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La contrainte politique

Le GIEC est un groupe intergouvernemental. Pas international. Ce qui fait une différence de taille. Un groupe éminemment politique, mâtiné de denses données scientifiques. Nous n’allons pas revenir sur l’histoire de sa création (l’ombrageux Maurice Strong et le programme des nations unies pour l’environnement PNUE, le sommet de Stockholm de 1972), sur le mode de désignation des responsables et scientifiques appelés à participer à cette instance, sur les portes-tambour que de nombreuses personnalités ne cessent de faire tourner entre secteurs public et privé dans leur seul intérêt personnel (avec l’influent Conseil chinois pour la coopération internationale en environnement qui phagocytent de hauts responsables politiques, économiques… dans chaque pays), sur l’internalisation obligatoire de la contrainte économique dans les analyses, les projections et les scénarios (le terme de ‘sobriété’ ne fait son apparition que dans le sixième et dernier rapport, sans grande considération pour les changements structurels et systémiques sous-jacents que cela supposerait), sur les technosolutionnisme et géo-ingénierie prônées et mises en exergue (captage et stockage du carbone notamment, autant de solutions pourtant décriées), sur l’influence des lobbys en orbite géostationnaire prégnante (en premier chef celui des pétroliers, mais également le WBCSD, le Global climate coalition)… Autant de biais détaillés dans une enquête de Fabrice Nicolino et qui impactent grandement ce groupe attendu comme référence pour permettre à chacun d’envisager des solutions à un avenir viable pour l’humanité, des aménagements efficaces pour ralentir le dérèglement climatique. Autant de contraintes aux modalités de rédaction. Mais pas les seules. Le GIEC est donc avant tout un groupe politique, réunissant les voix de 195 États membres dont la présence a été imposée dès la naissance à travers des rituels médiatiques, réunis qu’ils sont au sein des Conférences des Parties (COP). LaTéléLibre s'était motivée d'une série spéciale sur celle de Paris, non sans une critique argumentée d'un accord médiatisé comme historique. Bref. Le GIEC n’en reste pas moins articulé dans un but scientifique, supposant une certaine méthode de rédaction des rapports et quelque procédure de publication pourtant gouvernés par les intérêts politiques en amont. C’est ce qu’il s’agit de rappeler avant que de souligner les autres biais. Ces rapports sont de trois types et bien différents en contenus, pourtant édités afin d’appuyer la mission principale du GIEC : celle de contribuer au développement d’une dynamique politique internationale face au réchauffement climatique. Une dynamique construite sur la base de recherches d’un consensus entre les gouvernements de toutes les nations, soit le plus petit dénominateur commun. Ce qui n’est que rarement un gage d’avancée majeure et de rapidité d’action. En amont de la rédaction des rapports, il faut retenir que la composition du GIEC est cloisonnée. Ce qui œuvre à la possibilité d’influencer tout ou partie du groupe, subrepticement un rouage atteint pouvant suffire à interférer sur la totalité de l’édifice. Cela a été clairement identifié par les États : le Bureau du GIEC est ainsi composé de 34 scientifiques élus par l’assemblée plénière, c’est-à-dire par les représentants des gouvernements. Un mandat de sept à huit ans durant lequel un rapport d’évaluation est donc rédigé. Autre point d’influence dans l’organisation de l’activité du GIEC : les trois Groupes de travail. Des groupes de travail (GT), pas de recherche. Distinctement, le GT1 a pour objet d’éclairer les bases scientifiques des système et changement climatiques. Il présente un état des connaissances en physique, chimie, biologie, géologie, paléontologie, climatologie et modélisation climatique, présente des projections d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour le XXIème siècle, dont il déduit des scénarios climatiques. Le GT2 revient sur les conséquences du changement climatique sur la biosphère et sur les humains, sur l’adaptation des sociétés humaines et systèmes socio-économiques à ce réchauffement. Le GT3 porte son attention exclusivement sur l’atténuation du changement climatique, donc les solutions, propose des trajectoires de l’humanité via des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre au regard des données exclusivement transmises par les États, données malheureusement parfois incomplètes voire erronées. Premier achoppement. De ces travaux ciblés, une logique de procédures et d’enchainements pour les lier entre eux. Afin de gagner en efficacité de rédaction, les auteurs ont porté la recommandation de débuter par le groupe 3, en amont du groupe 1 ; recommandation refusée. Oui, car ce genre de modification doit être validé par les chefs d’État, les décideurs. Ces illogismes ne rendent pas efficients la structuration des rapports et les articulations entre les groupes n’aident pas à l’établissement d’un rapport le meilleur, tandis que le groupe 2 travaille encore sur les séries du cycle 5 (cinquième rapport de 2014)… Quoi qu’il en soit, au sortir de ces cycles, les GT doivent rédiger chacun une contribution, composée d’un rapport intégral (rapports d’évaluation RE), d’un rapport technique et d’un résumé à l’intention des décideurs ; soit un premier dense document de synthèse de 1500 à 2000 pages faisant recension des plus importantes études sur l’évolution du climat, les moyens d’atténuer le dérèglement, la vulnérabilité prévisible des systèmes sociaux et économiques. Deuxième achoppement. Vous l’aurez deviné, l’atténuation des observations et des conclusions par le travail de résumés successifs. Un rapport de synthèse de 30 à 50 pages vient en effet résumer ensuite les trois contributions RE des groupes pour un contenu plus accessible, complété de son propre résumé pour décideurs (RID) encore plus concis. Il existe bien également un résumé technique, plus long que le résumé à l'intention des décideurs mais beaucoup plus court et simplifié que le rapport originel. La confection de ces RID frise l’impossibilité intellectuelle, cependant que ce résumé visant à éclairer les décideurs est validé par ces mêmes décideurs. Juges et parties. Un consensus politique international à propos du changement climatique qui se joue donc en amont des COP, attendues comme seul lieu de confection des consensus sur la base de travaux scientifiques indépendants. Les résumés devraient servir a minima de base de travail, au lieu de quoi ces formulations atténuées ou sélectives de l’état de la connaissance sont les simples références à l’attention des décideurs politiques, des directions des grandes entreprises ou encore des médias, ONG et syndicats. Le contenu de ces RID revêt une importance politique capitale dont les modalités de production ne permettent pas d’en assurer la pertinence. Troisième achoppement. La rédaction des RE de chacun des groupes de travail se déroule en une dizaine d’étapes. L’assemblée plénière fixe le cadre général du rapport (préfiguration du découpage en chapitre et des titres de ces derniers). Les gouvernements nationaux proposent pour chaque GT des experts scientifiques comme auteurs principaux (environ 3 000 experts scientifiques proposés dont moins d’un millier seront sélectionnés par le Bureau, lui-même élu par les gouvernements pour mémoire). Chaque Bureau de GT sélectionne, chapitre par chapitre, les auteurs principaux qui nommeront les auteurs contributeurs. Les auteurs de chaque chapitre rédigent une première version de contribution au RE. Des spécialistes volontaires de chaque discipline, non nommés par les gouvernements cette fois, examinent la première version du rapport et émettent des commentaires en tant que relecteurs. Sur la base des commentaires, un deuxième projet de texte est proposé, à nouveau examiné et commenté par des relecteurs volontaires et par les gouvernements. La version définitive du rapport est enfin proposée, accompagnée d’un projet de résumé à l’intention des décideurs (RID). Les gouvernements examinent ce dernier, amendé et approuvé à l’unanimité par l’assemblée plénière des représentants des gouvernements, soit un premier consensus mené ligne par ligne, phrase par phrase, figure par figure, tableau par tableau. En amont encore une fois des COP supposées tenir cet objectif de consensus final. Une indépendance de production des rapports assez relative. L’aspect politique interfère donc sur la méthode de rédaction des rapports, en particulier dans la méthode de rédaction des résumés à l’intention des décideurs dont l’importance politique (politicienne ?) est capitale. La structure du GIEC est alors largement verrouillée. Et le fait que chaque groupe de travail soit cornaqué par deux coprésidents, l'un représentant les pays développés, l'autre les pays en voie de développement, est un affichage superficiel voire artificiel pour prétendre véritablement rééquilibrer les rapports de force des scientifiques face aux représentants de gouvernement. Ces derniers ont la main bien en amont des COP, des compositions du GIEC aux contenus des rapports.

