financier qui est mise au pilori. Depuis 2008 et la crise financière mondiale, comme un point d’acmé des turpitudes d’un secteur opaque et encore peu inquiété. A éclater entre deux doigts !

Devenus des colosses, les banques se révèlent douées pour prendre des risques inconsidérés. L’objectif court-termiste étant un retour sur investissement rapide et conséquent sous couvert de l’assurance d’un sauvetage étatique, tant leur faillite menacerait l’ensemble du système bancaire et donc les nains de l’économie réelle que nous sommes. Ou comment le risque systémique fait le jeu de l’aléa moral au dépend de la collectivité. Petit rappel des derniers scandales financiers qui trouvent leur prolongation dans la parution d’un livre fleuve. Il y avait tellement de tenants et d’aboutissants, qu’on s’apprêtait à en oublier ; cela aurait été dommage…

SwissLeaks

La révélation du LuxLeaks avait déjà montré comment des milliards d’euros de recettes fiscales avaient été déplacés vers le Luxembourg entre 2002 et 2010 par de nombreuses entreprises, dont des banques (BNP Paribas, Dexia, UBS…). Dans le cas du SwissLeaks, la fraude fiscale massive implique la filiale de HSBC en Suisse et a été révélée lors de la remise d’un listing informatique (encore une histoire de lanceur d’alerte…) et relayée médiatiquement par un consortium de journalistes. Outre que l’argent n’a pas d’odeur, nous découvrons ( ?) que l’argent ne connait pas de frontière.

203 pays sont concernés, 130 000 personnes morales et physiques, pour un montant total de 250 milliards de dollars. Pour la seule période de novembre 2006 à mars 2007 ! Via des montages financiers à travers des sociétés écrans (une vingtaine de mille), pour la plupart domiciliées dans des paradis fiscaux (dits offshore), de nombreuses personnalités fortunées (dictateurs africains, vedettes du show-business, sociétés privées…) étaient démarchées dans l’optique de fraude et d’évasion fiscales (et pas seulement d’optimisation), soit dissimuler au fisc de son pays de résidence ou d’activité tout ou partie de leurs revenus.

Curieuse banque que HSBC. Du commerce international des drogues dures au blanchiment d’argent des cartels mexicains et colombiens et du terrorisme, en passant par la manipulation du marché des taux de change et des taux interbancaires (voir infra) et le financement politique frauduleux, entre autres, la banque originaire de Hong Kong fait scandale depuis ses origines. Sans grande inquiétude et désagrément jusqu’à maintenant.

Outre la révélation de ces listings, le vaste système d’évasion mérite toute notre considération pour ce que ces circuits donnent à voir de la mondialisation de la finance. D’après Mondafrique, on y retrouve le rôle actif du Qatar (décidément au centre de toutes les attentions, plénipotentiaire et omniprésent…).

Des révélations qui auront aussi mis en lumière un rapport tendu entre certains médias britanniques et allemands et l’énorme annonceur qu’est HSBC, par des pressions au retrait de budgets publicitaires. Et plus largement entre les médias et les annonceurs voire les actionnaires bancaires (belle histoire que celle du Crédit Mutuel CIC propriétaire du groupe de presse régionale EBRA, de Libération et Rothschild, etc.).

Avec OffshoreLeaks, la Commission européenne elle-même estime à 2000 milliards d’euros (132 milliards annuellement pour la France) le manque à gagner dû à la fraude fiscale en Europe (évasion, impôts impayés, etc.). De quoi revoir son jugement sur l’austérité appliquée aux populations européennes et les stratégies envisagées pour recouvrer les sommes envolées ? C’est dire en tout cas l’impact conséquent qu’ont ces scandales sur les États.

