Le Vote Blanc Reconnu, mais Pas Trop…

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Un texte adopté à l’Assemblée le 22 novembre dernier et passé sous les radars médiatiques nécessite quelques explications en ce qu’il concerne une modification substantielle de l’expression du droit de vote. Décryptage.

Telle qu’adoptée par l’Assemblée Nationale le 22 novembre dernier, une proposition de loi ouvre grandes les portes de la reconnaissance ultime du vote blanc.

La reconnaissance du vote blanc ou presque

La proposition modifie l’article L.65 du code électoral en son troisième alinéa en y ajoutant trois phrases :

« Dès la clôture du scrutin, il est procédé au dénombrement des émargements. Ensuite, le dépouillement se déroule de la manière suivante : l’urne est ouverte et le nombre des enveloppes est vérifié. Si ce nombre est plus grand ou moindre que celui des émargements, il en est fait mention au procès-verbal. Le bureau désigne parmi les électeurs présents un certain nombre de scrutateurs sachant lire et écrire, lesquels se divisent par tables de quatre au moins. Si plusieurs candidats ou plusieurs listes sont en présence, il leur est permis de désigner respectivement les scrutateurs, lesquels doivent être répartis également autant que possible par chaque table de dépouillement. Le nombre de tables ne peut être supérieur au nombre d’isoloirs. Les enveloppes contenant les bulletins sont regroupées par paquet de 100. Ces paquets sont introduits dans des enveloppes spécialement réservées à cet effet. Dès l’introduction d’un paquet de 100 bulletins, l’enveloppe est cachetée et y sont apposées les signatures du président du bureau de vote et d’au moins deux assesseurs représentant, sauf liste ou candidat unique, des listes ou des candidats différents. À chaque table, l’un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe déplié à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix; les noms portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au moins sur des listes préparées à cet effet. Si une enveloppe contient plusieurs bulletins, le vote est nul quand les bulletins portent des listes et des noms différents. Les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste ou le même candidat. Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc. Dans les bureaux de vote dotés d’une machine à voter, le président, à la fin des opérations de vote, rend visibles les compteurs totalisant les suffrages obtenus par chaque liste ou chaque candidat ainsi que les votes blancs, de manière à en permettre la lecture par les membres du bureau, les délégués des candidats et les électeurs présents. Le président donne lecture à haute voix des résultats qui sont aussitôt enregistrés par le secrétaire. »

On peut donc noter que les bulletins blancs font l’objet d’un décompte différencié. En sus, notons que les bulletins multiples ne sont plus nuls quand ils désignent une même personne ou une même liste.

En effet, la loi n’innove que par deux éléments

Premièrement, les enveloppes vides seront désormais considérées comme des votes blancs (et non nuls comme actuellement). On peut à ce titre s’étonner que la mise à disposition de bulletins blancs reste interdite !

Deuxièmement, les bulletins « blancs » et les bulletins « nuls » seront désormais comptabilisés de la même façon.

Un vote blanc enfin reconnu mais toujours non comptabilisé parmi les suffrages exprimés. Voilà ce que l’on doit entendre par « reconnaissance du vote blanc ». Pas plus, pas moins. Ce qui est bien dommage lorsque l’on prend connaissance de la proposition de loi initiale qui prévoyait que les votes blancs « entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés » (http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0107.asp).

Pour le rapporteur de la proposition de loi, « la prise en compte des bulletins blancs dans les suffrages exprimés permettrait de mesurer la légitimité des élus et le degré de confiance des électeurs ». Également, elle « devrait dissuader certains électeurs de s’abstenir, voire même détourner certains d’entre eux des expressions protestataires et des votes extrêmes ». Bref, le vote blanc n’est pas un « non-choix » mais un « choix supplémentaire ».

Encore aujourd’hui, la proposition n’a donc visiblement pas convaincu nos parlementaires. Le contenu des débats mis en ligne n’est pas moins instructif sur les arguments des uns et des autres (http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2012-2013/20130069.asp).

Une reconnaissance bâclée ?

Le question subséquente à la prise en compte des bulletins blancs sera : que faire lorsque qu’aucun des candidats n’obtient la majorité absolue ?

Aussi, comptabiliser les votes blancs parmi les suffrages exprimés nécessiterait une réforme constitutionnelle car l’article 7 de la Constitution dispose que « le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Les résultats nous démontrent qu’une telle condition n’était pas réunie lors des élections de Chirac (49,5% des votants) et Hollande (48,6%).

Pour aller plus loin, les citoyens devront se pencher sur la question délicate du seuil au delà duquel le nombre de vote blanc rend l’élection illégitime.

Bref, un bulletin blanc sans suffrage exprimé… Le Sénat doit se prononcer sur la proposition (à une date encore indéterminée)…

À suivre… 

Lurinas

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