(source : Météo France)

Au final, un rapport est tout de même publié et conclut ardemment sur l’état du réchauffement climatique. Dans ce sixième rapport (AR6), il n’est pas fait mystère des cinq scénarios envisagés, proposant des fourchettes de 1/1,8 à 5/6°C d’évolution des températures moyennes mondiales pour la fin de ce siècle. Sauf que dans la construction de ces intervalles d’incertitude, la principale cause d’incertitude prise en considération est une certaine imprévisibilité des conséquences du changement climatique sur le système nuageux et une certaine imprévisibilité des conséquences en retour des changements de ce vaste système nuageux sur le climat. Rien que de très normal de prime abord : le système nuageux est extrêmement compliqué, les connaissances scientifiques à son sujet sont aujourd’hui très incomplètes. Les auteurs avouent donc que des notions de phénomène causal associé aux scénarios pourraient impacter le devenir du changement climatique durant ce siècle en dehors des modélisations du rapport. Mais tous les phénomènes causaux sont-ils pris en compte dans la conception des scénarios ? Non. S’il faut être lucide sur l’état de minimisation de l’incertitude pour cause d’inconnues paramétriques, il faut dans le même temps comprendre que les incertitudes sur les scénarios climatiques sont minimisées par le GIEC en toute conscience : l’ensemble des phénomènes du reste causal associé à ces scénarios n’a tout simplement jamais été pris en considération dans les calculs ou estimations de ces incertitudes. Jamais. Pourtant, ces phénomènes déportés et leurs combinaisons génèrent une plus forte incertitude encore sur ces scénarios. Bien plus importante.

Les gros points laissés aveugles

Le concept de reste causal est introduit par Marc Delepouve. Le reste causal correspond à des phénomènes ‘non pris en compte, imprévisibles et non quantifiables’ (y compris sous la forme d’intervalles d’incertitude) mais influençant cette évolution du climat. Muni de ses doctorats en épistémologie et histoire des sciences et techniques, Delepouve précise dans sa thèse ce point aveugle, ignoré mais connu des rapporteurs. Il revient sur les sources distinctes, non des moindres, qui peuvent agir de manière importante sur le dérèglement climatique, participer d’une amplification, œuvrer à un emballement. Des sources de méthane, dites naturelles, sources d’un gaz au pouvoir de réchauffement 23 fois supérieur à celui du CO2. Sans valeur de classement, derrière le terme générique de reste causal, se cache le dégel du pergélisol d’abord ; très partiellement pris en compte depuis le sixième rapport, le permafrost contient environ 1500 milliards de tonnes de GES, essentiellement sous forme de méthane. Une première bombe à retardement. Aussi la fonte d'hydrates de méthane, c’est-à-dire du méthane congelé avec de l’eau, stocké en quantités importantes dans les fonds marins et sous le pergélisol continental ou marin (appelés parfois clathrates de méthane, glace méthanique ou ‘glace qui brûle’). Ensuite, le développement favorisé de populations de micro-organismes marins méthanogènes (c’est-à-dire générateurs de méthane, comme ceux présents chez les ruminants). Enfin, la fonte de glaciers polaires. Déjà, sans prendre en compte ce reste causal, il est avéré que cela va bien plus vite que prévu par le GIEC. Les glaciers marins fondent par exemple plus rapidement. Etc. Mais donc, il faut croire que plus défavorable peut advenir, car tout n’est pas intégré à l’analyses pour les meilleures projections. La raison de cette absence de prise en compte, de cette mise sur le côté, est que l’impact que ces phénomènes auront sur le climat est aujourd’hui largement imprévisible, si bien qu’il est impossible de le quantifier, y compris sous la forme d’intervalles d’incertitude. Et cela embête en premier chef les décideurs pour qui rien n’est pire que l’inquantifiable.

