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Le Point Rouge du Jihad, en Terrasse #1

Publié le | par

Un Point Rouge post-attentat à Paris, sur une terrasse de resto. Des imams, des acteurs sociaux, des passants cherchent les causes de la tentation du Jihad chez les jeunes, et tentent de trouver des solutions au delà des réponses sécuritaires et liberticides.

C’était un Point Rouge du soir, sur une terrasse du 11e arrondissement de Paris, à deux pas des bars et de la salle de concert du Bataclan où ont eu lieu les attaques terroristes du 13 novembre. Un Point Rouge pour manifester le désir d’être libre, toujours, de sortir sans peur ; pour provoquer la rencontre aussi et le dialogue quand il y en a vraiment besoin ; pour libérer la parole surtout, autour de l’Islam et la radicalisation.

Un débat passionnant qu’il aura fallu diviser en deux parties. La suite la semaine prochaine.

Les invités de John Paul Lepers : l’Imam itinérant Abdellali Mamoun, l’ancien détenu et militant associatif Karim Moktari et la responsable de la Cellule de prévention du terrorisme Sonia Imloul.

Installés sur la terrasse de la Pizzeria la Cerise sur la Pizza, Abdelkader Achour, l’imam de la mosquée Omar juste en face, est également venu rejoindre le plateau.

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Les fondamentalistes ne sont pas les terroristes

 

« Le salafisme n’est pas un mouvement extrémiste qui prône la violence, mais il n’encourage pas la cohésion sociale ». Abdellali Mamoun, Imam itinérant.

Fondamentalistes, intégristes, fanatiques… Nous avons tendance à prendre les uns pour les autres et les marquer tous du même sceau : le terrorisme islamiste. Mais pour comprendre qui sont ces terroristes qui se revendiquent de l’Islam, démêler tout cela est nécessaire…

Le Fondamentalisme est né au Etats Unis dans la première moitié du XXe siècle chez les Protestants qui désiraient revenir aux sources, à une pureté originelle de la foi qui se trouve dans les Ecritures, enfin débarrassée des interprétations d’une quelconque autorité religieuse. L’Intégrisme quant à lui défend « l’intégrité » de la foi fixée par l’interprétation des Textes par les autorités religieuses lorsqu’au début du XXe siècle les « catholiques intégraux » se défendent contre les « modernistes » qui remettent en question les données de la foi face aux sciences.

A ces deux courants nés dans le giron de la sphère chrétienne, a précédé une autre notion, plus directement dangereuse puisqu’elle pousse à l’action : le fanatisme. Ce sont les Lumières au XVIIIe siècle qui donnent à ce mot toute son épaisseur d’excès. D’« inspiré », puis « en délire », à propos des prêtres de Cybèle qui se livraient à des manifestations violentes au cours du culte rendu à la déesse, le « fanatique » devient celui qui se croit inspiré par la divinité, « illuminé ». Il désigne aujourd’hui « un dévouement absolu et exclusif à une cause qui pousse à l’intolérance religieuse ou politique et conduit à des actes de violence ».

Ceux qui commettent des actes terroristes comme ceux du 13 novembre n’ont ni la science des fondamentalistes ni la foi des intégristes, ils sont des fanatiques qui ont trouvé dans le terrorisme une Cause qui les raccrochent à la vie, avec de vagues notions de l’Islam comme justification.

Le terrorisme pour trouver un sens

« Quand on est jeune, quand on cherche un but dans sa vie, une cause à défendre, il se peut qu’on puisse être récupéré par ces groupuscules ». Sonia Imloul.

 

Si la radicalisation est polymorphe, elle touche toujours celui en quête de sens. De ce processus qui se déploie dans le temps, on peut tirer un profile type : le jeune, navigant d’échec scolaire à l’instabilité au sein du foyer, finit par être éduqué par la rue. Marginalisé, il entre dans la délinquance, puis passe par la case prison. A ce moment là du chemin, il n’est pas encore nécessairement question de religion. En colère et perdu, c’est là seulement qu’il reçoit un début d’inculcation, auprès d’imams le plus souvent autoproclamés. Mais c’est en sortant de prison surtout que le futur radicalisé cherche un sens à sa vie. Il passe alors la porte de la mosquée, dans deux types complètement différents mais qui mènent toutes les deux au même terme : la radicalisation.

