Côte d’Ivoire : le Compte à Rebours est Enclenché
Publié le | par La Rédac'
POUDRIÈRE
Comme un ultimatum, Alassane Ouattara lance un appel à la rue. Jeudi 16 décembre, celui-ci marchera avec ses partisans sur le siège de la Radio Télévision ivoirienne (RTI) contrôlée par le clan Gbagbo.
Le lendemain, une seconde marche s’organisera vers les bâtiments du gouvernement afin d’y installer le camp Ouattara. Il s’agira peut être du dénouement d’un triste feuilleton commencé le 27 novembre dernier. La veille du second tour de l’élection présidentielle ivoirienne, le président sortant Laurent Gbagbo instaurait un couvre feu nocturne – effectif jusqu’au 13 décembre – pour dissuader les « extrémistes » de perturber le scrutin. Une mesure qui interpelait alors ses opposants. Le 2 décembre, dans une ambiance délétère, les résultats tombent. Alassane Ouattara est déclaré vainqueur du scrutin par la commission électorale indépendante avec 8 points d’avance sur Laurent Gbagbo. Un résultat qui n’est pas au goût de ce dernier. Laurent Gbagbo saisit le Conseil Constitutionnel et se fait investir président.
Retour sur cette crise politique aux conséquences graves pour la Côte d’Ivoire, qui se retrouve au bord de la guerre civile.
Une dangereuse impasse. C’est le sentiment donné par l’instabilité politique actuelle en Côte d’Ivoire.
Jeudi 2 décembre – après quatre jours d’incertitudes et de tensions entre les partisans des deux candidats – le scrutin pour la présidentielle livrait enfin son verdict. Alassane Ouattara est annoncé gagnant du second tour par la commission électorale indépendante (CEI), avec 54,1% des suffrages exprimés contre 45,9 % pour Laurent Gbagbo. Coup de théâtre, ce scrutin est immédiatement invalidé par le Conseil Constitutionnel, proche de Laurent Gbagbo. Pour le président de cet organe, Paul Yao N’Dré, le délai légal fixé à la commission électorale pour annoncer les résultats expire mercredi à minuit : «Une fois ce délai expiré, la commission électorale n’est plus habilitée à annoncer les résultats». Le camp Gbagbo remet notamment en cause la validité des résultats dans quatre régions du Nord. Dans la foulée, le porte parole de l’armée ivoirienne – au service du pouvoir sortant – Bari Gohourou, annonce le bouclage des frontières du pays : « Les frontières aériennes, terrestres et maritimes du pays sont fermées à tout mouvement de biens et de personnes à compter de ce jour, 2 décembre 2010 20h00 et jusqu’à nouvel ordre ».
Les antagonismes Nord – Sud
L’explosivité de la situation actuelle trouve ses racines dans le contexte géopolitique de la Côte d’Ivoire. Depuis deux décennies, le pays est tiraillé par des antagonismes profonds entre le Nord rebelle – pro Ouattara – et le Sud loyaliste, fief de Laurent Gbagbo. Les différences entre les deux camps sont en partie culturelles. La notion de nationalité ivoirienne se retrouve au centre des débats. Le Nord musulman est longtemps banni de la vie politique par le sud chrétien. Conséquence : plusieurs confrontations sanglantes entre ces deux parties se succèdent. Comme en septembre 2002, où un putsch militaire fait une centaine de morts au centre du pays à Bouaké et à Abidjan. L’armée rebelle – dont certains membres ont été licenciés de l’armée ivoirienne par Gbagbo pour « nationalité douteuse » – s’empare du Nord et scinde le pays en deux. Plusieurs fois écarté de la course à la présidentielle, Alassane Ouattara voit sa nationalité ivoirienne enfin validée en 2001 mais attend encore quatre ans pour être reconnu candidat à la présidentielle. Après six reports initiés par Gbagbo, ces élections historiques sont finalement reportées à 2010. Aujourd’hui, force est de constater que la Côte d’Ivoire a manqué son rendez-vous avec l’histoire.