(source : IPCC)

Pour être exact, il n’est pas totalement véridique que, pendant deux décennies, les résumés pour décideurs (RID) ont présenté les scénarios climatiques sans préciser que ces derniers donnaient une image édulcorée du réchauffement à venir. Mais de façon totalement assumée, le reste causal a bel et bien été écarté par la suite. Marc Delepouve en fait également une recension précise. Ainsi, le premier RID du groupe 1 (1990) affichait sans ambigüité que de nombreux phénomènes causals étaient laissés sur le côté par les scénarios. Donc chacun des lecteurs était informé à la fois du haut niveau d’imprévisibilité du changement climatique et du fait que les scénarios donnaient une image édulcorée des risques. Rupture dès 1995 dans le second rapport : plus rien n’était dit sur le fait que les scénarios ignoraient des phénomènes causaux imprévisibles et potentiellement conséquents, empêchant d’envisager que les scénarios euphémisaient l’étendue et le devenir du réchauffement climatique. Pire, était donné à penser que les scénarios étaient des prédictions du climat pour l’ensemble du XXIème siècle, ou plus exactement des prédictions conditionnées par la seule connaissance du niveau des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Si la contribution de 2013 (5è rapport) du GT1 l’évoquait en quelques mots, rien n’était dit sur le fait que des phénomènes situés dans ce reste causal pourraient amplifier le réchauffement, pas plus n’était abordé l’édulcoration par les scénarios et rien n’alertait explicitement sur la part d’imprévisible du changement climatique. En 2021, la contribution du GT1 (6e rapport) amorce un retour partiel car le RID ne présente qu’une partie du reste causal, uniquement une bien faible partie de tous les phénomènes causaux mis sur le côté dans les scénarios et évoqués plus haut.

(source : IPCC)

Le surplus substantiel de méthane qui pourrait être émis ne sera donc pas anodin, soit en raison de rétroactions positives au réchauffement climatique difficiles à jauger, soit d’une combinaison de divers paramètres pas du tout intégrée. Ces quatre surplus potentiels de réchauffement peuvent s’additionner et s’aviver mutuellement, occasionnant un risque d’emballement de l’ensemble. Pourquoi ne pas prendre en compte un hypothétique amoindrissement dans le cadre de notre ignorance scientifique ? Si le système terre est complexe, il reste admis que les phénomènes scientifiques identifiés sont amplificateurs (pas moins en tout cas que simplement réducteurs d'une intensité restant croissante). La ou les boucles de rétroaction positives, comprendre boucles d’emballement, sont donc admises. Et encore ne sommes-nous pas du tout assurés que les modèles mathématiques à l’origine des scénarios soient fiables. Alors comment prétendre modéliser de tels phénomènes, encore plus projeter les conséquences de leurs déséquilibres ?

Des modélisations inadaptées

Derrière la toute relative simplicité des modèles, il y a les systèmes hyper-complexes, dont les actions et rétroactions sont incommensurables, insondables. Comment comprendre de tels paramètres, les mettre en équations ? Arrêtons-nous sur le nano-exemple des phages. Ces derniers sont des virus, bactériophages en l’occurrence. Nous les redécouvrons à la faveur de perspectives médicamenteuses. Ils sont sans doute les structures ‘vivantes’ les plus nombreuses sur Terre et encore fort mal connues. Comment modéliser le ‘shunt viral’ ? A chaque seconde, ce sont approximativement 1023 infections virales qui ont lieu dans les océans (infections concernant des bactéries aux baleines), influençant la composition des communautés marines. Et ? Et bien, pour ne parler que de ce phénomène parmi tant d’autres (!), le shunt viral revêt une importance capitale pour les écosystèmes marins, plus globalement pour les cycles biogéochimiques dont celui du carbone : un processus d’importance mondiale qui permet de séquestrer environ 3 gigatonnes de carbone par an mais qui peut être affecté et participé à la libération de sulfure de diméthyle, un autre gaz qui impacte le climat. Des tels phénomènes nano à microscopiques ont lieu dans les sols, avec des importances et conséquences équivalentes. Comment prétendre modéliser de tels cycles, de telles interactions, dont les impacts ne font pourtant aucun doute mais qui restent impossibles à intégrer. Si bien que les liens d’interdépendances entre les êtres vivants et le non-vivant, le caractère totalisant de la crise actuelle, liant humains et non humains, biotique et abiotique, exige une autre dimension. Une dimension originale telle que depuis plusieurs années, un débat s’est engagé entre de nombreux experts scientifiques sur la nécessité de caractériser un changement d’ère géologique qui puisse rendre compte de l’impact des activités humaines sur les changements documentés concernant le climat, mais plus globalement des impacts totalement exceptionnels qui œuvrent sur l’ensemble système terre (des changements visibles jusque dans les dépôts sédimentaires). De nombreuses dénominations ont été proposées : anthropocène, plantationocène, capitalocène, négrocène… Qu’importe. Il faut prendre la mesure des bouleversements. Toujours selon Marc Delepouve,
les scénarios climatique du GIEC laissent sur le côté des phénomènes qui pourraient entraîner une accélération et un emballement du réchauffement climatique. Ces scénarios pour le XXIème siècle édulcorent donc le changement climatique, autrement dit, ils sous-estiment la gravité des risques associés aux émissions de gaz à effet de serre par l’activité humaine. Ces scénarios ne peuvent donc être suffisants pour informer sur le changement climatique, et toute politique climatique définie sur la seule base de ces scénarios ferait courir un risque déraisonnable à la biosphère, ainsi qu’aux sociétés humaines.
Et Marc Delepouve d’aller plus loin. C’est la fiabilité de ces scénarios climatiques qui est remise en cause : en tant que prédictions conditionnées à des scénarios techno-socio-économiques (pour les besoins d’une stratégie politique internationale basée sur des objectifs chiffrés), ces scénarios reposent sur l’hypothèse selon laquelle ce reste causal serait négligeable alors que, dans les faits, il pourrait prendre une ampleur non négligeable et impacter de façon conséquente l’évolution du climat durant le XXIème siècle. Dans ce même élan, il faudrait admettre que les modèles mathématiques sont à réviser eux-mêmes. Sauf à accepter sans frémir et en toute imprudence que de tels objectifs chiffrés ne répondent pas au problème posé, c’est-à-dire ne puissent nous assurer que le réchauffement climatique ne dépasse pas 1,5°C en 2100. Et si un péril climatique planétaire encore plus menaçant est possible, il y a urgence à s’en assurer en améliorant les modélisations climatiques pour en résorber les plus grosses lacunes. Un défi qui demande de lourds financements, manière de prouver l'existence du démon de Laplace... Des modèles à faire évoluer. C’est justement le message qu’a asséné une douzaine de chercheurs étasuniens et européens, en janvier dernier. Tout simplement, au regard des innombrables cycles complexes, des nouvelles interactions découvertes, les raisonnements basés sur l’ère quaternaire se dévoilent inadaptés. Les effets rétroactifs négatifs n’existent pas, un risque d’accumulation est existant, une fulgurance pourrait même survenir. Toutes les projections sont rendues inadéquates car les données sont exceptionnelles dans notre ère géologique dite quaternaire. Comme il faudrait penser climat et Terre avec de nouveaux outils, Delepouve propose quant à lui un usage de pensées du complexe, rassemblé sous l’éon anthropozoïque, bien plus qu’une nouvelle ère, carrément un nouveau narratif : actuellement le système Terre bifurque vers un nouvel éon, le cinquième de l’histoire de notre planète, devenue sujette à une ‘hyper complexité’, obligeant à critiquer le niveau de fiabilité des modèles climatiques. Une urgence car les résultats porteraient sur notre futur, embarqué pour le moment vers des conséquences inédites.