D’un côté, la mosquée radicale, dite active. Elles sont environ 100 en France. On y trouve un discours qui appelle à isoler et à promouvoir un repli identitaire. Désavouer la société, exclure le divertissement et la fête ainsi que rechercher une vie austère deviennent les règles. Le jeune qui sort de prison est plongé dans un début de radicalisation : la vie ici n’est pas à combattre. Sans être poussé au terrorisme, il ne lui reste tout de même q’une solution pour se réaliser vraiment : partir.

Pour l’imam itinérant Abdellali Mammoun, ce sont « ces imams prédateurs (et non pas seulement prédicateurs) [qui] assassinent la conscience de ces hommes avant la vie des gens ».

De l’autre côté, nous avons la mosquée consulaire, dite passive. Elles sont environ 1500 en France. Les imams de ces mosquées viennent du Maroc, de l’Algérie ou de la Tunisie, que la France accueille pour des raisons diplomatique et économique. Les mosquées consulaires pratiquent une radicalité passive en laissant le terrain à des imams clandestins qui endoctrinent :

 On fabrique des terroristes par le vide spirituel »
imam Abdellali Mammoun.

Ces imams ont un discours faible, creux, et connaissent mal le contexte français. Le jeune français qui sort de prison ne s’y reconnaît donc pas. Dehors, on lui dit alors que ces mosquées sont alliées à l’Occident et que le vrai islam est du côté de ceux qui se battent sur le sentier de Dieu. Le jeune doit alors choisir entre être français, donc banni par Dieu, ou être musulman en suivant le « vrai » islam qui ne trahi pas le message du prophète. Il se retrouve donc enrôlé par un réseau structuré et devient dès lors une menace pour la sécurité de la France.

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Le complot

« Les attentats du 13 novembre, c’est une manipulation politico-médiatique, c’est un complot » Mohammed, un jeune chef d’entreprise qui passe souvent dans le quartier.

Un jeune sur cinq croirait à la théorie du complot.

Le complotisme ne date pas d’hier : il voit le jour dans l’Empire romain alors il fallait persécuter les chrétiens, accusés d’avoir le projet de détruire Rome. Puis les juifs sont rapidement devenus les accusés largement partagés. Du monde religieux, il a basculé aussi du côté politique, lorsque les échecs du socialisme étaient interprétés comme l’oeuvre du complot capitaliste.

Pour Gérard Haddad, psychanaliste, malgré l’échelle de temps et la diversité des mouvements complotistes, on peut en tirer trois caractéristiques qui reviennent à chaque fois : le complotisme est congénital au fanatisme, il n’est pas l’apanage du fanatisme religieux ou racial, et c’est une propriété générale des théories complotistes que d’être réversibles. Le complotisme est une idéologie répandue qui est le symptôme d’un mal : un manque de confiance dans les autorités politiques. Dans son livre « Dans la main droite de Dieu », Gérard Haddad anayse la théorie du complot chez les musulmans :

« Le fanatisme musulman est loin, en effet, d’être homogène. Devant certains actes barbares, comme la destruction des Twin Towers de New York, commis par des djihadistes connus, repérés, photographiés, on a vu se développer, dans d’autres milieux musulmans, l’hypothèse que ce n’était pas des musulmans qui avaient commis l’attentat, mais… le tout-puissant Mossad. Cette thèse s’est nourrie d’affirmations rocambolesques, comme celle prétendant qu’aucun juif n’aurait péri dans l’affaire, alors qu’il est si facile de vérifier le contraire. Oui, des juifs sont bien morts dans cet incroyable attentat. Mais l’adepte du complot ne tient compte que des faits qui confirment son délire. La théorie complotiste, au même titre que l’idée fanatique, est inaccessible à la critique, encore moins à la réfutation.

De semblables affirmations ont été à nouveau proférées après le massacre des journalistes du magazine satirique Charlie Hebdo par des djihadistes. De très nombreuses personnes croient et soutiennent que ce massacre n’a jamais eu lieu, qu’il s’agit d’un bobard inventé par la CIA et le Mossad, comme toujours. Nous n’avons pas vu les cadavres, disent-ils, et le policier abattu était un acteur qui jouait un rôle puisque la vidéo de son exécution ne montre pas de flaque de sang, etc. Des musulmans ne peuvent pas faire ça ! Il est vrai que l’idéal d’un islam tolérant et pacifique ne peut que se fracasser devant la réalité de la barbarie djihadiste. Il préfère se cliver par le déni.