Économie réelle

Les banques consacrent de moins en moins d’argent au financement de l’économie réelle (prêts aux ménages et aux entreprises). Pour se tourner finalement de plus en plus vers les placements spéculatifs. Ainsi, à titre de comparaison, le montant notionnel de la spéculation de la Deutsche Bank et BNP Paribas équivaut chaque année au PIB mondial, soit environ 100 000 milliards d’euros. Plus de 9 produits dérivés sur 10 sur le marché de gré-à-gré sont traités entre acteurs financiers, ce qui pose un problème criant d’équilibre des investissements entre l’économie réelle et la finance strictement spéculative.

Aussi, le volume des transactions financières dans l’économie mondiale était en 2007 plus de 70 fois supérieur au PIB mondial (ratio de 15 en 1990), cela étant dû à une croissance exponentielle des produits dérivés, ceux qui font tant s’apeurer. Tandis que les échanges de devises pèsent pour 5300 milliards de dollars par jour. Oui, oui ! Soit 2 millions de milliards par an ! 25 fois le PIB mondial. Vertigineux, non ? Avec des retombées sans commune mesure dans l’économie.

Pourtant, cette économie réelle a été largement et subséquemment impactée par la crise financière (issue du scandale des subprimes), les États et les institutions tentant d’en amortir le choc par des versements d’aides nombreuses voire innombrables : soit 22 000 milliards d’euros entre 2007 et 2009 versés par la Fed (banque fédérale américaine) et 5 000 milliards d’euros d’aides autorisées par la Commission européenne entre 2008 et 2012, sans grandes conditions et/ou obligations. Où il est alors question de la privatisation des profits et de la socialisation des dettes…

Heureusement, la France peut compter sur ses anges gardiens. Mais d’ailleurs, que valent nos banques françouaises ?

Les banques universelles

Nos fameuses banques universelles. Qui résistent aux stress-tests de manière convaincante. Qui sont la preuve de la réussite financière « à la française ». Nos bijoux de l’économie mondiale. Elles sont nées dès 1984 à la faveur d’une loi bancaire cousue de fil d’or. Banques de dépôt (ou de détails) et d’affaires (ou d’investissements) réunies, elles seraient plus fortes car plus diversifiées. Tellement solides qu’elles n’ont pas hésité à être renflouées de 360 milliards d’euros depuis 2008 sous forme de garanties de prêts interbancaires pour assainir leur situation critique.

D’après le blog Les-crises, 3 de nos plus grandes banques peuvent laisser craindre le pire au regard de leur bilan annuel publié (avec BPCE Banque Populaire Caisse d’Epargne, ces 4 mastodontes sont dits systémiques en ce sens que leur faillite pourrait mettre tout le système bancaire en péril ; 4 sur les 14 systémiques que compte l’Europe et sur les 29 groupes bancaires mondiaux, beau palmarès). Et en cas de faillite, ces banques mixtes ont alors le défaut d’exposer directement les dépôts des particuliers. Une paille si l’on se réfère aux chiffres officiels : les banques françaises détiennent dans leur bilan plus de 2000 milliards d’euros de placements sous forme de titres et des encours notionnels de plus de 90 000 milliards d’euros. Ce qui vaut bien une petite vision plus précise de la situation de nos mégabanques, dont les détails laissent rêveur et perplexe.

BNP Paribas  est la première banque française. Composée de 800 filiales, elle pèse autant que le PIB de la France (soit 2000 milliards d’euros) avec des engagements notionnels qui s’élèvent à 42 000 milliards d’euros pour des fonds propres de moins de 72 milliards d’euros. Rien que de très normal…

La Société Générale (plus de 750 filiales) a des actifs qui se montent à 1200 milliards d’euros (prêts en cours et titres détenus) avec des montants notionnels de produits dérivés de l’ordre de 19 000 milliards d’euros. Pour des fonds propres d’une quarantaine de milliards d’euros. De quoi voir venir en cas de défaillance des marchés efficients…

Le Crédit Agricole, dans le même ordre d’idée, a 14 000 milliards d’euros d’engagements par-delà ses près de 700 filiales. Avec 62 petits milliards de fonds propres. La banque verte joue dans la cour des grands.