On vous avait prévenu !

Ca va toujours pour vous ? De la mainmise politique sur le GIEC cachant la hauteur du danger pour favoriser le consensus, des paramètres causals non pris en compte aux ébranlements conséquents jamais connus, des analyses et conclusions édulcorées, des modélisations inadaptées et dépassés à la vraie mesure du système terre complexe et complexifié, que devons-nous retenir ? Que faire ? Quelle stratégie éventuelle adopter ? Il n’est guère possible d’envisager une solution par la seule investigation du passé et des évolutions historiques, puisque tout est d’ordre exceptionnel et de force inusitée. Notre position d’humain demandera de la flexibilité plus que la résilience que d’aucuns politiciens appellent de leurs vœux et dans leur parfaite ignorance.
Nous ne croyons pas ce que nous savons, selon l’ingénieur philosophe Jean-Pierre Dupuy
Une bifurcation majeure et extrêmement rapide est nécessaire. Une métamorphose pour faire face à l’amplification à haut niveau d’imprévisibilité du devenir du système terre et du climat. Pour reprendre l’intuition d’Albert Camus, avançant qu‘ « un homme, ça s’empêche », sans doute la sobriété revêt la solution la 'plus facile'. Une mobilisation générale autour de la sobriété est vitale, une solution pas correctement et amplement intégrée dans les scénarios du GIEC. En attendant, il faut déjà gérer les difficultés de tous ordres, au premier rang desquels la dimension psychologique a minima de ces prises de conscience. Elles passent par le déni. Par le semi-déni, permettant une quantification limitée et des prédictions (une vision dite quantophrénique, celle de la plupart des écologistes militants, soit une tendance à limiter les représentations des phénomènes ou des objets aux seules représentations quantifiées, à nourrir les processus de décision politique de ces seules représentations quantifiables, et à largement utiliser des critères quantitatifs comme outil de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques). L'aboutissement est rarement celui de la vision intégrale, celle qui englobe les restes causals imprévisibles. Face au cornucopianisme encore vivace, la vie sera sobre ou ne sera pas.

Lurinas

(source de l'image en Une : Pour un réveil écologique) [post_title] => Des Rapports du GIEC Édulcorés et Dépassés ? [post_excerpt] => Les rapports du GIEC ne sont jamais rassurants sur l’état et le devenir de notre climat. Et encore, tout n’y est pas dit. Certains paramètres d’envergure ne sont pas pris en compte, car porteurs de conséquences totalement imprévisibles et favorisant un emballement sans précédent. Mais quand bien même, les modélisations mathématiques ne sont tout simplement pas adaptées et produisent des scénarios édulcorés. Euphémisés, les rapports du GIEC sont à archiver plus tard dans la collection de la Bibliothèque verte. [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => des-rapports-du-giec-edulcores-et-depasses [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-03-12 19:31:21 [post_modified_gmt] => 2024-03-12 18:31:21 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://latelelibre.fr/?p=41108 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 1 [filter] => raw ) ) [post_count] => 1 [current_post] => -1 [in_the_loop] => [post] => WP_Post Object ( [ID] => 41108 [post_author] => 14 [post_date] => 2024-03-12 19:30:13 [post_date_gmt] => 2024-03-12 18:30:13 [post_content] => Le GIEC. Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat comme chacun sait. Nul n’ignore non plus maintenant les conclusions de leurs rapports. Rien n’y est jamais très affriolant. Les scénarios projetés de notre futur proche ont beau être variés, ils suivent une tendance eschatologique, au mieux fortement empreinte de négativité sur les moyens de contraindre le dérèglement climatique en cours. Vous êtes atteints d’éco-anxiété ? Ne lisez pas cet article. Car il y sera question de trois biais méconnus. Et fortement influençant sur la rédaction des rapports et leurs contenus : les modalités de confection desdits rapports, très encadrées ; des phénomènes connus non pris en compte car trop imprévisibles ; des modèles dépassés en cette ère géologique exceptionnelle. Autant de biais qui interfèrent sur les projections et scénarios du GIEC, rendent mésinformé d’un emballement climatique édulcoré, aveugle de l’importance des bouleversements climatiques à venir.

