Bravo les Islandais !

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Samedi dernier, les Islandais ont dit « Oui » au projet de nouvelle constitution pour leur pays. Plus de 68% des votants ont validé le texte élaboré par une assemblée populaire de 25 citoyens élus par le peuple. C’est le 3ème référendum depuis 2008 en Islande. Retour sur cette aventure post-crise, née de la révolution des casseroles.

68,3% des Islandais pour la nouvelle constitution

L’an dernier, 25 citoyens Islandais élus par la population se sont réunis pour écrire la nouvelle constitution de leur pays. Six mois de discussions et de débats participatifs sur les réseaux sociaux avaient alors abouti à un texte qui a été soumis au vote de la population samedi dernier. Aujourd’hui, les habitants de la terre de glace sont majoritairement d’accord sur le fait que la future constitution du pays devra être basée sur ce texte participatif. Le résultat est sans appel : 68,3% de « oui », soit deux tiers des suffrages exprimés… même si le taux de participation n’a pas dépassé les 50%.

Katrin Oddsdottir, avocate et citoyenne, membre de l’assemblée constituante (juin 2011) – ©Thibault Pomares

 

Si cette nouvelle constitution doit d’abord être validée par l’Althing (le parlement Islandais) avant d’être effective, une majorité d’Islandais sont d’ores et déjà favorables à son application. Chapeau l’Islande, belle leçon de démocratie directe !

La Révolution des Casseroles, quésaco ?

Le documentaire « Islande : Takk la Crise ? » (voir au bas de l’article) racontait ce processus qui a vu le jour au lendemain de la crise financière de 2008. En plein cataclysme économique, les Islandais avaient bravé la nuit polaire pour sortir dans les rues et taper sur des casseroles. Les manifestations avaient contraint le gouvernement conservateur à démissionner. S’en étaient suivis deux référendums sur le remboursement de la dette. « Non » avaient-ils dit, « nous ne rembourserons pas les conneries des banquiers ». Enfin, une refonte de la constitution avait été lancée par 25 Islandais de tout bord : un prêtre, une metteuse en scène, un fermier, une avocate ou encore, le père de Björk !

Avant de continuer, pour les curieux, je vous propose de redécouvrir cette révolution via l’émission « Entre Chien et Loup » de Laurence Garcia. Chaque semaine la chroniqueuse de France Inter invite un « Reporter Citoyen » ou un membre de LaTéléLibre à s’exprimer sur un sujet d’actualité. C’était mon tour le samedi 12 octobre dernier, pour parler de cette prise de conscience citoyenne qui a considérablement transformé la société Islandaise.

 

Un référendum qui témoigne de la nouvelle dynamique de l’île :

 

Le référendum du 20 octobre dernier se présentait sous la forme de six questions. Des interrogations à but consultatif sur quelques points-clés du projet de nouvelle constitution : la gestion des ressources naturelles, la séparation entre l’Église et l’État, un accès plus facile au référendum, mais aussi plus de facilité pour les citoyens pour présenter leur candidature lors des élections.

Question 1 : « Voulez-vous que les propositions du Conseil constituant servent de base à la nouvelle Constitution ? »

Résultats : Oui : 65,9% / Non : 34,1%

→ Cette question centrale visait à déterminer si les citoyens sont favorables au nouveau texte constitutionnel. Le « oui » l’ayant emporté majoritairement, la « nouvelle constitution » islandaise doit maintenant être soumise au vote du parlement. Ce texte remplacera l’ancienne constitution jugée aujourd’hui obsolète. En effet, l’ancien texte datait de 1944, année de l’indépendance de l’île qui à l’époque était danoise.

Question 2 : « Voulez-vous que, dans la nouvelle Constitution, les ressources naturelles qui ne sont pas propriété privée soient déclarées propriété de la nation ? »

→ Résultats : Oui : 81% / Non : 19%

→ Depuis la crise, les Islandais se préoccupent de leurs ressources naturelles et craignent de plus en plus le secteur économique privé. Une défiance justifiée puisque les ressources naturelles de l’île sont un pilier de l’économie (et de l’énergie) islandaise. Traduction : les islandais veulent nationaliser leurs ressources naturelles. Joli.

Question 3 : « Voulez-vous que figure dans la nouvelle Constitution une clause sur une Eglise nationale islandaise ? »

→ Résultats : Oui : 57,4% / Non : 42,6%

→ Question floue pour nous Français, mais révolutionnaire pour les Islandais. Jusqu’à présent en Islande, il n’y a pas de séparation entre l’Église et l’État. Du coup, lors de la rédaction du nouveau texte, un prêtre-citoyen faisant partie de l’assemblée constituante a dû travailler dans un groupe de réflexion pour accélérer la séparation de ces deux institutions. Il faut rappeler qu’en Islande, 82,1% de la population est membre de l’Église évangélique-luthérienne : une Église « nationale ».

Question 4 : « Voulez-vous que la nouvelle Constitution autorise plus que cela n’est le cas dans la présente Constitution, l’élection personnelle ? »

→ Résultats : Oui : 76,4% / Non : 23,6%

→ La révolution des casseroles continue ! Désormais, l’accès à l’élection au Parlement pour les particuliers sera facilité. Une belle initiative visant à remettre le citoyen au cœur de l’échiquier politique.