Affolant ? Apparemment pas… La plupart des engagements se compensant, tant que tout va bien sur les marchés… Et, garantie suprême, nos banques universelles ont passées avec succès les épreuves de stress tests imposées en Europe. Même s’il est vrai que le niveau des simulations a été décidé par la Banque Centrale Européenne (BCE) de façon arbitraire, loin de niveaux maximaux ayant vraiment permis de tester les capacités de chaque établissement (les simulations théoriques étaient d’ailleurs moindres que les paramètres de la crise qui a frappé in real life le secteur financier en 2008 !). Et que les nombreuses interconnexions entre les banques n’ont pas été prises en compte. C’est ballot…

Mais l’important est d’avoir franchi les obstacles hypothétiques et d’avoir redonné confiance aux déposants pour éviter un bank run. Des scénarios qu’avaient passé sans encombre les banques irlandaises avant le drame, si cela peut vous finir de vous rassurer… Et pourtant, sur les 13 banques françaises examinées, l’une ferait faillite en une semaine et une autre en 3 mois.

Nous pouvons nous demander comment les banques peuvent être engagées à de tels niveaux ? C’est en grande partie grâce aux effets de levier (un facteur déduit du montant des actifs par rapport aux fonds propres), la partie des investissements qui font décupler les forces (même si les effets de levier des banques, de l’ordre de 25 à 30, tout de même, restent inférieurs à ceux des hedge funds, fonds spéculatifs dont l’effet de levier peut être supérieur à 50). C’est un des effets les plus retors : cet effet de levier permet ainsi à une petite filiale d’accumuler des dettes plusieurs fois supérieures à ses fonds propres. Là où les entreprises et les particuliers limitent leur endettement (souvent au plafond imposé de 30% de leurs revenus), les banques ont des effets de levier considérables. Ce qui leur permet d’engranger d’autant plus de bénéfices. Mais en contrepartie, avec des risques plus importants, les mettant en situation de faillite instantanée si une faible portion de leurs engagements notionnels venaient à perdre leurs valeurs (faible portion suffisante pour représenter leurs faibles fonds propres). Une faillite qui se répercuterait à nouveau (risque systémique) car la plupart du temps les dettes d’une banque sont détenues par d’autres banques. Au final, c’est ce ratio d’endettement élevé qui pose problème.

 

Catalogue non exhaustif de l’imagination des têtes d’œuf

Brèfle, faire de l’argent, beaucoup d’argent, coûte que coûte et fissa ! Et pour cela, l’imagination semble sans borne.

Matières premières

Des banques anglo-saxonnes (Morgan Stanley, Goldman Sachs…) et 4 françaises (BNP, Crédit agricole, Société générale et BPCE, cocorico !) ont contribué il y a 4 ans, en investissant 600 milliards d’euros sur des produits financiers dits de placement (2,5 milliards d’euros pour les françaises), à faire exploser les prix du blé, du maïs, du riz, du soja, entre autres matières premières alimentaires. Elles sont les principaux spéculateurs sur ces marchés, en pariant sur les prix des matières alimentaires (le marché à terme). Des émeutes de la faim dans les pays pauvres s’étaient déclarées, en 2008 et 2010 notamment, face à cette flambée des cours. Une instabilité des prix qui fragilisent les petites structures agricoles des pays pauvres et en voie de développement et les agriculteurs eux-mêmes. Fait révélateur : 3% des contrats sur des matières premières se concluent par la livraison de marchandises (et donc 97% sont le seul jeu de spéculations incessantes).

Contrairement à leurs engagements, les banques françaises n’ont pas renoncé à réduire ces activités spéculatives spécifiques. Voire même les ont augmentées (hormis le Crédit Agricole qui semble avoir mis fin à cette activité sur les marchés agricoles et alimentaires).