La contrainte politique

Le GIEC est un groupe intergouvernemental. Pas international. Ce qui fait une différence de taille. Un groupe éminemment politique, mâtiné de denses données scientifiques. Nous n’allons pas revenir sur l’histoire de sa création (l’ombrageux Maurice Strong et le programme des nations unies pour l’environnement PNUE, le sommet de Stockholm de 1972), sur le mode de désignation des responsables et scientifiques appelés à participer à cette instance, sur les portes-tambour que de nombreuses personnalités ne cessent de faire tourner entre secteurs public et privé dans leur seul intérêt personnel (avec l’influent Conseil chinois pour la coopération internationale en environnement qui phagocytent de hauts responsables politiques, économiques… dans chaque pays), sur l’internalisation obligatoire de la contrainte économique dans les analyses, les projections et les scénarios (le terme de ‘sobriété’ ne fait son apparition que dans le sixième et dernier rapport, sans grande considération pour les changements structurels et systémiques sous-jacents que cela supposerait), sur les technosolutionnisme et géo-ingénierie prônées et mises en exergue (captage et stockage du carbone notamment, autant de solutions pourtant décriées), sur l’influence des lobbys en orbite géostationnaire prégnante (en premier chef celui des pétroliers, mais également le WBCSD, le Global climate coalition)… Autant de biais détaillés dans une enquête de Fabrice Nicolino et qui impactent grandement ce groupe attendu comme référence pour permettre à chacun d’envisager des solutions à un avenir viable pour l’humanité, des aménagements efficaces pour ralentir le dérèglement climatique. 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Une dynamique construite sur la base de recherches d’un consensus entre les gouvernements de toutes les nations, soit le plus petit dénominateur commun. Ce qui n’est que rarement un gage d’avancée majeure et de rapidité d’action. En amont de la rédaction des rapports, il faut retenir que la composition du GIEC est cloisonnée. Ce qui œuvre à la possibilité d’influencer tout ou partie du groupe, subrepticement un rouage atteint pouvant suffire à interférer sur la totalité de l’édifice. Cela a été clairement identifié par les États : le Bureau du GIEC est ainsi composé de 34 scientifiques élus par l’assemblée plénière, c’est-à-dire par les représentants des gouvernements. Un mandat de sept à huit ans durant lequel un rapport d’évaluation est donc rédigé. Autre point d’influence dans l’organisation de l’activité du GIEC : les trois Groupes de travail. Des groupes de travail (GT), pas de recherche. Distinctement, le GT1 a pour objet d’éclairer les bases scientifiques des système et changement climatiques. Il présente un état des connaissances en physique, chimie, biologie, géologie, paléontologie, climatologie et modélisation climatique, présente des projections d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour le XXIème siècle, dont il déduit des scénarios climatiques. Le GT2 revient sur les conséquences du changement climatique sur la biosphère et sur les humains, sur l’adaptation des sociétés humaines et systèmes socio-économiques à ce réchauffement. Le GT3 porte son attention exclusivement sur l’atténuation du changement climatique, donc les solutions, propose des trajectoires de l’humanité via des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre au regard des données exclusivement transmises par les États, données malheureusement parfois incomplètes voire erronées. Premier achoppement. De ces travaux ciblés, une logique de procédures et d’enchainements pour les lier entre eux. Afin de gagner en efficacité de rédaction, les auteurs ont porté la recommandation de débuter par le groupe 3, en amont du groupe 1 ; recommandation refusée. Oui, car ce genre de modification doit être validé par les chefs d’État, les décideurs. Ces illogismes ne rendent pas efficients la structuration des rapports et les articulations entre les groupes n’aident pas à l’établissement d’un rapport le meilleur, tandis que le groupe 2 travaille encore sur les séries du cycle 5 (cinquième rapport de 2014)… Quoi qu’il en soit, au sortir de ces cycles, les GT doivent rédiger chacun une contribution, composée d’un rapport intégral (rapports d’évaluation RE), d’un rapport technique et d’un résumé à l’intention des décideurs ; soit un premier dense document de synthèse de 1500 à 2000 pages faisant recension des plus importantes études sur l’évolution du climat, les moyens d’atténuer le dérèglement, la vulnérabilité prévisible des systèmes sociaux et économiques. Deuxième achoppement. Vous l’aurez deviné, l’atténuation des observations et des conclusions par le travail de résumés successifs. Un rapport de synthèse de 30 à 50 pages vient en effet résumer ensuite les trois contributions RE des groupes pour un contenu plus accessible, complété de son propre résumé pour décideurs (RID) encore plus concis. Il existe bien également un résumé technique, plus long que le résumé à l'intention des décideurs mais beaucoup plus court et simplifié que le rapport originel. La confection de ces RID frise l’impossibilité intellectuelle, cependant que ce résumé visant à éclairer les décideurs est validé par ces mêmes décideurs. Juges et parties. Un consensus politique international à propos du changement climatique qui se joue donc en amont des COP, attendues comme seul lieu de confection des consensus sur la base de travaux scientifiques indépendants. Les résumés devraient servir a minima de base de travail, au lieu de quoi ces formulations atténuées ou sélectives de l’état de la connaissance sont les simples références à l’attention des décideurs politiques, des directions des grandes entreprises ou encore des médias, ONG et syndicats. Le contenu de ces RID revêt une importance politique capitale dont les modalités de production ne permettent pas d’en assurer la pertinence. Troisième achoppement. La rédaction des RE de chacun des groupes de travail se déroule en une dizaine d’étapes. L’assemblée plénière fixe le cadre général du rapport (préfiguration du découpage en chapitre et des titres de ces derniers). Les gouvernements nationaux proposent pour chaque GT des experts scientifiques comme auteurs principaux (environ 3 000 experts scientifiques proposés dont moins d’un millier seront sélectionnés par le Bureau, lui-même élu par les gouvernements pour mémoire). Chaque Bureau de GT sélectionne, chapitre par chapitre, les auteurs principaux qui nommeront les auteurs contributeurs. Les auteurs de chaque chapitre rédigent une première version de contribution au RE. Des spécialistes volontaires de chaque discipline, non nommés par les gouvernements cette fois, examinent la première version du rapport et émettent des commentaires en tant que relecteurs. Sur la base des commentaires, un deuxième projet de texte est proposé, à nouveau examiné et commenté par des relecteurs volontaires et par les gouvernements. La version définitive du rapport est enfin proposée, accompagnée d’un projet de résumé à l’intention des décideurs (RID). Les gouvernements examinent ce dernier, amendé et approuvé à l’unanimité par l’assemblée plénière des représentants des gouvernements, soit un premier consensus mené ligne par ligne, phrase par phrase, figure par figure, tableau par tableau. En amont encore une fois des COP supposées tenir cet objectif de consensus final. Une indépendance de production des rapports assez relative. L’aspect politique interfère donc sur la méthode de rédaction des rapports, en particulier dans la méthode de rédaction des résumés à l’intention des décideurs dont l’importance politique (politicienne ?) est capitale. La structure du GIEC est alors largement verrouillée. Et le fait que chaque groupe de travail soit cornaqué par deux coprésidents, l'un représentant les pays développés, l'autre les pays en voie de développement, est un affichage superficiel voire artificiel pour prétendre véritablement rééquilibrer les rapports de force des scientifiques face aux représentants de gouvernement. Ces derniers ont la main bien en amont des COP, des compositions du GIEC aux contenus des rapports.

