[Hollandie] Le Club des Socialistes Affligés, bien malgré eux

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Passée la catastrophe électorale socialiste de cette année 2014, cette capilotade historique, cette décrépitude, certains tentent de sauver les fondations de l’idéologie sociale-démocrate des coups de boutoir des bulldozers extrémistes.

Révoltés ? Indignés ? Consternés ? Déboussolés ? Atterrés ? Non. Les socialistes sont affligés !

Tel est le nom de ce club d’un genre nouveau. Il se propose de rassembler toutes les sensibilités socialistes, de les fédérer en une unité de force visant à revenir aux fondements des idéaux socialistes. LaTéléLibre a suivi leur première réunion publique.

Le club des socialistes affligés

L’idée de ce club est née au jour de la conférence de presse du 28 novembre 2012 de Hollande, alors que ce dernier proposait un socialisme de l’offre et le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Club constitué sous l’impulsion de Liem Hoang Ngoc et Philippe Marlière.

Après avoir attendu le verdict des urnes, soldé par des contre-performances électorales du Parti socialiste (PS) cinglantes, avoir constaté que cet effondrement du parti principal majoritaire n’avait pas bénéficié aux autres gauches présentées aux suffrages, les deux compères décident de sauter le pas officiellement et convoquent une conférence de presse le samedi 7 juin pour présenter le nouveau think tank socialiste.

Les fondateurs

Succinctement, Hoang Ngoc est un économiste (tendance hétérodoxe) encarté au PS (mouvance « un monde d’avance » aux côtés de Hamon, Cherki et Emmanuelli) et ancien eurodéputé. Il a été dernièrement remarqué médiatiquement à travers son rapport critique sur l’action de la troïka (banque centrale européenne, fonds monétaire international et Union européenne) et les politiques d’austérité qui y étaient liées. Et également par son évincement de la liste européenne du PS de la circonscription Grand-Est au profit de l’ancien syndicaliste Edouard Martin.

Philippe Marlière est un politologue, universitaire. Passé 20 années au PS jusqu’en 2009, il rejoint le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) qu’il quitte au bout de 2 ans.

Tout deux tentent de tirer la sonnette d’alarme car ils jugent le PS au bord du précipice. Et plus généralement, redoutent que les idéaux socialistes ne soient ternis ad vitam par les choix politiques des premières années Hollande. Les premiers avertissements de rébellion ont été donnés par les « frondeurs » de l’assemblée nationale. Au premier rang desquels Sylvain Mathieu, présent en ce samedi ensoleillé, pour mieux signifier le ralliement de la centaine de députés PS ayant choisi d’ôter les godillots…

Les objectifs

Hoang Ngoc et Malière veulent en finir avec les mirages de la troisième voie, cette doctrine politique cherchant un équilibre entre socialisme et libéralisme et que Hollande appelait encore de ses vœux le 14 janvier dernier.

Devant la droitisation de l’échiquier politique français et la destruction méticuleuse de la pensée de Gauche, ils souhaitent raviver les couleurs du Socialisme au sens large et font de ce club un mouvement de rencontre entre toutes les composantes idéologiques socialistes, en dehors de toute obligation d’adhésion partisane ou d’encartage. Un groupe uni constitué bien au-delà de la gauche du PS. Un club visant à fédérer plutôt qu’à exclure donc.

 

« Tout sauf un micro-parti »

 

Le club des socialistes affligés (CSA) n’est pas un nouveau parti, non plus qu’une nouvelle mouvance parmi le PS et la gauche décidément suffisamment morcelés. C’est un club de pensées (un think tank dans le jargon branché), modeste selon ses fondateurs qui ne manquent pas de le qualifier d’anti Terra Nova.

Pour le dire plus franchement, Hoang Ngoc et Malière n’hésitent pas à définir Terra Nova comme un suppositoire des fantasmes du microcosme politique, perdu et isolé des racines populaires (comportement suicidaire selon eux) et à la base du virage idéologique du PS. Pour finalement mieux mettre en exergue, par comparaison, la structure légère de leur club mais son militantisme politique farouchement convaincu et aux finalités de riposte politique inoxydables. Pour une politique alternative crédible.

Mais quitte à faire critique du think tank préféré du PS, quid de la transparence sur le financement de ce club donc ? A cette heure, nous n’avons eu retour de notre demande de précisions.

Du débat d’idées « culturellement socialistes »

D’abord, reconquérir les thématiques politiques avec des idées ancrées véritablement à gauche, car la notion de « Socialisme » leur semble avoir été dévoyée par le gouvernement. Parmi icelles, le dossier économique n’est pas des moindres travaux pédagogiques herculéens à entreprendre pour diffuser les solutions hétérodoxes dont le club se veut être le porte-drapeau.

Aussi, ont été conviés à la conférence de présentation de nombreux économistes, peu habitués des médias.

Le front commun contre les politiques d’austérité semble constitué autour de Frédéric Larbon, Xavier Timbeau, Michel Husson, Vincent Drezet et Dany Lang.

Un plateau riche où l’on parle de l’effondrement des réflexes keynésiens depuis 1976, de l’obsession maladive voire pathologique du gouvernement pour les problèmes de la dette publique et du coût du travail, de l’austérité budgétaire, de l’avantage à long terme d’un État employeur en dernier ressort, des allègements des cotisations patronales, de la politique de la demande versus la politique de l’offre, du consentement nécessaire à l’impôt, d’harmonisation fiscale, etc.