Dès juillet 2015, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) encadrera la spéculation sur les matières premières. Comme aux États-Unis, les établissements financiers français qui ne sont ni producteurs ni consommateurs finaux de ces produits ne pourront détenir qu’un plafond de volumes de matières premières. Une mesure qui n’est pas encore mise en place dans l’Union Européenne (UE).

Certaines banques anglo-saxonnes vont déjà plus loin en devenant propriétaires d’entrepôts de stockage de métaux ou matières agricoles. De quoi permettre une spéculation à outrance en stockant un maximum quand il s’agit de faire monter les prix, et inversement (déstocker pour faire chuter les cours). Tenir les deux côtés du manche, voilà une solution payante et pérenne. La bataille entre géants se déplace maintenant sur la spéculation des terres arables, dont les effets sur l’économie locale des pays africains se font déjà cruellement sentir. Des spéculations donc infinies, sur la faim.

Taux interbancaires

Certaines banques se sont entendues pour manipuler sciemment le Libor, le taux auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles (sur marché monétaire de Londres, et idem pour le taux Euribor interbancaire européen). Ce taux est calculé chaque jour en fonction des annonces des taux d’emprunt divulgués par chacune des principales banques mondiales. Ce taux de base sert de référence à de nombreuses transactions financières dans le monde, soit à fixer les taux d’intérêts de plus de 800 à 1000 trillions de dollars de produits financiers (crédits par carte bancaire, prêts hypothécaires…).

L’intégrité et la fiabilité de ce taux est donc essentiel pour le bon fonctionnement de l’économie réelle. De faibles variations ont alors de grandes conséquences financières. C’est d’ailleurs en ce sens que la spéculation sur ce taux peut être rentable, d’autant plus aisément quand les banques se retrouvent en position de juge et partie dans l’affaire…

En attendant, des millions d’emprunteurs ont donc payé, pendant des années, un taux d’intérêt truqué. Les amendes infligées par la Commission européenne n’ont pas été recouvrées par les victimes (1.7 milliards au total, c’est dire l’ampleur de la fraude sur les Libor et Euribor).

Emprunts toxiques

Dexia est depuis lulure la principale (mais pas exclusive) banque prêtant aux collectivités locales et territoriales et aux établissements publics. Reprise par l’État français, suite à sa quasi-faillite en 2011 consécutive à la crise financière, elle s’est révélée avoir été un acteur prépondérant dans la contractualisation des emprunts dits toxiques. C’est-à-dire des prêts structurés présentant un taux fixe mais combiné à des options exotiques insondables pour les non-initiés que sont une bonne partie de nos édiles. Soit des contrats adossés au franc suisse, au yen, au dollar, à l’inflation, au cours du pétrole… Des remboursements d’abord légers mais qui s’avèrent ensuite devenir des taux effectifs globaux très importants. Une entreprise de prêts très lucrative à terme.

Une manière pratique aussi pour les collectivités, il faut le signaler, d’investir à moindres coûts pendant la mandature et de laisser peser sur les finances publiques locales le coût réel de la facture finale, dans un avenir plus lointain…

Paradis fiscaux

Ce n’est plus un secret pour personne : les banques recèlent de dizaines voire de centaines de filiales dans des pays attractifs fiscalement (360 pour BNP Paribas, 104 pour le Crédit Agricole par exemple). Pour les françaises, préférence est faite à l’accueil fiscal du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Belgique. Mais elles peuvent aussi compter sur l’Irlande, la Hongrie, le Portugal, Hong-Kong, les Iles Caïmans, les Bermudes, Singapour et la Suisse. Si la transparence est maintenant une obligation légale (listing des filiales et de leur géolocalisation), resterait à publier les montants des profits générés dans chacune d’entre elles pour avoir une idée plus précise des activités qui s’y déroulent.