Dans la crise identitaire et spirituelle que traverse aujourd’hui l’islam, le complot devient l’explication de tous les échecs. L’attentat du 11-Septembre ? Complot ! Le printemps arabe qui souleva tant d’espoirs pour se terminer dans l’immense tragédie syrienne ? Complot ! Même Al-Qaïda et l’État islamique résulteraient de complots américains et sionistes !

Une place particulière de ce déni revient au « révisionnisme », c’est-à-dire aux théories qui nient l’existence du génocide des juifs. Malgré les milliers de témoignages de survivants, les photos et les films, ceux issus en particulier des archives nazies, les travaux d’historiens de toute nationalité, certains soutiennent toujours que l’existence du plus grand crime de tous les temps n’est que fiction. »

Les invités

Imam Abdellali Mamoun

En 1982, il est sacré meilleur élève de la mosquée de Mantes-la-Jolie et représente
la France pour un concours de psalmodie coranique en Libye. L’année suivante, il part pendant
six ans en Syrie dans un institut spécialisé dans la formation d’imams. Puis, il enchaîne un
séjour dans une université d’Arabie saoudite : « Cela ne m’a pas plu. Je n’ai pas apprécié le
caractère obtus de leur vision de l’islam. » Il rentre en France et s’inscrit à la Sorbonne
pour préparer un DEA d’histoire de la philosophie. Puis, il devient professeur dans les écoles
coraniques des Mureaux et de Mantes-la-Jolie, dont il devient, en 1995, le secrétaire général.
Mais, en 2001, la Ligue islamique mondiale, une ONG saoudienne proche des wahhabites (doctrine
qui prône la stricte obéissance au Coran), prend le contrôle de la mosquée : « Je n’étais pas
d’accord car c’était le symbole de l’ingérence de l’étranger dans l’islam de France. » Il claque
la porte et devient « imam itinérant ».

Sonia Imloul

Responsable de la cellule de prévention du terrorisme en France créée en novembre 2014. Cette structure expérimentale (une équipe de psychologues, psychiatres et médiateurs religieux), unique en France, tente de venir en aide aux familles démunies face à leurs enfants prêts à rejoindre l’Irak ou la Syrie pour faire le jihad.
Sonia est aussi membre du Conseil économique et social et à la tête de Respect 93, association de prévention de la délinquance en Seine-Saint-Denis.

Karim Moktari (dans la deuxième partie du Point Rouge)

Né en 1978, a passé une grande partie de sa vie dans les bras des institutions françaises. De douze à dix-sept ans, il connaîtra trois foyers d’éducation spécialisés, puis, de dix-huit à vingt cinq ans, plus de quinze établissements pénitentiaires. Condamné à dix ans de réclusion criminelle, il en purgera finalement un peu plus de six.
A sa sortie, en 2002, il rejoint l’association www.ateliersansfrontieres.fr , une association de réinsertion sociale et professionnel au service de la solidarité internationale en tant que logisticien sans frontières, avant de devenir encadrant technique spécialisé puis, chef de chantier humanitaire.
En 2005, il devient expert jeunesse sur la question de l’engagement civique des jeunes Français au sein de l’association www.unis-cite.fr , puis coordinateur national et formateur auprès des acteurs jeunesses qui accompagnent les jeunes volontaires en Service Civique.
Depuis 2012, un acteur engagé dans le changement qu’il espère pour le monde carcéral. Vice-président de l’association www.carceropolis.fr , plateforme internet qui donne à voir la prison autrement, à travers un ensemble de ressources multimédia, une vision « réaliste » de l’univers carcéral.
Depuis 2014,directeur de l’association www.100Murs.org  et formateur des professionnels éducatifs et judiciaires accompagnants des jeunes mineurs placés sous main de justice.

Le Point Rouge du Jihad en Terrasse

ÉCRIT ET REALISE PAR
JOHN PAUL LEPERS

ENQUÊTE
FLORE VIÉNOT

IMAGE
VINCENT MASSOT
VIVIEN CHARREYRE
THIBAULT POMARES

MONTAGE
MARS LEFEBURE

RESPONSABLE TECHNIQUE
LARRY WAXMAN

CHARGÉ DE PRODUCTION
CHARLES DAYOT

MUSIQUE
ROMAIN DUDEK

PRODUCTION
LATELELIBRE © Décembre 2015

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