(source : Météo France)

Au final, un rapport est tout de même publié et conclut ardemment sur l’état du réchauffement climatique. Dans ce sixième rapport (AR6), il n’est pas fait mystère des cinq scénarios envisagés, proposant des fourchettes de 1/1,8 à 5/6°C d’évolution des températures moyennes mondiales pour la fin de ce siècle. Sauf que dans la construction de ces intervalles d’incertitude, la principale cause d’incertitude prise en considération est une certaine imprévisibilité des conséquences du changement climatique sur le système nuageux et une certaine imprévisibilité des conséquences en retour des changements de ce vaste système nuageux sur le climat. Rien que de très normal de prime abord : le système nuageux est extrêmement compliqué, les connaissances scientifiques à son sujet sont aujourd’hui très incomplètes. Les auteurs avouent donc que des notions de phénomène causal associé aux scénarios pourraient impacter le devenir du changement climatique durant ce siècle en dehors des modélisations du rapport. Mais tous les phénomènes causaux sont-ils pris en compte dans la conception des scénarios ? Non. S’il faut être lucide sur l’état de minimisation de l’incertitude pour cause d’inconnues paramétriques, il faut dans le même temps comprendre que les incertitudes sur les scénarios climatiques sont minimisées par le GIEC en toute conscience : l’ensemble des phénomènes du reste causal associé à ces scénarios n’a tout simplement jamais été pris en considération dans les calculs ou estimations de ces incertitudes. Jamais. Pourtant, ces phénomènes déportés et leurs combinaisons génèrent une plus forte incertitude encore sur ces scénarios. Bien plus importante.

Les gros points laissés aveugles

Le concept de reste causal est introduit par Marc Delepouve. Le reste causal correspond à des phénomènes ‘non pris en compte, imprévisibles et non quantifiables’ (y compris sous la forme d’intervalles d’incertitude) mais influençant cette évolution du climat. Muni de ses doctorats en épistémologie et histoire des sciences et techniques, Delepouve précise dans sa thèse ce point aveugle, ignoré mais connu des rapporteurs. Il revient sur les sources distinctes, non des moindres, qui peuvent agir de manière importante sur le dérèglement climatique, participer d’une amplification, œuvrer à un emballement. Des sources de méthane, dites naturelles, sources d’un gaz au pouvoir de réchauffement 23 fois supérieur à celui du CO2. Sans valeur de classement, derrière le terme générique de reste causal, se cache le dégel du pergélisol d’abord ; très partiellement pris en compte depuis le sixième rapport, le permafrost contient environ 1500 milliards de tonnes de GES, essentiellement sous forme de méthane. Une première bombe à retardement. Aussi la fonte d'hydrates de méthane, c’est-à-dire du méthane congelé avec de l’eau, stocké en quantités importantes dans les fonds marins et sous le pergélisol continental ou marin (appelés parfois clathrates de méthane, glace méthanique ou ‘glace qui brûle’). Ensuite, le développement favorisé de populations de micro-organismes marins méthanogènes (c’est-à-dire générateurs de méthane, comme ceux présents chez les ruminants). Enfin, la fonte de glaciers polaires. Déjà, sans prendre en compte ce reste causal, il est avéré que cela va bien plus vite que prévu par le GIEC. Les glaciers marins fondent par exemple plus rapidement. Etc. Mais donc, il faut croire que plus défavorable peut advenir, car tout n’est pas intégré à l’analyses pour les meilleures projections. La raison de cette absence de prise en compte, de cette mise sur le côté, est que l’impact que ces phénomènes auront sur le climat est aujourd’hui largement imprévisible, si bien qu’il est impossible de le quantifier, y compris sous la forme d’intervalles d’incertitude. Et cela embête en premier chef les décideurs pour qui rien n’est pire que l’inquantifiable.