Les banquiers braqueurs

De part leurs activités plus ou moins illégales, les fraudes et crimes plus ou moins révélés, des procès envers les banques pourraient être envisagés. Rarement pourtant ceux-ci sont conduits à terme, les grands groupes bancaires préférant transiger en payant des amendes (transactions pénales) plutôt que de donner publicité à leurs activités de l’ombre (un « Shadow Banking System » qui pèserait 50 000 milliards d’euros). La Société Générale pourrait en être prochainement d’une sanction aux USA pour des violations d’embargos américains par sa filiale suisse. A l’instar de BNP Paribas déjà ponctionné de 6,6 milliards de dollars pour les mêmes raisons.

D’ailleurs, les grandes banques payent plus d’amendes qu’elles ne versent d’impôts ! Un genre de taxe sur le droit à frauder. Sans grande dissuasion donc.

Cette propension à ne constater que de rares condamnations pénales de personnes morales et/ou physiques à donner à qualifier ses acteurs de « banksters ». Leur établissement bancaire respectif était « too big to fail » (risque systémique, chantage à l’emploi…), ces impunis de fait profitent du nouvel adage : « too big to jail ». Et ce malgré les crises répétitives, globalisées, dont les conséquences sociales sont importantes. Le crime à col blanc ne craint pas l’application des lois ; et de fait, les fraudes sont inversement proportionnelles au nombre de poursuites, de façon de plus en plus prégnante depuis les années 80 (époque de la fraude américaine aux caisses d’épargne qui aura coûté 125 milliards de dollars ; bien loin des 13 trillions qu’a nécessité le sauvetage américain actuel !).

Brèfle, le secteur financier a bénéficié de plus de 5000 milliards d’aide des 27 États de l’UE entre 2008 et 2012 avec très peu de contreparties et des poursuites judiciaires à peine effleurées de l’esprit. Car les institutions publiques semblent convaincues que les banques sont indispensables, au point que des sanctions à leur encontre et des condamnations de leurs dirigeants risqueraient de compromettre la bonne marche du monde.

Pourtant, il est permis de ne pas renoncer à condamner les responsables et c’est l’Islande qui montre encore la voie (elle avait déjà fait la preuve qu’une réfection constitutionnelle était possible par le peuple, via une Assemblée Constituante). Depuis 4 années qu’un procureur spécial a été nommé, des investigations sur les crimes économiques et le secret bancaire sont diligentées. Il faut dire que les dégâts de la crise financière des subprimes ont été importants dans l’île avec la faillite des 3 principales banques du pays qui ne pouvaient faire face à leurs engagements à hauteur de 10 fois le PIB national ! Finalement, les enquêtes ont mené à des mises en examen ; et ces dernières ouvrent droit à des peines de prison ferme pour de nombreux PDG et dirigeants incriminés dans la débâcle. Et l’administration et les politiciens ne sont pas épargnés.

Trading Haute Fréquence

C’est la nouvelle boîte à malices de nos banquiers. Encore appelé THF, cette technique de trading est très peu réglementée. Le THF combine la vitesse à la micro-seconde et des volumes d’échanges incommensurables. Ce qui n’était pas palpable par sa dimension financière gigantesque devient invisible par sa rapidité. A la frontière de l’ubiquité. Les techniques de manipulation s’en trouvent décuplées : les algorithmes sont propriétaires, insondables et ultra-sophistiqués, les ordres passés aussi vite annulés (c’est le cas pour 90% d’entre elles !)… Brèfle, de la manipulation à grande échelle de la concurrence, pour singer une position, intoxiquer et tromper les adversaires de données insignifiantes, les faire trébucher pour en récupérer leur mise. Tactiques de combats rapprochés pour des gains réguliers et substantiels.

Là où le marché attend des liquidités, le THF n’apporte que du volume. L’intérêt se retrouve donc bien mince pour l’économie réelle.

En sus, les automates sont particulièrement nerveux. De quoi provoquer parfois des menaces d’emballement, par mimétisme des robots informatiques, comme ce crash rapide du 6 mai 2010 (-9.2% du Nasdaq en dix minutes, soit 1000 milliards de dollars envolés !) au cours duquel la bourse de New-York a dû suspendre les cotations… pour les annuler et les reprendre à leur cours antérieur. On efface tout et on recommence. Trop voyant. Flash rouge.

