[TRIBUNE] La Droite est-elle Funky ?

Publié le | par

TRIBUNE LIBRE – De grosses discussions ont lieu au sein de la rédaction de LaTéléLibre depuis que le débat sur le Mariage pour Tous est devenu un enjeu politique et social majeur. Mickaël Royer, jeune réalisateur prometteur, plutôt à gauche, un poil anar, mais peu engagé et surtout peu politisé, a voulu exprimer ce qu’il ressentait devant le mouvement de l’opposition de droite. D’autres tribunes devraient suivre. Le débat continue.

 

Ce qu’il y avait d’avantageux à être jeune et de gauche, il y a de cela cinq ans, c’est qu’on pouvait très facilement se promener dans les couloirs de la faculté d’Assas. Les bon chic bon genre étaient presque tous apolitiques et ça allait de soi comme ça. Les débats perdaient vite de leur superbe devant les émois d’une soirée au Madame ou, et que sais-je, d’une semaine de vacances à l’Ile d’Yeu. De toutes les manières les figurent tutélaires de droite étaient toutes plus ringardes les unes que les autres : comment citer avec passion un de Villepin dans la lettre, un Sarkozy dans le Guaino ou un Lefèbvre dans le Voltaire. L’explication était toute trouvée, l’argent était alors synonyme de confort, lui-même corolaire d’indolence et à partir de là, autant trainer dans l’oisiveté plutôt que s’échiner à contrarier les propos d’une bande de fumeurs de foin sec parfois sales et souvent dépourvus d’un réel goût vestimentaire.

Mais qu’est-ce qui s’est passé depuis ? Parce qu’il va bien falloir l’admettre, aller défier du CRS en polo rose et mocassin, ça commence à être crédible !

Première piste de réflexion, la droite passe finalement dans l’opposition. Je vous parle d’un constat que les plus de 25 ans ne peuvent pas comprendre ou, autrement dit, le sentiment de ceux dont la conscience politique n’a jamais connu que des mandats de droite. Jusqu’à présent la jeunesse de gauche avait un monopole total de la révolte citoyenne. A ce propos, j’ai le souvenir d’un cortège contre la loi Fillon de 2005 dont le trajet l’avait mené non loin du très fameux collège Stanislas, connu pour le ratio excentrique entre la longueur des mèches et le raz des oreilles dégagées de ses élèves. Aucun collégien n’était sorti de la forteresse et d’aucun n’aurait probablement contesté la légitimité d’un gaulliste comme François Fillon. Idem pour le collège Lycée des Francs Bourgeois, équivalent consensuel. Être jeune et de droite dans les années 2000 n’ouvrait pas le droit à un sandwich merguez frites, gras, mais rehaussé par les saveurs épicées d’une journée d’école buissonnière. Seulement depuis le 6 mai 2012 la situation s’est inversée. Tous les idéologues de la cravate bleue peuvent enfin se revendiquer du statut de contestataire. Mais ne s’improvise pas manifestant qui veut et en matière de marche festive et militante la gauche avait déjà mis la barre relativement haut. Il faut se le dire, la référence en matière manifestation de droite restait jusqu’à présent celle des Champs Élysée de 1968, dont le degré d’amusement frisait le zéro. Cette ringardise m’amène à ma…

…Deuxième piste de réflexion : une grande partie des jeunes gens se sont retrouvés autour d’un point, « un mariage c’est un papa et une maman ». Prononcé ainsi, c’est vrai que ça sonne un brin réactionnaire, mais souligné par la charismatique Frigide Barjot ça donne tout autre chose. La Manif pour Tous sonne déjà comme un jeu de mots et ce n’est pas rien de le dire. Souvenons-nous du Lib’dub de l’UMP ou l’apologie du manque de tact chez les jeunes branchés de l’ouest parisien. La transition entre un Benjamin Lancar, vrai puceau en costard et cette icône sexuelle faussement désuète apparait vertigineuse. Je découvre à mon grand étonnement qu’on peut être militant de droite et rigolard. J’en veux pour preuve la manifestation du 13 janvier 2013, tenue au Champ de Mars. Quelques 500 000 manifestants habillés comme des carnavaliers se sont retrouvés autour de plusieurs chars bariolés de rose et de jaune, à danser sur une sélection pointue des plus mauvais tubes du moment. En somme, l’observateur affuté que je suis ne pu s’empêcher d’y voir une techno-parade, la réflexion de fond en plus. Une vision étriquée de l’engagement marital était dès lors compatible avec un dimanche de fête. Quoi que l’on pense d’elle, il convient de reconnaitre à Frigide Barjot l’immensité de la tâche accomplie : déringardiser la Droite.