(source : IPCC)

Pour être exact, il n’est pas totalement véridique que, pendant deux décennies, les résumés pour décideurs (RID) ont présenté les scénarios climatiques sans préciser que ces derniers donnaient une image édulcorée du réchauffement à venir. Mais de façon totalement assumée, le reste causal a bel et bien été écarté par la suite. Marc Delepouve en fait également une recension précise. Ainsi, le premier RID du groupe 1 (1990) affichait sans ambigüité que de nombreux phénomènes causals étaient laissés sur le côté par les scénarios. Donc chacun des lecteurs était informé à la fois du haut niveau d’imprévisibilité du changement climatique et du fait que les scénarios donnaient une image édulcorée des risques. Rupture dès 1995 dans le second rapport : plus rien n’était dit sur le fait que les scénarios ignoraient des phénomènes causaux imprévisibles et potentiellement conséquents, empêchant d’envisager que les scénarios euphémisaient l’étendue et le devenir du réchauffement climatique. Pire, était donné à penser que les scénarios étaient des prédictions du climat pour l’ensemble du XXIème siècle, ou plus exactement des prédictions conditionnées par la seule connaissance du niveau des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Si la contribution de 2013 (5è rapport) du GT1 l’évoquait en quelques mots, rien n’était dit sur le fait que des phénomènes situés dans ce reste causal pourraient amplifier le réchauffement, pas plus n’était abordé l’édulcoration par les scénarios et rien n’alertait explicitement sur la part d’imprévisible du changement climatique. En 2021, la contribution du GT1 (6e rapport) amorce un retour partiel car le RID ne présente qu’une partie du reste causal, uniquement une bien faible partie de tous les phénomènes causaux mis sur le côté dans les scénarios et évoqués plus haut.

(source : IPCC)

Le surplus substantiel de méthane qui pourrait être émis ne sera donc pas anodin, soit en raison de rétroactions positives au réchauffement climatique difficiles à jauger, soit d’une combinaison de divers paramètres pas du tout intégrée. Ces quatre surplus potentiels de réchauffement peuvent s’additionner et s’aviver mutuellement, occasionnant un risque d’emballement de l’ensemble. Pourquoi ne pas prendre en compte un hypothétique amoindrissement dans le cadre de notre ignorance scientifique ? Si le système terre est complexe, il reste admis que les phénomènes scientifiques identifiés sont amplificateurs (pas moins en tout cas que simplement réducteurs d'une intensité restant croissante). La ou les boucles de rétroaction positives, comprendre boucles d’emballement, sont donc admises. Et encore ne sommes-nous pas du tout assurés que les modèles mathématiques à l’origine des scénarios soient fiables. Alors comment prétendre modéliser de tels phénomènes, encore plus projeter les conséquences de leurs déséquilibres ?

Des modélisations inadaptées

Derrière la toute relative simplicité des modèles, il y a les systèmes hyper-complexes, dont les actions et rétroactions sont incommensurables, insondables. Comment comprendre de tels paramètres, les mettre en équations ? Arrêtons-nous sur le nano-exemple des phages. Ces derniers sont des virus, bactériophages en l’occurrence. Nous les redécouvrons à la faveur de perspectives médicamenteuses. Ils sont sans doute les structures ‘vivantes’ les plus nombreuses sur Terre et encore fort mal connues. Comment modéliser le ‘shunt viral’ ? A chaque seconde, ce sont approximativement 1023 infections virales qui ont lieu dans les océans (infections concernant des bactéries aux baleines), influençant la composition des communautés marines. Et ? Et bien, pour ne parler que de ce phénomène parmi tant d’autres (!), le shunt viral revêt une importance capitale pour les écosystèmes marins, plus globalement pour les cycles biogéochimiques dont celui du carbone : un processus d’importance mondiale qui permet de séquestrer environ 3 gigatonnes de carbone par an mais qui peut être affecté et participé à la libération de sulfure de diméthyle, un autre gaz qui impacte le climat. Des tels phénomènes nano à microscopiques ont lieu dans les sols, avec des importances et conséquences équivalentes. Comment prétendre modéliser de tels cycles, de telles interactions, dont les impacts ne font pourtant aucun doute mais qui restent impossibles à intégrer. Si bien que les liens d’interdépendances entre les êtres vivants et le non-vivant, le caractère totalisant de la crise actuelle, liant humains et non humains, biotique et abiotique, exige une autre dimension. Une dimension originale telle que depuis plusieurs années, un débat s’est engagé entre de nombreux experts scientifiques sur la nécessité de caractériser un changement d’ère géologique qui puisse rendre compte de l’impact des activités humaines sur les changements documentés concernant le climat, mais plus globalement des impacts totalement exceptionnels qui œuvrent sur l’ensemble système terre (des changements visibles jusque dans les dépôts sédimentaires). De nombreuses dénominations ont été proposées : anthropocène, plantationocène, capitalocène, négrocène… Qu’importe. Il faut prendre la mesure des bouleversements. Toujours selon Marc Delepouve,
les scénarios climatique du GIEC laissent sur le côté des phénomènes qui pourraient entraîner une accélération et un emballement du réchauffement climatique. Ces scénarios pour le XXIème siècle édulcorent donc le changement climatique, autrement dit, ils sous-estiment la gravité des risques associés aux émissions de gaz à effet de serre par l’activité humaine. Ces scénarios ne peuvent donc être suffisants pour informer sur le changement climatique, et toute politique climatique définie sur la seule base de ces scénarios ferait courir un risque déraisonnable à la biosphère, ainsi qu’aux sociétés humaines.
Et Marc Delepouve d’aller plus loin. C’est la fiabilité de ces scénarios climatiques qui est remise en cause : en tant que prédictions conditionnées à des scénarios techno-socio-économiques (pour les besoins d’une stratégie politique internationale basée sur des objectifs chiffrés), ces scénarios reposent sur l’hypothèse selon laquelle ce reste causal serait négligeable alors que, dans les faits, il pourrait prendre une ampleur non négligeable et impacter de façon conséquente l’évolution du climat durant le XXIème siècle. Dans ce même élan, il faudrait admettre que les modèles mathématiques sont à réviser eux-mêmes. Sauf à accepter sans frémir et en toute imprudence que de tels objectifs chiffrés ne répondent pas au problème posé, c’est-à-dire ne puissent nous assurer que le réchauffement climatique ne dépasse pas 1,5°C en 2100. Et si un péril climatique planétaire encore plus menaçant est possible, il y a urgence à s’en assurer en améliorant les modélisations climatiques pour en résorber les plus grosses lacunes. Un défi qui demande de lourds financements, manière de prouver l'existence du démon de Laplace... Des modèles à faire évoluer. C’est justement le message qu’a asséné une douzaine de chercheurs étasuniens et européens, en janvier dernier. Tout simplement, au regard des innombrables cycles complexes, des nouvelles interactions découvertes, les raisonnements basés sur l’ère quaternaire se dévoilent inadaptés. Les effets rétroactifs négatifs n’existent pas, un risque d’accumulation est existant, une fulgurance pourrait même survenir. Toutes les projections sont rendues inadéquates car les données sont exceptionnelles dans notre ère géologique dite quaternaire. Comme il faudrait penser climat et Terre avec de nouveaux outils, Delepouve propose quant à lui un usage de pensées du complexe, rassemblé sous l’éon anthropozoïque, bien plus qu’une nouvelle ère, carrément un nouveau narratif : actuellement le système Terre bifurque vers un nouvel éon, le cinquième de l’histoire de notre planète, devenue sujette à une ‘hyper complexité’, obligeant à critiquer le niveau de fiabilité des modèles climatiques. Une urgence car les résultats porteraient sur notre futur, embarqué pour le moment vers des conséquences inédites.