Flash rouge tendance stroboscope ? Car le THF représente déjà 50% des transactions sur les marchés en France (75% aux États-Unis) et cette tendance va à la hausse. Faut-il donc craindre une majoration des micro-crashs dans un futur proche ?

Mais d’ailleurs, quel est l’intérêt d’une cotation journalière et instantanée ? L’économie se porterait-elle moins bien si les indices boursiers étaient uniques et quotidiens? Hebdomadaires même, soyons fous ? En tout cas, nous voilà bien loin du principe de la criée qui prévalait à la bourse de Paris il y a encore une trentaine d’années.

Déontologie et morale

La plupart des banques françaises (BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole en tête) financent les industries de l’armement (nucléaire notamment), des travaux controversés par leur impact environnemental (barrage au Congo, mine charbonnière menaçant une barrière de corail en Australie), le secteur du charbon, l’aide à l’accaparement des terres, le secteur des hydrocarbures, la prospection et l’exploitation des gaz de schistes, etc. Il faudrait aussi souligner le rôle des banques françaises (Société Générale, BNP Paribas, entre autres) dans les circuits financiers qui ont permis à d’honorables dictateurs africains de détourner des fonds publics et de l’argent issu de la corruption à leur fin personnelle (les fameux biens mal acquis). Ces lessiveuses africaines sont dévoilées au fur et à mesure des enquêtes des juges d’instruction français saisis par une plainte de l’ONG Sherpa.

Tout cela et tellement plus encore malgré les chartes dont les banques se sont dotées. Une éthique affichée mais dont la mise en pratique souffre de multiples arrangements avec les intérêts pécuniers. Pourtant, certaines banques étrangères ont réussi à exclure totalement de leurs portefeuilles les investissements touchant à l’éthique et la morale. Sans qu’elles ne s’en portent plus mal apparemment.

Pendant ce temps-là, les administrations en charge du travail législatif ou du contrôle et les entités financières s’échangent leurs personnes compétentes. Un jeu de chaises musicales qui n’est pas sans entériner une vision unique d’un monde commun des intérêts particuliers. Une porosité et une consanguinité qui expliquent bien des freins et des revirements décisionnaires de nos exécutifs.

Ainsi, tout dernièrement et pour ne citer que cet exemple, le ministre de l’économie et des finances français est-il issu des rangs de la banque Rothschild (cependant que Benoit de la Chapelle a été transvasé d’une cellule européenne dédiée à la Taxe Tobin vers la fédération bancaire française). Mais le pantouflage n’est pas une exclusivité française : l’ancien ministre des finances du Luxembourg vient de passer à la vice-présidence de la Deutsche Bank, un ancien dirigeant de la banque suisse UBS est devenu responsable de l’autorité de contrôle en charge de la surveillance des banques suisses… Voilà pour les plus récentes nominations interchangeables !

Le livre noir des Banques

Avec toutes ces révélations égrainées au fil de la crise financière globale et alors que la réforme bancaire attendue a laissé place à un retrait des bonnes intentions régulatrices, il fallait un pavé littéraire pour avoir une vue d’ensemble fidèle de la mainmise du secteur financier sur de nombreux domaines de l’économie réelle, en soupeser tous les tenants et aboutissants détaillés.

C’est chose faite avec « Le livre noir des Banques » (par Attac et BastaMag, édition Les Liens qui Libèrent et à commander par là). Fort de démonstratifs détails et d’arguments étayés, ce livre-enquête dresse un état des lieux complet des effets néfastes d’une finance surpuissante, sept ans après la crise des subprimes.

Savoir ce que coûte aux finances publiques ce secteur, c’est mettre en perspective les autres fraudes au regard des 60 à 80 milliards d’euros de l’évasion fiscale évaluée par la Cour des Comptes, par exemple. Car pendant que les scandales éclatent, la crise couve encore et les dérives continuent.