Deux présidents pour un fauteuil
Si Laurent Gbagbo se voit largement dépeint par la presse et la communauté internationale comme le méchant de l’histoire, certaines voix – dont celles de quelques hommes politiques du Parti Socialiste comme Guy Labertit ou Henri Emmanuelli – relativisent cette version. A la décharge du président sortant, la commission électorale indépendante (CEI) – qui doit veiller au bon déroulement du scrutin – se verrait par le jeu des alliances principalement composée d’opposants au régime en place. Cet organe s’apparente, selon le site officiel de la CEI, à un « microcosme du paysage politique » de la Côte d’Ivoire. Et se compose notamment de représentants des trois grands partis en lice aux présidentielles. Or, Henri Konan Bédié (défait au premier tour du scrutin) s’était allié à Alassane Ouattara en vue du second tour. Le clan Gbagbo avait alors jugé cette alliance « contre-nature ». Philippe Evanno – chercheur à la Sorbonne et directeur de l’institut de prospective africaine – défendait la semaine dernière sur les ondes de kernews la thèse selon laquelle la CEI serait principalement composée d’opposants au président sortant : « Laurent Gbagbo n’avait que deux représentants sur douze commissaires centraux… Cette commissions indépendante ne l’était pas réellement, puisque composée essentiellement d’adversaires de Laurent Gbagbo». Celui-ci ajoute également que ces élections ont été organisées « dans un pays dont une partie du territoire était aux mains de milices armées ». En l’occurrence le Nord, défavorable à Laurent Gbagbo. De son coté, Alassane Ouattara peut se sentir lésé par le déroulement du scrutin. Le Conseil Constitutionnel – chargé selon le droit Ivoirien de valider le vote – se compose de proches de Laurent Gbagbo. Et c’est ce même organe qui a invalidé l’élection d’Alassane Ouattara. L’impasse actuelle rend la situation institutionnelle de la Côte d’Ivoire insolite. Le 4 décembre dernier, Laurent Gbagbo se fait investir chef de l’Etat par un Conseil Institutionnel à sa botte. Alassane Ouattara réplique le même jour en prêtant serment à l’Hôtel du golf à Abidjan, où il est sous protection de l’ONU.
Des troubles et une presse muselée
Conséquence de cette instabilité : le pays connaît plusieurs manifestations le week-end suivant les résultats du scrutin. D’épaisses fumées noires s’élèvent notamment à Bouaké et Abidjan, où des partisans pro-Ouattara brulent des pneus et érigent plusieurs barricades en guise de protestation. Interrogé la semaine dernière par Europe 1, Guillaume Soro – premier ministre nommé par Ouattara – annonce qu’il n’exclut pas une confrontation avec le pouvoir en place, tout en prônant une issue pacifique : « s’il nous oblige on n’aura pas d’autres choix ». D’après un rapport du Comité International de la Croix Rouge, les affrontements en Côte d’Ivoire auraient déjà fait au moins 28 morts et 280 blessés du 26 novembre au 7 décembre. Certains médias locaux, comme AfriqueJet.com, rapportent quant à eux des pressions du pouvoir sur la presse. Adelaïde Konin, journaliste ivoirienne à Nord Sud, aurait été agressée le jeudi 9 décembre par plusieurs de ses confrères travaillant à la télévision et à la radio nationale. Soupçonnée d’espionnage, elle se rendait au plateau des partisans de Laurent Gbagbo pour couvrir la reprise des activités de l’administration. De son coté, la presse proche du pouvoir accuse la France d’ingérence dans la politique Ivoirienne. Le média Abidjan.net soupçonne l’Elysée de préparer un « génocide en Côte d’Ivoire », tout en envisageant un « attentat à l’intégrité physique » de Laurent Gbagbo. Le journal Notre Voie estime quant à lui que « Le Coup d’Etat de la France a encore échoué ». Une manière pour les proches de Laurent Gbagbo de lancer un avertissement à la communauté internationale ?
La France dans le collimateur
L’hexagone se retrouve ainsi dans le collimateur du clan présidentiel. Parmi les faits reprochés à l’ancien pays colonisateur : la diffusion dans les médias français des résultats invalidés par le Conseil Constitutionnel, mais aussi la présence de son ambassadeur à l’hôtel du Golf – quartier général d’Ouattara – lors de la proclamation des résultats. Par précaution, le lycée français d’Abidjan a fermé ses portes. En 2004, la communauté française de Côte d’Ivoire – dont les intérêts économiques sont importants dans le pays – avait fait l’objet d’agressions suite à la destruction des forces aériennes ivoiriennes par les troupes de l’Opération Licorne. Composée de soldats français, cette force – instituée dès septembre 2002 en Côte d’Ivoire – opère en complément de l’ONUCI pour prévenir tout risque de guerre civile sur le territoire. A Paris, la prudence est actuellement de mise. Interrogée la semaine dernière sur France Inter, la ministre des affaires étrangères Michelle Alliot-Marie reconnaissait « une demande unanime de reconnaissance de la victoire d’Alassane Ouattara », mais écartait – pour le moment – toute sanction contre la Côte d’Ivoire : « Nous ne sommes pas à ce niveau là mais il est évident qu’il y a un certain nombre de procédures internationales qui seraient mises en œuvre si la transition ne passait pas ».