Ça bouillonne déjà grandement en quelques heures. Tant et tellement que la chaleur est intenable dans cette succursale européenne sise au 288 du boulevard Saint Germain (75008) !

Mais le club ne se résumerait pas aux questions économiques, primordiales actuellement. De nombreux autres thèmes sont envisagés au débat dans les mois à venir. Tels le grand marché transatlantique (GMT, dit aussi TAFTA), la réforme fiscale (canevas de Piketty), la réforme des universités, les 32 heures hebdomadaires de travail, le droit de vote des immigrés, la 6ème république, etc.

Revoilà la 6ème république…

Car la question originelle et fondatrice du renouveau socialiste passe selon Hoang Ngoc et Malière par la question de la démocratie et de la Constitution.

Cette clé de voûte du fonctionnement des institutions devra être rapidement au centre du débat, pour défaire le régime devenu hyperprésidentiel et prétendre à un régime parlementaire revigoré.

L’architecture de cette nouvelle république, ses visées et desseins, le rôle de l’exécutif et tellement d’autres critères devront être amplement débattus. De quoi reconquérir une souveraineté de la cité pour regagner en légitimité démocratique.

…Et les éléphants

Derrière la volonté prosélyte de lancer des idées et des pistes de réflexion résolument socialistes, et malgré l’affirmation répétée de se démarquer du champ partisan, les intérêts politiciens ne sont jamais tapis bien loin.

Selon les deux compères eux-mêmes, devant le discrédit porté à l’ensemble du corps politique de la Gauche, il faut très vite envisager le regroupement d’une nébuleuse rose/rouge/verte pour écarter le risque d’une ruine idéologique du Socialisme.

Et c’est le moment médiatique attendu. La salle a fini de se combler pour la séquence finale paroxystique. A savoir, l’entrée des dirigeants des principales composantes des forces politiques de la gauche française. Cependant que les flashs crépitent et que Edwy Plenel (Médiapart), jamais indifférent quand il s’agit de l’avenir de la Gauche (lien abonné), tend l’oreille avec gourmandise.

Un panel impressionnant il est vrai, une conférence commune peu anodine, faisant force démonstration du caractère fédératif et unitaire du club.

On constatera de prime abord que Lutte ouvrière et NPA n’ont pas été contactés. Que Nouvelle Donne n’est pas plus présent dans le parterre malgré ses 3% honorables conquis pour leur première participation européenne (300 000 électeurs), ce qui ne lasse pas de se demander si Larrouturou ne deviendrait pas persona non grata dans le microcosme politique, comme un conflit relationnel… (le club n’est-il pas promis pourtant à l’ouverture à toutes les sensibilités socialistes ?).

On regrette que Pierre Laurent (Parti communiste français, PCF), Eric Coquerel (Parti de gauche, en remplacement de Jean-Luc Mélenchon excusé pour raisons personnelles espagnoles), Eva Joly et Julien Bayou (Europe écologie les verts, EELV) ne prennent pas toute la mesure de l’événement et de ce cadre exceptionnel pour n’en débiter qu’une tribune politique convenue mais malvenue.

Heureusement, d’autres auront ouverts la voie à des réflexions. De celles, futures, auxquelles il faudra rapidement répondre pour concrétiser à long terme cette idée de renaissance socialiste.

Gérard Filoche (PS), très motivé aux prochaines perspectives de rapport de force

« C’est le moment de se battre. Une majorité existe à l’assemblée pour mettre en minorité Valls. Le parlement doit s’opposer au président, doit jouer son rôle démocratique. Ne pensons pas dissolution. La Gauche doit gou-ver-ner ! »

Clémentine Autain (Fédération pour une alternative sociale et écologique, allié Front de Gauche), marquée par les derniers résultats électoraux, envisage le pire et souhaite un sursaut idéologique

«  Nous sommes au bout de quelque chose qui ne fonctionne pas : la politique d’alternance qui va toujours dans le même sens néolibéral. Le défi est de répondre à la crise politique, démocratique de la Gauche. Ce que nous ferons ou ne ferons pas maintenant aura un impact dans un futur proche »

Enfin, Pascal Durand (EELV), très en verve et avec une ferveur oratoire, donne toute sa pleine dimension à la visée idéologique de ce club qui se veut réflexif avant que d’être actif

« Les réponses ne viendront pas des partis politiques. Il ne s’agit pas de gérer les hommes. Les idéaux se doivent d’agir sur le réel. Chacun doit prendre ses responsabilités. Redonner espoir, force émancipatrice »

Au regard de ces représentants hétéroclites et de leurs perceptions différentes des futures échéances, le plus dur est à venir dans la vie de ce club. Un tumulte déjà tout proche.

Et l’on peut se demander ce que deviendra ce mouvement qui fuit les éléphants du PS pour mieux se réunir avec ceux des autres partis historiques de gauche ? Alors que les logiques d’appareils tenteront de reprendre la main sur cette unité utopique. Au nez et à la barbe des deux géniteurs ?

Sur le trottoir, alors que nous reprenons souffle d’un air moins vicié, nous ne manquons pas d’augurer. Comme un sentiment que cette réunion ne soit la dernière chance de l’idéologie Socialiste ? Comme une participation à un moment charnière, qui s’inscrira, bon an mal an, dans l’Histoire politique française. Et si rien ne nait de cette initiative, on peut craindre le pire pour la Gauche…

Réponse en 2017 ?

Lurinas

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