De quoi donner à se pencher sur ce secteur opaque et abscons.

Brèfle, ce livre réaffirme que la crise de 2008 n’est qu’une parmi les plus de 400 qui ont émaillé les années 1970 à 2010. Laissant subodorer que des solutions plus profondes devraient être tentées pour éviter ces cycles de plus en plus fréquents.

Le pot de terre contre le pot de fer

Avec cette accumulation de scandales et de révélations (et encore, faut-il le redire, cette liste est loin de se prévaloir exhaustive), une initiative citoyenne européenne a été impulsée : « pour une Europe plus juste, neutralisons les sociétés écrans », titre un brin ronflant. Son objectif n’en est pas moins salutaire et vise à rendre impossible la création de sociétés écrans au sein de l’Union Européenne, c’est-à-dire de sociétés dont le propriétaire peut rester inconnu. Il s’agit de mieux assurer la transparence des personnes morales et des constructions juridiques. Cette campagne espère réunir le million de signatures requises d’ici octobre 2015 pour obliger les institutions européennes à légiférer.

En 1933, pour faire suite à la Grande Dépression de 1929, les États-Unis avaient mis en place le Glass-Steagall Act (dit aussi Bancking Act) instaurant une très grande régulation du système bancaire et des marchés financiers. Le démembrement de ces barrières et son abrogation finale ont eu lieu au début des années 80 et la période de répression financière se terminait avec une libéralisation et globalisation financière de plus en plus prégnantes.

S’il ne faut pas forcément scander que la finance est une activité inutile à l’économie (la finance peut créer de la valeur), il est vrai qu’à partir d’un certain seuil, à outrance et sans contrôle, la finance peut avoir une activité davantage déstabilisatrice que créatrice de valeur (en quoi l’activité de THF peut avoir une utilité sociale ?). D’où la nécessité de redéfinir des seuils et de reconstruire une régulation, actions politiques attendues.

Les solutions et propositions émanant des ONG et de la société civile ne manquent pas. Soit : un contrôle du système et de ses administrateurs, des sanctions dissuasives, des taxations des transactions, la création d’un service public bancaire, la séparation entre les banques d’investissement et de dépôts, l’augmentation des frais de transactions du THF, la mise en place d’un ratio de capital élevé à 30%, la réduction de la taille des établissements bancaires pour amoindrir leur pouvoir d’ingérence et d’influence et éviter les concentrations, l’interdiction de tout ou partie de la titrisation (transformation des crédits en titres négociables), la limitation des opérations hors-bilan, etc.

Ou encore, plus rigoureusement, saisir les banques, comme une recommunalisation du système de crédit, du bien commun bancaire, pour ne les dédier qu’à leur devoir de servir la société. Car en attendant, et même si des condamnations devaient être prononcées internationalement, le système bancaire mondial n’a pas changé…

Lurinas

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Les commentaires (2)

  1. Exaguète. C’est bien pour cette raison que nous avons pris soin de préciser que la liste n’était pas exhaustive et restait ouverte. Nous vous remercions de l’avoir complétée.

    Nous aurions pu aussi parler de l’obligation qui est faite aux banques de reverser une partie des bénéfices (entre 40 et 70% des primes d’assurance) qu’elles ont générées grâce aux assurances-emprunteur (crédit immobilier ou un crédit à la consommation) que nous sommes ‘obligés’ de souscrire pour tout prêt contracter. La fameuse participation aux bénéfices techniques.
    Un oubli malencontreux de la part de nos banques donc. Pour un magot estimé à 16 milliards d’euros.
    Les assurés ayant contracté un prêt entre 1996 et 2007 ont jusqu’au 23 juillet 2015 pour se manifester auprès de leur banque pour recevoir la partie qui leur revient.
    Il y a aussi la possibilité de rejoindre une procédure lancée par ‘Action civile’.
    http://www.actioncivile.com/action-collective/assurance-emprunteur