Et la communauté internationale ?
Même verdict du coté de la communauté internationale : le mercredi 9 décembre, le conseil de sécurité de l’ONU reconnaissait la victoire d’Alassane Ouattara. Deux jours plus tôt, la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedecao) validait également cette élection. De plus en plus esseulé, le clan Gbagbo – qui interprète les critiques internationales comme un affront à la souveraineté ivoirienne – répliquait par le biais de son ministre des affaires étrangères, Alcide Djédjé : « il ne revient pas à la Cedecao de désigner un vainqueur dans une élection organisée par la Côte d’Ivoire ». Celui-ci juge également l’ONU « à la dérive ». Dernier acteur à se mêler au conflit : l’Union Européenne, qui déclare le 13 décembre – dans un projet de déclaration adopté le jour même à Bruxelles – avoir « décidé d’adopter sans délai des mesures restrictives » contre le régime ivoirien. La sanction pourrait être économique : l’aide au développement programmée par l’U.E pour la Côte d’Ivoire s’élève actuellement à 254,7 millions d’euros sur plusieurs années. Face au mutisme du clan Gbagbo, une question se pose. Une intervention de la communauté internationale en Côte d’Ivoire ne risquerait-elle pas d’aggraver une situation déjà tendue? C’est ce que pense Michel Galy, politologue spécialiste de la Côte d’Ivoire. Interrogé mercredi dernier par Marianne, il estime que « la moindre intervention de l’Occident, que ce soit l’ONUCI ou à fortiori les militaires français mettrait le feu aux poudres ». Vendredi dernier, la situation s’apaisait toutefois pour la première fois. Dans les colonnes du quotidien ivoirien Fraternité Matin, Laurent Gbago lançait un timide appel – sans réponse – à Alassane Ouattara : « Asseyons nous et discutons. S’il y a un problème, on va s’asseoir et discuter ». Une proposition qui n’a pas convaincu le camp adverse. Alassane Ouatarra – qui s’était dit ouvert à des négociations avec son rival à condition que celui-ci abandonne le pouvoir – marchera les prochains jours vers les bâtiments du gouvernement. Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) – organisateur de l’évènement – appelle « la population ivoirienne dans toutes ses composantes à engager maintenant sur tout le territoire national le combat pacifique et démocratique pour installer les autorités légitimes et légales de Côte d’Ivoire ». Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que les deux camps gardent leur sang froid.
Jonathan Bordessoule
Les commentaires (7)
Quant à un fauteuil pour le peuple quant au respect du cauchemar de Darwin…
http://www.youtube.com/watch?v=K3pchfgG-kE&feature=related
Libero, quel rapport entre le concert des vieilles charrues (que vous nous proposez ailleurs) et le sujet de cet article? Voulez-vous qu’on vous donne une page spéciale pour nous poster des liens?..
John Paul
la démocratie ça s’apprend et bien souvent au détriment de qq milliers de morts ….il faut en passer par là !!! c’est cela l’histoire d’ une nation !
Quant il bouger! bouger!
http://www.youtube.com/watch?v=yH8koG6brAQ&NR=1&feature=fvwp
C’est triste…
bagbo est interdit du territoir français comment vas il faire ,pour retrouver toutes ses grandes maisons de millairdaires !!!
requisitionné ,vendu et redonner l’argent à la côte d’ivoire!!!!il n’y a pas que les pays colonisateurs qui ont piller l »afrique mais aussi leur dirigeant !!!bagbo dans la lignée des chefs africains qui pillent leur propre compatriotes!!!
bagbo doit dégager ,le peuple à choisi!!!!ouattara me semble être un homme de bien malgrés qu’il est musulman ,espérons qu’il ne n’islamise pas pas la côte d’ivoire comme en iran,et qu’il n’impose les femmes burqaté c’est tout ce que je souhaite !!!mais je veux croire qu’il y a de bon musulmans qui ne se laisserons pas guider par le radicalisme!!!!moi j’adore l’afrique et les africains,j’aime leur joie de vivre, leur philosophies,avec eux quand ont bossent,ont se marre,ont s’éclatent!!!!
Je viens vers vous au sujet de la Cote d’Ivoire pour interpeler ma chaîne préférée: Canal+. Je vous méconnais et souhaite que vous apportiez les réponses que vous savez trouver dans des émissions comme Spécial investigation… Informez-nous svp: pourquoi l’ONU qui a validé un taux de participation de 70% certifie finalement des résultats portant sur 81%? Où est passé le President de la Commission électorale? Un John Paul lepers l’aurait déjà retrouvé pour avoir sa version des faits. Pourquoi si peu d’infos de fond?