Cette grâce retrouvée du militantisme de droite pourrait paraitre superflue, car quand j’y pense la démarche sexy d’un NPA sous Besancenot n’avait duré que le temps de la courte ronde d’un postier ambitieux. Mais là n’est pas mon avis. Cette tranche de la population qui se revendique aujourd’hui des partis de droite se retrouve sur des socles de pensée assumés et partagés : la famille est le noyau dur de la société, le mérite est seul maitre de carrière et le communautarisme est vecteur de trouble à l’ordre social. Ces trois piliers d’idées sont le terreau de ceux de ma génération qui se disent à droite et du plus loin de ma mémoire je ne retrouve pas d’équivalent de mon côté de l’hémicycle. Peut-être que ma communauté de pensée, les gens de gauche et plus particulièrement ceux de ma génération, n’a jamais réussi à se retrouver autour d’une missive aussi simple et porteuse de rassemblement. Qu’on se le dise bien aujourd’hui, la droite se revitalise en son berceau. Quel paradoxe quand on pense que Fillon et Copé la ridiculisaient il n’y a pas quatre mois.

J’entends déjà qu’on n’est pas d’accord autour de la table, en même temps on est repu. On s’est bien gavé de grandes idées depuis Mitterrand mais on s’est bien gardé de continuer, maintenant que la gauche est au pouvoir. Souviens-toi du CPE, du CPI, des grèves étudiantes, de Pécresse, de l’entrée, du plat et du dessert. Maintenant qu’on digère, je ne peux faire autrement que de me rappeler de ce qu’on nous reprochait alors : « bande de branleurs », « veulent pas aller en cours », « z’ont même pas lu la loi » et d’autres missives agaçantes parce que portées par un fond de vérité, certes infime. Nous avions la politique pour nous, jeunesse de gauche, mais nous ne cherchions qu’à singer mai 68. De loin la grimace est mauvaise. Tout ce que l’on a gardé de ces après-midi champêtres à marcher sur la Bastille, c’est une vague fascination pour le discours d’un Mélenchon, symbiose peu crédible entre Gavroche et Albert Camus. Il faut pourtant se méfier des certitudes. Et face à nous maintenant, une foule de fanatiques en osmose presque parfaite avec ses représentants, quand nous cherchons encore si le PS est à gauche.

La droite est funky et la gauche est austère c’est un constat amère. Car la jeunesse de droite sort renforcée par un combat qui les unit, et pour la première fois de ma jeune carrière de citoyen j’ai le sentiment que mes adversaires seront très délicats à contrecarrer.

 

Mickaël Royer

 

Lien

Partager cet article

Les commentaires (4)

  1. C’est bien connu, il n’y a rien de plus efficaces pour réunir les gens qu’un adversaire commun. Dans ce cas, la loi sur le mariage pour tous a servi de catalyseur pour réunir les sympathisants de droite. Cependant, j’ai des doutes sur la pérennité de ce mouvement de réunification.

  2. belle analyse. Mais tu oubli que les manifestants de ces dernieres parades n’étaient pas tous de « droite », et que ceux affiliés à l’ump ou au FN ne sont pas tous en polo rose et meche longue. Ce n’est pas la droite qui sort renforcée de ces débats (la preuve, certains à l’UMP ont voté pour l’adoption de la lois !!), mais plutot les valeurs d’une société francaise débile et archaique

  3. Merci a vous deux pour votre commentaire, ca fait zizire t’as vu !

    A Sylvie : est-ce que t’as un 06, j’te paye un picon au Stayer !

    A fumeur de foin sec : t’as pas un meuge a decale c’est pour mon daron !

    Bonne boure !