Question 5 : « Voulez-vous faire figurer dans la nouvelle Constitution une clause stipulant que les voix des électeurs pèsent d’un poids égal, quel que soit leur lieu de résidence dans le pays ? »

→ Résultats : Oui : 56,2% / Non : 43,8%

→ Eh oui, en Islande, un député de Reykjavik la capitale, vaut deux fois plus de voix qu’un député de la campagne. Un paragraphe de la nouvelle constitution qui prône l’égalité du droit de vote et qui doit faire flipper la droite. Explication… Sanctionné par le peuple et remplacé par le parti social-démocrate au lendemain de la crise de 2008, le parti conservateur dirigeait le pays non-stop depuis l’indépendance (1944). Ce nouveau texte pourrait dès lors mettre des bâtons dans les roues de l’opposition conservatrice qui, soit dit en passant, n’a pas toujours soutenu l’assemblée constituante !

Question 6 : « Voulez-vous faire figurer dans la nouvelle Constitution une clause permettant à un certain pourcentage des électeurs d’exiger un referendum sur un sujet donné ? »

→ Résultats : Oui : 70,8% / Non : 29,2%

→ Encore une leçon tirée de l’incroyable révolution des casseroles et une jolie preuve de démocratie directe au pays des volcans ! En effet, depuis la crise, les Islandais sont amoureux des référendums. Retour en 2008… Lorsque les établissements bancaires ont fait faillite en Islande, une banque en ligne privée nommée « Icesave » proposait des comptes épargne au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Une fois le système financier Islandais explosé, les épargnants british et hollandais ont demandé des comptes (les quelques 5 milliards perdus dans le tsunami de la crise économique). Problème : ça aurait été au peuple Islandais de rembourser la dette d’une banque privée. C’est culotté… Alors en bon berger, le président Islandais Olafur Ragnar Grimsson (fraîchement réélu en juin dernier pour un 5ème mandat) a soumis le remboursement de la dette à un référendum. À deux reprises, les Islandais ont répondu « Non ». Comme quoi, le référendum, c’est bien sympa. Désormais, avec le projet de nouvelle constitution, il est prévu que les citoyens puissent provoquer un référendum s’ils sont juste 10% à le demander. On appelle ça la démocratie puissance 10.

 

Épilogue (provisoire) :

Ce vote des citoyens valide l’élan d’audace et la dynamique qu’on observe en Islande depuis la crise économique de 2008. Maintenant, le projet de nouvelle constitution devra être voté par le parlement, MAIS aussi par les nouveaux députés qui sortiront des urnes lors des prochaines législatives en avril prochain. Alors attention aux conclusions trop rapides : si le parlement est aujourd’hui majoritairement social-démocrate, c’est aussi parce que la gauche Islandaise a un visage : Johanna Sigurdardottir, première femme à être devenue chef du gouvernement en Islande. Or, cette dame très populaire qui a légalisé le mariage homosexuel dès son entrée en fonction compte prendre sa retraite ! Ça tombe mal… Une aubaine pour la droite qui va en profiter pour essayer de redevenir majoritaire au parlement et qui pourrait ensuite faire valser le projet de nouvelle constitution. La révolution islandaise est à suivre…

Texte et photos : Thibault Pomares

 

Documentaire « Islande : Takk la Crise ? »

 


ISLANDE : TAKK LA CRISE ? par latelelibre

« Islande : Takk la Crise ? », un film de Thibault Pomares

Images : Julien Boluen

©LaTéléLibre 2011

Des liens :

Voir l’article original du film « Islande Takk la crise ? »

Les résultats du référendum sur le site du Reykjavik Grapevine (en anglais)

Site de l’émission « Entre chien et loup » sur France Inter.

 

 

 

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Les commentaires (3)

  1. Encourageant, cependant j’ai très peur que le faite de faire voter la constitution de plus, par un parlement déjà élu ne rende cette future nouvelle constitution pas vraiment plus protectrice et efficace que leur précédente, enfin cela va plutôt dans le bons sens avec le référendum d’initiative populaire (10% en Islande, ça peut aller très vite). avec 320 000 habitants et au 21e siècle et les nouveaux modes de communication ils auraient du demander un suffrage universel.

  2. Les révolutions rousseauistes genevoises de 1782 et de 1792-1794 avaient appliqué la démocratie participative ; désignée sous le nom de Démocratie Impérative ( et non « Représentative » ) dans le  » Du Contrat Social et des Principes politiques  » ET DANS LAQUELLE LA REVOCABILITE REFERENDAIRE DES ELUS EN COURS DE MANDAT ETAIT UN DROIT CENTRAL !

    QUE LES ISLANDAIS S’INSPIRENT DE CETTE HISTOIRE RÉVOLUTIONNAIRE FÉCONDE ET ILS SERONT DÉFINITIVEMENT DÉBARRASSÉS DU PARASITISME POLITIQUE LIBERTICIDE ! Merci d’en parler autour de vous.