LES PROFESSEURS FONT CAUSE COMMUNE
Publié le | par La Rédac'
Soucieux de ne pas abandonner le terrain aux politiques, la communauté enseignante a décidé de ne pas leur laisser le monopole de la raison et de la nation, sachant que ces termes ont une histoire propre qu’il convient d’élucider :
« Le débat politique creuse actuellement deux camps, autour de deux idées de la nation radicalement opposées. Deux camps qui ont toujours existé, mais dont les contours se déplacent au gré semble-t-il d’une inquiétante dérive. Le première idée est celle des révolutionnaires de 1789, celle de Siéyès, de Locke et de Rousseau, celle d’une nation choisie par des hommes libres, sur la base d’un contrat social unissant, au-delà des différences culturelles, ethniques, religieuses, hommes et femmes à partir des valeurs communes de liberté et d’égalité, bref patrie juridique (ce qui ne constitue pas, sauf à être absolutisé de façon suspecte, une négation des héritages, mais donne la priorité à ces principes juridiques communs sur les appartenances culturelles et religieuses héritées), faisant du coup de l’espace politique une chose (res) partagée (publique) entre égaux : une République. C’est la nation démocratique, aujourd’hui clairement défendue par les républicains François Bayrou et Ségolène Royal, pour n’évoquer que les « grands candidats », quelles que soient par ailleurs les divergences qui les opposent, secondaires au regard de ces valeurs non négociables de notre démocratie qui les réunissent, ce qu’un républicain de bonne foi, de droite comme de gauche, ne saurait que reconnaître.
La deuxième idée de la nation est née en réaction aux Lumières, c’est celle issue du redoutable romantisme politique, qui insiste – au départ au travers du thème du Volksgeist (d’âme collective d’un peuple) émergeant chez Herder – exclusivement sur l’enracinement dans une identité (par définition close sur elle-même : A=A) et une tradition nationales, thématisée par Maurras ou Barrès en France, Bonald et De Maistre, et qui alimentera de façon dramatique les conceptions nationalistes et bellicistes de la nation dans notre histoire récente, et qu’incarnent les souverainismes agressifs et parfois xénophobes de Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen, qui sont en ce sens les vrais communautariens, quoi qu’ils passent leur temps à dénoncer celui des autres (il faut bien passer sa rage d’être modernes sur d’autres !).
Conception réactionnaire, fermée, vindicative de la nation, et par là aux antipodes de la première, et anti-démocratique. Entre ces deux conceptions, nous voyons aujourd’hui Nicolas Sarkozy hésiter, balancer, dangereusement, lorsqu’il parle par exemple d’un « ministère de l’intégration et de l’identité nationale » : les vieux démons identitaires et nationalistes de la droite seraient-ils de retour, au moins sur le ton d’une fort suspecte démagogie flirtant avec un des thèmes centraux de l’extrême-droite ? A charge pour l’intéressé de répondre, s’il daigne un tant soit peu clarifier sa position, à défaut de quoi l’on peut légitimement le suspecter d’entretenir une ambiguïté racoleuse, et finalement fort inquiétante.
De surcroît, ce débat entre ces deux idées de la nation a largement, de façon souterraine mais puissante, structuré et opposé les arguments lors du dernier referendum sur la Constitution européenne… La question européenne, vitale pourtant, est cependant assez curieusement absente des débats politiques actuels, comme si la France, de façon étriquée, contemplait indéfiniment son nombril, dans un climat qui fait le jeu de tous les replis et alimente les peurs, qui ne peuvent in fine que desservir la démocratie elle-même, et préparer les futurs désastres… »
Nous ne pouvions pas ne pas vous parler de cette initiative qui apporte un nouveau regard sur l’actualité politique et permettra à tous les curieux d’approfondir leurs réflexions par le biais de textes écrits par des universitaires éminents (Dominique Schnapper, Jean-Marc Ferry, Philippe Raynaud, etc.) et des professeurs de lycée comme des étudiants. La revue sort le 5 avril prochain en librairie pour le prix de 23 € certes, mais sachant que seulement deux numéros paraîtront chaque année.
Souhaitons bonne chance à cette initiative citoyenne.
Site internet de la revue : www.causeco.fr
Les commentaires (2)
Excellente initiative que je suivrai avec attention
Merci de cet éclairage sur l’actualité. Que la télé libre continue à nous faire découvrir de telles initiatives !