On vous avait prévenu !

Ca va toujours pour vous ? De la mainmise politique sur le GIEC cachant la hauteur du danger pour favoriser le consensus, des paramètres causals non pris en compte aux ébranlements conséquents jamais connus, des analyses et conclusions édulcorées, des modélisations inadaptées et dépassés à la vraie mesure du système terre complexe et complexifié, que devons-nous retenir ? Que faire ? Quelle stratégie éventuelle adopter ? Il n’est guère possible d’envisager une solution par la seule investigation du passé et des évolutions historiques, puisque tout est d’ordre exceptionnel et de force inusitée. Notre position d’humain demandera de la flexibilité plus que la résilience que d’aucuns politiciens appellent de leurs vœux et dans leur parfaite ignorance.
Nous ne croyons pas ce que nous savons, selon l’ingénieur philosophe Jean-Pierre Dupuy
Une bifurcation majeure et extrêmement rapide est nécessaire. Une métamorphose pour faire face à l’amplification à haut niveau d’imprévisibilité du devenir du système terre et du climat. Pour reprendre l’intuition d’Albert Camus, avançant qu‘ « un homme, ça s’empêche », sans doute la sobriété revêt la solution la 'plus facile'. Une mobilisation générale autour de la sobriété est vitale, une solution pas correctement et amplement intégrée dans les scénarios du GIEC. En attendant, il faut déjà gérer les difficultés de tous ordres, au premier rang desquels la dimension psychologique a minima de ces prises de conscience. Elles passent par le déni. Par le semi-déni, permettant une quantification limitée et des prédictions (une vision dite quantophrénique, celle de la plupart des écologistes militants, soit une tendance à limiter les représentations des phénomènes ou des objets aux seules représentations quantifiées, à nourrir les processus de décision politique de ces seules représentations quantifiables, et à largement utiliser des critères quantitatifs comme outil de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques). L'aboutissement est rarement celui de la vision intégrale, celle qui englobe les restes causals imprévisibles. Face au cornucopianisme encore vivace, la vie sera sobre ou ne sera pas.

Lurinas

(source de l'image en Une : Pour un réveil écologique) [post_title] => Des Rapports du GIEC Édulcorés et Dépassés ? [post_excerpt] => Les rapports du GIEC ne sont jamais rassurants sur l’état et le devenir de notre climat. Et encore, tout n’y est pas dit. Certains paramètres d’envergure ne sont pas pris en compte, car porteurs de conséquences totalement imprévisibles et favorisant un emballement sans précédent. Mais quand bien même, les modélisations mathématiques ne sont tout simplement pas adaptées et produisent des scénarios édulcorés. Euphémisés, les rapports du GIEC sont à archiver plus tard dans la collection de la Bibliothèque verte. [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => des-rapports-du-giec-edulcores-et-depasses [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-03-12 19:31:21 [post_modified_gmt] => 2024-03-12 18:31:21 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://latelelibre.fr/?p=41108 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 1 [filter] => raw ) [comment_count] => 0 [current_comment] => -1 [found_posts] => 1 [max_num_pages] => 1 [max_num_comment_pages] => 0 [is_single] => [is_preview] => [is_page] => [is_archive] => 1 [is_date] => 1 [is_year] => [is_month] => 1 [is_day] => [is_time] => [is_author] => [is_category] => [is_tag] => [is_tax] => [is_search] => [is_feed] => [is_comment_feed] => [is_trackback] => [is_home] => [is_privacy_policy] => [is_404] => [is_embed] => [is_paged] => [is_admin] => [is_attachment] => [is_singular] => [is_robots] => [is_favicon] => [is_posts_page] => [is_post_type_archive] => [query_vars_hash:WP_Query:private] => fd6961d8501fcc26568a7c9ac99b5b2d [query_vars_changed:WP_Query:private] => [thumbnails_cached] => [allow_query_attachment_by_filename:protected] => [stopwords:WP_Query:private] => [compat_fields:WP_Query:private] => Array ( [0] => query_vars_hash [1] => query_vars_changed ) [compat_methods:WP_Query:private] => Array ( [0] => init_query_flags [1] => parse_tax_query ) )